Berlioz a suscité l’admiration de Wagner et de Liszt. Les œuvres de Mahler et Saint-Saëns lui doivent beaucoup. Berlioz a révolutionné la symphonie, l’opéra, la mélodie, et la musique sacrée – tous les domaines dans lesquels l’orchestre et la voix tiennent un rôle.
Berlioz en 10 dates :
- 1803 : naissance à la Côte-Saint-André (France, Isère
- 1830 : Prix de Rome ; Symphonie fantastique
- 1834 : Harold en Italie
- 1837 : Requiem
- 1839 : Roméo et Juliette
- 1841 : Les Nuits d’été
- 1845 : La Damnation de Faust
- 1855 : Te Deum
- 1856-58 : Les Troyens
- 1869 : mort à Paris
Berlioz est né à la Côte-Saint-André (Isère) et monte à Paris à 18 ans pour faire des études de médecine
Comme Schumann, Berlioz a dû convaincre sa famille de sa vocation musicale. Son père, médecin, imagine que son fils lui succédera à la Côte-Saint-André (Isère) où le petit Hector voit le jour en 1803. Il l’envoie donc à Paris suivre des cours de médecine. Mais Berlioz délaisse rapidement la faculté et lui préfère l’Opéra. Il découvre les œuvres de Gluck et de Beethoven, qui resteront toujours pour lui des modèles, et passe le plus de temps possible à la bibliothèque du Conservatoire.
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Ce maître de l’orchestre ne compose pas au piano, toute sa musique est dans sa tête
Contrairement aux autres compositeurs, Berlioz n’est pas pianiste. Il s’imprègne des œuvres de ses aînés, non en les déchiffrant au clavier, mais en les lisant et les copiant. Il compose « à la table », là où les autres testent leurs idées au piano. Pour autant, Berlioz n’est pas totalement autodidacte. Son père, mélomane, lui a fait donner des cours de musique à la Côte-Saint-André, et lui a même acheté successivement une flûte et une guitare. Afin de compléter sa formation musicale, Berlioz entre au Conservatoire de Paris dans les classes de Lesueur, Reicha et Cherubini.
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Berlioz découvre l’Italie grâce à son séjour à la Villa Médicis, son Prix de Rome (enfin) en poche
Tous les élèves-artistes en rêve. Le Prix de Rome est alors la récompense ultime, le sésame pour se faire connaître en France. Décerné par l’Académie des Beaux-Arts à l’issu d’un concours particulièrement difficile, son pendant existe aussi en peinture, en sculpture et en architecture. Les gagnants de chaque discipline se voient financer un séjour de deux ans à Rome à la Villa Médicis pour parfaire leur culture. Berlioz, trop original, ne plaît pas au jury conservateur – parmi lequel le directeur du Conservatoire, Cherubini. Mais il s’obstine et finit par décrocher le Prix tant espéré en 1830 … au cinquième essai ! Berlioz n’écrit pas beaucoup à Rome, mais se souviendra plus tard de son séjour italien dans le Carnaval romain, Benvenuto Cellini et Harold en Italie.

C’est un romantique, en musique… mais aussi avec les femmes
Un soir de 1827, au Théâtre de l’Odéon, il assiste à une représentation d’Hamlet de Shakespeare. L’actrice qui joue le rôle d’Ophélie se nomme Harriet Smithson. Toute la presse parle de cette comédienne irlandaise, qui fait d’ailleurs battre le cœur de Victor Hugo, Alfred de Musset et bien d’autres. Berlioz tombe fou amoureux d’elle. Il apprend l’anglais, et la demande en mariage sans même l’avoir rencontrée. Evidemment il essuie un refus. Furieux, il évacue sa frustration dans la musique : ce sera la Symphonie fantastique – qui lui gagnera finalement le cœur d’Harriet. Cette symphonie fait l’effet d’une révolution dans l’art. Berlioz, comme Victor Hugo ou Delacroix, entre de plein pied dans la modernité. Nous sommes en 1830, l’année de la “bataille d’Hernani” qui oppose les tenants du Classicisme à ces partisans d’un art nouveau : les Romantiques.
