Le Concerto pour violon de Mendelssohn, joyau du Romantisme allemand

Le Concerto pour violon en mi mineur de Mendelssohn fait partie de ces œuvres qui nous saisissent et nous envoûtent dès leurs premières notes. Quel est le secret pour susciter un tel attrait immédiat ? Sans doute l’alliance d’une spontanéité et d’une quête d’idéal. A 35 ans, le compositeur au génie précoce et à qui tout semble sourire, sait qu’à la fraîcheur de son inspiration doit répondre une extrême exigence.

Mendelssohn témoigne, dès son adolescence, d’un attrait pour le genre du concerto.

Créé le 13 mars 1845 à Leipzig, le Concerto pour violon en mi mineur de Mendelssohn aura occupé l’esprit du compositeur pendant 7 ans. Car c’est au cours de l’été 1838 qu’il manifeste son envie d’écrire une nouvelle oeuvre concertante, de revenir à ce genre auquel il s’était maintes fois confronté, sans réussir à y imposer véritablement sa marque. Il n’avait pourtant pas attendu pour s’y frotter, composant, dès l’âge de 13 ans un concerto pour piano d’esprit encore très mozartien et un autre pour le violon, d’influence plutôt baroque. Ces œuvres s’inscrivent dans la production très prolifique d’un jeune homme particulièrement cultivé et connu pour ses dons précoces. Une grande virtuosité et une fraîcheur presque insouciante traversent ces pages comme les concertos, rondo, sérénade ou capriccio qu’il écrira par la suite, combinant le piano et le violon à l’orchestre, parfois en double solistes. Ces partitions ne manquent, certes, pas de charme mais ne témoignent pas encore du véritable génie créateur de Mendelssohn, même si son 2ème Concerto pour piano, écrit en 1837, se distingue par sa profonde inspiration.

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Pour écrire son concerto, Mendelssohn s’octroie le concours d’un violoniste avisé.

« J’aimerais bien faire un concerto pour l’hiver prochain ; il y en a un en mi mineur qui me trotte dans la tête, son début ne me laisse pas de répit. » écrit Mendelssohn en cet été 1838 à son ami Ferdinand David, lui promettant même une œuvre qui ferait « jubiler les anges dans le ciel ». Comme Brahms le fera plus tard avec Joachim, Mendelssohn sollicite donc un virtuose du violon au moment de s’atteler à la composition de son concerto. Ferdinand David est un musicien adulé par le public et occupe, depuis 2 ans, le poste de premier violon solo du prestigieux orchestre du Gewandhaus de Leipzig dont le compositeur est alors le directeur musical. Avec un tel partenaire, Mendelssohn prend confiance face à un genre qui semblait tant lui résister, lui faisait éprouver bien des difficultés. Et pourtant, l’inspiration ne sera pas si évidente et sa gestation bien plus longue que prévue. Six ans s’écouleront avant que l’œuvre ne prenne forme.

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Derrière la personnalité rayonnante et d’apparence heureuse de Mendelssohn, se cache un créateur profondément exigeant avec lui-même.

« Un homme d’un talent remarquable et un esprit très cultivé. Il dessine merveilleusement, joue du violon et de l’alto, lit couramment Homère en grec et parle avec facilité quatre ou cinq langues » écrivait Liszt à propos de Mendelssohn dont on louait volontiers l’aisance et les multiples dons. Mais celui qui, dès son adolescence, manifestait tant de facilité et à qui tout semblait réussir, n’en est pas moins une personnalité complexe, en proie aux doutes. Ce musicien auréolé de reconnaissance est un homme plus fragile qu’on ne l’imagine, d’une exigence absolue, désireux d’embrasser tous les genres et dévoré par son idéalisme. C’est ainsi qu’il se montre dans toute son humilité au moment d’écrire ce nouveau concerto, ne cessant de questionner son interprète : « Ne te moque pas… je ne fais que tâtonner » écrit-il au violoniste.

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Ferdinand David et Joseph Joachim se font les ambassadeurs du concerto de Mendelssohn.

Occupé entre ses concerts, ses nombreux voyages et ses responsabilités à Leipzig comme à Berlin, Mendelssohn attendra l’été 1844 pour travailler sérieusement à ce concerto, profitant de la quiétude d’une cure thermale à Bad Soden, près de Francfort. C’est le 16 septembre qu’il met un point final à sa partition, la dédiant à son ami violoniste et lui annonçant fièrement son désir de revenir à Leipzig pour lui faire entendre sa nouvelle oeuvre. Les 2 hommes effectueront ensemble quelques corrections et le concerto sera créé au printemps suivant avec Ferdinand David en soliste et Niels Gade à la tête de l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Ce dernier en assurait alors la direction en l’absence de Mendelssohn. Car le compositeur, malade, avait dû rester à Francfort, renonçant au plaisir de voir triompher son concerto pour violon. Il devra ainsi patienter encore 2 ans pour l’entendre enfin, en octobre 1847, quelques semaines seulement avant sa mort, sous l’archet d’un autre brillant soliste qu’il avait pris sous son aile, un élève de Ferdinand David au Conservatoire de Leipzig : le jeune Joseph Joachim. A seulement 14 ans, celui qui allait faire fureur dans les années à venir et inspirer Schumann comme Brahms, s’empare de l’œuvre de Mendelssohn pour en devenir l’un des interprètes fétiches.

Ray Chen, Orchestre Symphonique de Gothenburg, dir. Kent Nagano

 

 

Une œuvre emprunte de lyrisme et d’une virtuosité plus féérique que démonstrative.

A l’écoute de ce concerto débordant de fraîcheur et de passion, difficile d’imaginer que tant d’efforts ont accompagné son écriture. Dès les premières mesures, c’est un souffle qui nous emporte tandis que le soliste énonce son thème, faisant abstraction de la traditionnelle introduction orchestrale, avec un élan, une sorte d’urgence qui, d’emblée, nous saisit. Et cet élan ne sera jamais freiné, les 3 mouvements s’enchaînant les uns aux autres sans aucune pause. Mendelssohn prend ainsi ses libertés par rapport à la tradition, allant également jusqu’à introduire la cadence du soliste dès le milieu du premier mouvement, alors qu’il était d’usage de la mettre à la fin. Une cadence écrite et non improvisée librement par l’interprète, comme si le compositeur voulait la contrôler, éviter toute démonstration débordante de virtuosité, « ces trucs de jongleurs et exploits de funambules. » Et elle n’interrompt point le discours, le soliste continuant à jouer lorsque l’orchestre le rejoint en faisant entendre le thème initial du concerto.

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A ce premier mouvement qui mérite si bien son titre d’Allegro molto appassionato, répond un rêveur Andante teinté de mélancolie et aux allures de romance sans parole menant à un exubérant Allegro molto vivace, dans lequel le violon nous enivre par sa virtuosité. Mais une virtuosité sans esbroufe, toute en légèreté dont les accents pétillants et presque féeriques ne sont pas sans rappeler ceux du Songe d’un nuit d’été. Ce concerto constitue ainsi l’un des sommets de l’art de Mendelssohn, un « véritable joyau du cœur » comme l’appelait affectueusement Joseph Joachim.

 

Laure Mezan

 

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