Sabine Devieilhe est l’une des sopranos françaises les plus en vue. Celle qui s’est d’abord orientée vers le violoncelle, a commencé sa carrière dans le baroque avant d’élargir son répertoire. Aujourd’hui, son talent et sa voix de cristal lui ouvrent toutes les portes.
Sabine Devieilhe en 8 dates :
- 1985 : Naissance à Caen
- 1993 : Entre dans le chœur de l’Opéra de Rennes
- 2011 : 1er Prix de chant au CNSM de Paris
Révélation classique de l’Adami - 2012 : Fait ses débuts au festival d’Aix en Provence
- 2013 : Révélation lyrique aux Victoires de la musique
Signe chez Erato/Warner - 2018 : Artiste lyrique aux Victoires de la musique
Participe au Festival de Salzbourg
Sabine Devieilhe apprend d’abord le violoncelle avant de se mettre au chant lyrique
La soprano a grandi à Ifs, une banlieue au sud de Caen. Ses parents sont tous deux éducateurs spécialisés, reconvertis dans la formation et l’enseignement. Les quatre filles débutent chacune un instrument différent à l’école de musique toute proche. La sœur aînée, Florence, s’engagera aussi dans la voie professionnelle, au violon. Au conservatoire de Caen, où Sabine a suivi son professeur de violoncelle, elle croise une cheffe de cœur qui lui conseille : « Va prendre des cours de chant, tu as une jolie voix. » Elle a 15 ans et suit des cours pendant deux ans, sans avoir de « grand déclic. » Après le bac, elle s’oriente vers la musicologie à la fac de Rennes et entre en parallèle en classe de chant au conservatoire avec Martine Surais. Mais, surtout, elle intègre le chœur de l’Opéra de Rennes. « J’ai appris comment se fabriquait un opéra. J’y ai un peu tout fait. C’était une formidable expérience, » se souvient-elle pour Classica en 2019.
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Elle découvre la musique baroque à Rennes, avant d’entrer au Conservatoire de Paris
C’est à la même époque qu’elle s’initie au baroque. Le conservatoire de Rennes ouvre une classe de violoncelle baroque, et Sabine Devieilhe entre tout de suite dans l’aventure. Elle tient la partie de continuo dans des cantates où chante la soprano Maïlys de Villoutreys. Elle se familiarise avec le répertoire en écoutant les disques de Claire Lefilliâtre, Jean-François Novelli et le Poème Harmonique. Cependant, c’est en chant qu’elle passe le concours d’entrée au CNSM de Paris en 2008, qu’elle réussit haut la main. Elle y approfondit le répertoire mozartien, notamment la Reine de la Nuit de La Flûte enchantée, un rôle qu’elle tiendra plus tard sur la scène de l’Opéra de Lyon et de l’Opéra de Paris. Elle se plonge également dans les œuvres de Rameau.
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La soprano chante aussi bien Poulenc et Richard Strauss que Mozart et Rameau
Son Premier Prix en poche, elle participe à l’atelier lyrique de Tourcoing où Jean-Claude Malgoire lui offre ses premiers grands rôles : Amina dans La Somnambule de Bellini, et La Folie dans Platée de Rameau. En 2012, elle fait ses débuts au Festival d’Aix en Provence dans La Finta Giardinera de Mozart avec Le Cercle de l’Harmonie. Tout va très vite pour la jeune soprano, qui se voit propulser en quelques années sur les plus grandes scènes. Car après la France (Opéras de Paris, de Lyon, et de Montpellier, Théâtre des Champs-Elysées, Opéra-Comique…), c’est autour des maisons étrangères de l’inviter. Elle apparaît à Glyndebourne en 2015 dans L’Enfant et les sortilèges de Ravel dirigé par Robin Ticciati, puis à la Scala de Milan dans L’Enlèvement au Sérail sous la baguette de Zubin Mehta, à Zurich et à Vienne dans La Fille du régiment de Donizetti, ou encore à La Monnaie de Bruxelles dans Orphée et Eurydice de Gluck avec Hervé Niquet. En 2018, elle fait ses débuts au festival de Salzbourg avec Esa-Pekka Salonen, avant de franchir l’Atlantique l’année suivante pour un récital au Carnegie Hall.
Si elle reste fidèle à Rameau, Haendel et Mozart, elle ne s’y cantonne pas. On la retrouve ainsi dans Richard Strauss (Sophie du Chevalier à la rose, Zerbinetta d’Ariane à Naxos), Poulenc (Dialogue des carmélites) ou Debussy (Pelléas et Mélisande). François-Xavier Roth, directeur fondateur de l’orchestre Les Siècles, l’initie au répertoire français du XIXème. Avec lui, elle donne Lakmé de Delibes à l’Opéra-Comique en 2014, et enregistre le disque « Mirages » en 2017 où figurent notamment Maurice Delage ou Ambroise Thomas. Elle affectionne aussi la mélodie française, qu’elle donne en récital avec le pianiste Alexandre Tharaud. « L’Esprit français est caractérisé par une clarté de l’articulation, de l’étagement des plans, d’un dire en musique », explique-t-elle à Diapason en 2020.
« Der hölle Rache », l’air de la Reine de la nuit de La Flûte enchantée de Mozart (Sabine Devieilhe, aux Victoires de la Musique 2013)
Le chef d’orchestre Raphaël Pichon est son partenaire sur scène comme dans la vie
La presse salue la clarté de son chant, sa diction exemplaire, son sens des couleurs, et surtout son timbre aux aigus cristallins. On la compare à Natalie Dessay. Pourtant, cette nature anxieuse a « parfois peur de manquer de légitimité dans un rôle. Le secret pour maîtriser ses peurs est le travail, » confit-elle à Classica en 2017. Deux ans plus tard, elle avoue au magazine « avoir besoin d’une famille musicale qui [la] voit grandir dans [son] métier, en plus de [sa] cellule familiale. » D’où les collaborations récurrentes avec Pygmalion, l’orchestre baroque dirigé et fondé par son mari Raphaël Pichon. « Avec Pygmalion je n’ai plus rien à prouver, c’est facile, les relations sont déjà établies. » Avec eux, elle enregistre un disque autour des sœurs Weber (Erato/Warner, 2015), un autre sur les opéras de Mozart intitulé « Libertà ! » (Harmonia Mundi, 2020) et un troisième autour de Bach et Haendel (Erato/Warner, 2021). Le bonheur du couple s’est vu couronné par la naissance de deux enfants, l’un en 2016 et l’autre en 2020. Pour gérer la fatigue et le stress, « il faut toujours être en bonne intelligence avec sa voix, ce qui nécessite un travail physique, en amont, et une très bonne connaissance du corps humain. »
Malgré le succès, Sabine Devieilhe ne fait jamais la diva. « Je me sens encore foncièrement instrumentiste et me positionne comme une voix au sein d’un ensemble. C’est aussi ce paradoxe qui me fait adorer mon métier et trouver la légitimité de le pratiquer aujourd’hui : je me place comme un individu par rapport à la foule. »
Sixtine de Gournay