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Que ce soit la Symphonie fantastique ou Roméo et Juliette, Berlioz ose la modernité dans chacune de ses œuvres
Berlioz écrit quatre symphonies, mais part chaque fois dans une direction différente. Si bien que finalement il renouvelle complètement le genre. On l’a vu avec la Symphonie fantastique. Il innove aussi avec Harold en Italie. Paganini lui avait commandé un concerto pour alto. Mais c’est finalement une œuvre à programme inspirée de Byron que Berlioz lui présente en 1834, où l’alto figure plus comme un personnage principal de roman musical qu’un soliste virtuose. Roméo et Juliette, cinq ans plus tard, est tout aussi déconcertant. Le sous-titre « symphonie dramatique » montre d’ailleurs sa nature hybride, entre œuvre de concert et musique de scène. Quant à la Symphonie funèbre et triomphale de 1845, elle fait une place inhabituelle au trombone, instrument plus volontiers associé à l’époque aux fanfares de village qu’à un solo d’orchestre symphonique.
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La musique vocale n’est pas en reste avec La Damnation de Faust, Les Troyens ou encore la fameuse « Villanelle » des Nuits d’été
L’orchestre n’est pas le seul domaine d’innovation de Berlioz. La musique vocale n’est pas en reste. La « mélodie » (ce qu’on appelle aussi « lied » chez les Germaniques ou “song” chez les Britanniques) est jusqu’ici un genre accompagné au piano. Berlioz, lui, orchestre ses Nuits d’été, ouvrant la voie plus tard à Mahler. Dans la musique religieuse, L’Enfance du Christ ou le monumental Te Deum apportent eux-aussi leur part de nouveauté. Côté scène, les opéras de Berlioz déroutent d’abord public et institutions. La création de Benvenuto Cellini est un four, et le Théâtre lyrique n’accepte de représenter que trois actes des Troyens en 1863. Mais La Damnation de Faust sera bientôt la recette miracle des orchestres Pasdeloup ou Colonne, lorsqu’ils chercheront à renflouer leurs caisses en une seule matinée à la fin du XIXème siècle.
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Critique musical, chef d’orchestre, impresario de ses concerts, Berlioz est un homme-orchestre européen
Berlioz bénéficie de son vivant d’une certaine reconnaissance en France (Légion d’honneur en 1839, Te Deum créé en 1855 pour l’Exposition Universelle à Paris). Mais c’est sans commune mesure avec ses succès à l’étranger. Il est toujours accueilli chaleureusement en Angleterre à chacun de ses voyages à partir de 1847, et encore aujourd’hui sa notoriété Outre-Manche dépasse de beaucoup notre enthousiasme national un peu tiède. Ses tournées en Allemagne et en Russie sont des triomphes. Car Berlioz est visionnaire, et pas seulement dans ses partitions. Il a compris que le compositeur doit être un homme-orchestre. Il dirige, organise lui-même des concerts – assisté efficacement par sa seconde épouse Marie Recio qui lui sert bien souvent d’agent – et n’hésite pas à tirer les ficelles de la communication. Son activité de critique musical dans Le Journal des Débats ne lui apporte pas que des subsides : Berlioz s’en sert aussi pour relater ses propres succès ! C’est le début des événements culturels de masse, et Berlioz en profite pour créer des manifestations musicales auxquelles il donne le nom de « festival ».
Berlioz entrera-t-il un jour au Panthéon au regard de son leg musical, essentiel pour les compositeurs des générations suivantes ?
Berlioz meurt en 1869. Mais il a laissé sa marque. Le festival d’août à Baden-Baden (Allemagne) qu’il crée en 1853 a encore une belle postérité aujourd’hui. Et ses œuvres auront considérablement influencé la génération suivante. Lorsque Berlioz va pour la première fois à Saint-Pétersbourg en 1847, la Russie est encore sous le joug musical allemand et italien, et peine à creuser son propre sillon. Le Groupe des Cinq s’en libérera par la suite grâce à Glinka pour le terreau des mélodies nationales… et Berlioz pour l’orchestration. En Autriche, Mahler et Richard Strauss étudieront son Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration au Conservatoire de Vienne.
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Quant à la France, Saint-Saëns témoignera de l’importance de l’héritage de Berlioz : « C’est avec lui que toute ma génération s’est formée, et j’ose dire qu’elle a été bien formée ». Pourtant, au XXème siècle, le public français a eu tendance à bouder Berlioz. L’anniversaire des 150 ans de la disparition du compositeur a permis de lui rendre un hommage mérité. La question de son entrée au Panthéon suscite toujours la polémique, selon qu’on ne regarde que le talent ou qu’on considère “qu’on entre au Panthéon avant tout en raison d’un engagement au service de la France” comme le rappelle David Madec, l’administrateur du Panthéon). Outre-manche en revanche, Berlioz a toujours été acclamé. Nul n’est prophète en son pays…
Sixtine de Gournay