Renault et Nissan viennent de présenter les bases du renouvellement de leur alliance. En quoi est-ce un événement important ?
Renault-Nissan : un rééquilibrage de 15% pour chacun des constructeurs
Dans l’automobile, il y a – en caricaturant à peine – deux types de stratégies. Il y a d’une part, les groupes gigantesques et multimarques comme General Motors, Volkswagen, Toyota ou Stellantis. Ces groupes gèrent entre 5 et plus de 10 marques et jouent la carte des économies d’échelle. L’objectif ce sont les volumes, c’est-à-dire vendre entre 6 et 10 millions de voitures par an ce qui permet de peser lourd sur les fournisseurs et donc d’acheter au meilleur prix. En parallèle, cela permet de mutualiser les frais de développement en partageant entre les marques : les pièces, les plateformes et les moteurs. Vous avez de l’autre côté, quelques marques qui s’en sortent très bien seules ou presque. C’est le cas de BMW, Mercedes, Honda ou Tesla. Ces groupes jouent avant tout la carte de la différenciation produit. Ils cherchent à être plus qualitatifs que quantitatifs, et cela peut marcher. Renault et Nissan eux, n’étaient ni l’un ni l’autre, et il fallait que ça change.
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Mais dans quelle mesure cela va changer ? Le duo franco-japonais ne fonctionnait plus. La marque française avait le contrôle capitalistique de la marque japonaise, mais pas de réel pouvoir. Du coup, l’alliance était devenue stérile. Sur le papier, c’était un grand groupe intégré – avec à un moment une petite dizaine de marques – pouvant jouer la carte des synergies et des économies d’échelle. Mais dans la pratique, comme les deux constructeurs n’arrivaient jamais à se mettre d’accord et que personne ne pouvait forcer l’autre, le mariage était un piège. Aujourd’hui, ils simplifient leurs relations. Chacun va avoir 15% de l’autre et l’idée est de prendre un nouveau départ.
Qualcomm, Waymo, Geely, Nissan, Mitsubishi : une longue liste de partenaires
C’est plus simple quand dans un groupe, il y a un chef qui peut taper du poing sur la table et imposer ses décisions. Dans le couple Renault Nissan, il faudra convaincre le partenaire. Cela prend du temps. Mais deux choses me rendent relativement optimiste. La première est que chacun ne va pas très bien et a quand même besoin de l’autre. La deuxième est que Renault tente aujourd’hui une nouvelle forme d’alliance façon puzzle. Renault ne cherche pas à tout faire avec Nissan, pour le meilleur et pour le pire. Ils sont aussi alliés à l’Américain Qualcomm dans les puces électroniques, à Google et sa filiale Waymo dans les logiciels et la voiture autonome, au chinois Geely dans les moteurs à essence. Ils restent également partenaires de Nissan et Mitsubishi.
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Dans l’automobile, personne n’a tenté de gérer autant d’alliances en parallèle. Cela s’annonce donc compliqué, mais l’industrie est peut-être à un tournant. On passe peut-être du « big is beautiful » c’est-à-dire seuls les plus gros survivent, à un jeu dans lequel la clef est l’agilité qui passe par une multiplication des partenariats. C’est une nouvelle approche un peu dictée par les circonstances chez Renault, mais c’est le pari d’une vision plus ouverte. On verra dans les années qui viennent si c’est un pari gagnant ou si c’est un échec.
David Barroux