Dette : « La situation n’est pas si dégradée » même si la note française risque d’être baissée

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Ce vendredi, Standard & Poor’s, agence de notation financière, juge la qualité de la dette française. Empêtrée dans un climat social tendu, la France va-t-elle perdre sa note AA ? Invité des Stars de l’Eco de François Geffrier sur Radio Classique, l’économiste Didier Borowski est revenu sur les conséquences de cette décision.

Une sentence irrévocable ? Ce vendredi 2 juin, sur les coups de 22 heures, Standard & Poor’s, la plus ancienne agence de notation anglo-saxonne, attribuera une note à la dette française. Très attendue dans les arcanes du pouvoir, cette décision ne doit pourtant pas être « perçue comme une épée de Damoclès » selon Didier Borowski, responsable de la recherche sur les politiques macroéconomiques au sein de l’Amundi Institute.

Avant d’ajouter, plutôt rassurant : « d’un point de vue conjoncturel, la situation n’est pas si dégradée. On a une croissance qui est résiliente, on a un coût moyen de la dette qui n’est pas monté sur la période récente. » Pourtant, début mai, l’agence Fitch avait abaissé la note de la France d’un cran, à AA-.

« Le choc économique des trois dernières années est historique »

Standard & Poor’s, qui note la France depuis 1975, avait notamment retiré à l’Hexagone la meilleure note possible, le sésame « triple A », en 2011. « Si l’on compare l’élève France avec ses pairs de l’Union Européenne, il est probable qu’on mériterait une note plus faible » rappelle-t-il, ajoutant : « Au cours des décennies passées, la France s’est montrée incapable de maîtriser sa dette. »

Toujours selon Didier Borowski, la conjoncture économique, « liée à la crise Covid », les conséquences de la guerre en Ukraine et le climat social tendu pourraient jouer en défaveur de la France. Interrogé par François Geffrier sur la subjectivité de ce système de notation, l’économiste a rappelé tous les facteurs jouant un rôle sur les perspectives de croissance, notamment « la résilience de la croissance, le niveau d’inflation, le durcissement des conditions financières et l’attractivité ».

Des enjeux politiques plutôt qu’économiques ?

Pour Didier Borowski, nulle inquiétude si le verdict rendu par l’agence venait à être négatif. « Toutes les agences de notation reconnaissent que la France est une économie diversifiée, dotée d’une large base fiscale et qui peut facilement lever l’impôt. »

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A la suite de la dégradation de la note française par Fitch, le taux d’emprunt appliqué à la France était resté plutôt stable, passant de 3 % à 2,8 %. « Les agences de notation ont leur façon de raisonner » : il n’y a pas de corrélation entre les notes accordées aux pays et les taux auxquels ils s’endettent.

La France, qui détient l’endettement le plus élevé des pays dans la catégorie « AA », présente en outre une incapacité récente « à lever l’impôt ». Proscrites par le gouvernement actuel, qui s’était insurgé contre le jugement de Fitch, les hausses d’impôt ne sont pas une solution à terme « pour financer la dette ».

« Il y a une sorte de schizophrénie quand on regarde la situation des finances publiques »

La case fiscalité, Rubicon que ne veut pas franchir l’exécutif dans un climat de fronde sociale, va pourtant devenir « essentielle pour financer la dette et la transition énergétique [à hauteur de 66 milliards d’euros par an] » selon Didier Borowski qui en appelle notamment aux « investissements privés ».

« Il y a une sorte de schizophrénie quand on regarde la situation des finances publiques ». La solution est sûrement ailleurs : elle passe par « une meilleure gestion des dépenses courantes et se joue à l’échelle de l’Union Européenne ».

En dépit des gages donnés aux agences de notations en les recevant à Bercy à plusieurs reprises ces dernières semaines, le gouvernement entend minimiser la portée de la sentence accordée ce vendredi. Un constat que partage le responsable chez Amundi Institute qui invite à « prendre ses distances vis-à-vis de ces agences de notation ».

Oscar Korbosli

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