Pourquoi le Conseil constitutionnel ne rendra pas de décision politique sur les retraites

UGO AMEZ/SIPA

Le Conseil constitutionnel rendra ses décisions vendredi sur la réforme des retraites. Quelles qu’elles soient, une chose est sûre : les réactions de la classe politique n’auront pas grand chose à voir avec le droit. Chacun essaiera de donner un sens politique au verdict des Sages.

Les syndicats ont déjà commencé à donner un sens politique aux décisions du Conseil Constitutionnel en assurant que les Sages devraient juger en droit mais aussi, je cite « en opportunité ». Sous-entendu, surtout, tenez compte de la colère du pays. Mais les décisions qui seront prononcées vendredi diront si le parcours législatif choisi par le gouvernement est conforme aux cadres posés par notre Constitution.

Le conseil tient compte du contexte, mais à la marge. Ses raisonnements sont et seront d’abord juridiques, il n’est pas question pour lui de juger du fond de cette réforme. Cependant, les réactions, elles, seront 100% politiques. S’il approuve l’intégralité de la loi, les anti-réformes critiqueront la République des « copains » et les pro-réformes se féliciteront d’une validation démocratique à même de faire oublier le 49.3, alors qu’elle ne sera que constitutionnelle.

L’expérience des politiques en fin de carrière est utile au Conseil Constitutionnel

Imaginez enfin que la procédure du RIP, le référendum d’initiative partagée, soit rejetée. La Nupes hurlera, et que ce soit à demi-mots ou pas, certains n’hésiteront pas à mettre en cause l’indépendance des Sages. Combien parmi les députés mélenchonistes regarderont froidement si la rédaction était bien conforme à ce que prévoit le texte fondateur ? Je parie qu’ils seront peu nombreux.

Certains affirment que le Conseil Constitutionnel, par sa composition – en partie d’anciens responsables politiques – prête le flanc aux critiques. Mais l’expérience de ces politiques en fin de carrière peut être utile. Elle permet d’appréhender les conséquences d’une décision fondée sur la seule appréciation du droit.

Aux Etats-Unis, les juges suprêmes sont nommés à vie par les présidents

Une cour suprême, qui si elle juge bien sûr d’abord et avant tout en droit, n’est pas non plus en dehors du monde, ce qui ne veut pas dire qu’elle manque d’indépendance ! Nos Sages sont renouvelés par tiers tous les trois ans, pour 9 ans maximum par trois autorités distinctes : le président de la République, celui du Sénat et celui de l’Assemblée Nationale. N’est-ce pas un modèle préférable à celui des Etats-Unis avec des juges suprêmes nommés à vie par les présidents, très marqués politiquement et qui siégeront pour toujours ?

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Et puis en matière de liberté vis-à-vis du pouvoir politique, notre Conseil Constitutionnel a un bilan à défendre. La taxe carbone de Nicolas Sarkozy, la supertaxe à 75% de François Hollande, la loi anticasseurs d’Emmanuel Macron, toutes ont été censurées : et il serait à la botte du pouvoir en place ? Ce n’est pas sérieux. Tous ces arguments existent mais ne soyons pas dupes, vendredi soir une fois que le Conseil aura parlé, personne ne pensera au droit, tout le monde fera de la politique.

David Doukhan

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