Le « Second » Concerto pour piano de Chopin, est en réalité le premier dans l’ordre chronologique. Ecrit avant de quitter la Pologne, cette œuvre de jeunesse démontre déjà toute la maîtrise du grand pianiste. Au-delà de la virtuosité, ou de la référence nationale à la mazurka, on y dénote aussi l’amour de Chopin pour le chant, et notamment le bel canto italien.
Chopin donna quelques concerts, dont la création du nouveau concerto, avant de quitter définitivement la Pologne
En 1830, un vent de liberté souffle sur l’Europe. France, Autriche, Russie, les grandes monarchies vacillent. Varsovie n’est pas en reste et souhaite aussi se rebeller. C’est dans ce contexte que Chopin compose le Concerto pour piano en fa mineur – qu’on nomme « second » bien que le « premier » en mi mineur ait en réalité été écrit après. Entre mars et octobre 1830, il offrit ses derniers concerts au public de Varsovie, à la veille du soulèvement de la Pologne. Le public accueilli favorablement la création du Concerto en fa mineur et la presse se montra dithyrambique. Sans doute voulait-on mettre en valeur cette partition comme “un hymne à la Pologne” dans le contexte politiquement tendu de l’époque. Après avoir longtemps attendu son visa pour l’Allemagne, il réussit à partir, conscient que son pays allait devoir affronter la Russie dans un combat inégal, mais sans se douter qu’il n’y reviendrait jamais. Après un périple jusqu’à Vienne, il s’installa à Paris. Entre la société parisienne de 1931 et le jeune musicien, le coup de foudre fut réciproque.
A lire aussi
Berlioz n’aimait pas l’écriture pour orchestre des Concertos de Chopin
Le Maestoso qui ouvre le concerto dure autant que les deux autres mouvements réunis. Il débute avec détermination et dans un climat fiévreux. Les cordes exposent longuement le thème principal. Bien des compositeurs ont jugé sévèrement l’orchestration de Chopin. Berlioz l’a décrite « comme un accompagnement morne et presque superflu ». Mais l’orchestre n’était pas l’instrument de Chopin. Il n’imaginait pas, contrairement à Beethoven, qu’un concerto fut un espace de luttes entre le soliste et l’orchestre. Le compositeur polonais utilise l’accompagnement avec subtilité, les vents étant chargés d’adoucir les phrases portées par le lyrisme des cordes.
A lire également
Après l’introduction orchestrale de près de 3 minutes, le piano fait une entrée solennelle. Puis, brusquement, il modifie cette première impression pour offrir un chant d’une étonnante intimité. Au désir d’occuper la scène grâce à une virtuosité pleine de panache, répond le besoin, plus profond encore, de se confier à un public restreint. « Il faut chanter avec les doigts ! » affirmait le pianiste à ses nombreux élèves. Le chant se déroule de la manière la plus naturelle qui soit. Il prend l’allure d’une conversation parfois rompue par les brusques élans de la passion. L’entrée du basson, par exemple, montre à quel point il sait utiliser les couleurs nostalgiques de l’instrument pour adoucir les peines de l’âme. Chopin était alors amoureux de Constance Gladkowska, une chanteuse rencontrée au Conservatoire de Varsovie.
A lire également
Le 2ème mouvement est bâti comme un Nocturne aux teintes intimistes, étranger à l’univers d’une grande salle de concert.
Le Larghetto, page admirable et mesurée dans l’accompagnement des cordes et des vents, permet au piano de disposer de toute l’expression du chant. Celui-ci est porté par une mélodie italianisante dans le style du bel canto. En italien, le “beau chant” se préoccupe de la beauté du timbre et des couleurs, associés à la virtuosité. La musique de Chopin est profondément influencée par ce lyrisme vocal dont les opéras de Vincenzo Bellini (1801-1835) sont l’une des plus belles expressions. Ce Larghetto est un chant amoureux, dont les ornementations ne semblent jamais finir. Le mouvement s’achève dans un murmure.
2ème mouvement « Larghetto » (Krystian Zimerman)
Le final, Allegro vivace, est un rondo élaboré à partir d’un rythme de mazurka. Cette danse polonaise à trois temps est originaire de la région de Mazurie. Brillante, échevelée, elle fait naître de nombreuses variations. Le rondo est d’une élégance qui répond aux attentes de l’aristocratie polonaise, tout en suggérant des réminiscences de fêtes villageoises. Le piano y libère sa virtuosité dans un torrent de notes.
Stéphane Friédérich