Carl Maria von Weber fait partie de ces météores de la musique qui ont cependant marqué leur art d’une empreinte indélébile, en l’occurrence l’avènement de l’opéra romantique allemand avec Der Freischütz, créé à Berlin en 1821. Ce triomphe lui vaut la commande à Vienne d’un opéra chevaleresque, Euryanthe, suivi d’un ouvrage féerique à Londres, Obéron. D’une santé toujours délicate, Weber y meurt peu après de tuberculose, et c’est Wagner en personne qui va organiser en 1844 ses obsèques solennelles à Dresde, avant de s’imposer comme son successeur le plus charismatique.
Carl Maria von Weber en 10 dates :
- 1786 : Naissance à Eutin, près de Lübeck
- 1798 : Apprentissage auprès de Michael Haydn à Salzbourg
- 1807 à 1810 : Secrétaire à Stuttgart du prince Louis, et professeur de musique des jeunes princesses
- 1815 : Quintette avec clarinette
- 1817 : Nommé maître de chapelle de la cour de Saxe, à Dresde
- 1819 : Invitation à la danse, Rondo brillant pour piano
- 1821 : opéra Der Freischütz
- 1823 : opéra Euryanthe
- 1826 : opéra Obéron
- 1826 : Mort à Londres
Enfant de la balle puis musicien itinérant, Carl Maria von Weber développe rapidement un don peu commun pour la couleur instrumentale
Fils d’un entrepreneur théâtral qui fait mener à ses enfants une vie itinérante, Carl Maria reçoit ses premières leçons de son demi-frère Fridolin, avant d’étudier le piano à Hildburghausen auprès de Heuschkel, puis la composition à Salzbourg auprès de Michael Haydn (frère cadet du grand Joseph), sous la direction duquel il termine son opéra Peter Schmoll. De passage à Vienne en 1803, il intègre la classe de l’abbé Vogler (disciple du Padre Martini, le compositeur de la célèbre romance « Plaisir d’amour ») à qui il doit sa première position, celle de maître de chapelle à Breslau, qu’il occupera jusqu’en 1806. De passage à Carlsruhe, il complète ses deux symphonies, avant de décrocher le poste de secrétaire du duc Ludwig de Stuttgart. De ces années datent notamment son opéra Silvana et sa musique de scène pour le Turandot de Schiller. Chassé de la ville à la suite d’une sordide affaire de détournement de fonds provoquée par son père, le voici artiste ambulant, pianiste et chef d’orchestre. De son commerce quotidien avec les musiciens, il tire une connaissance peu commune des couleurs instrumentales, notamment du timbre de la clarinette, instrument auquel son nom demeure indéfectiblement associé après qu’il a enrichi le répertoire de ses plus beaux trophées : deux concertos (1811), un concertino (1811), un quintette (1815) et un Grand Duo concertant pour clarinette et piano (1816)… sans parler des nombreux solos dont il orne ses opéras.
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La création triomphale du Freischütz sonne le coup d’envoi de l’opéra romantique allemand
Le succès berlinois de Silvana conduit à son engagement à la direction de l’Opéra allemand de Prague en 1813, où il assure la création d’œuvres de ses contemporains Beethoven, Spontini, Cherubini ou Boieldieu, puis à Dresde, en qualité de maître de chapelle de la cour de Saxe – son dernier poste officiel. A Dresde, il poursuit sa politique de réforme et compose, trois années durant, son opéra romantique Der Freischütz, dont le triomphe universel bouleverse son existence et celle de l’opéra allemand. L’élément fantastique, dans les ouvrages préwébériens, revêt un caractère décoratif, alors que dans le Freischütz, le musicien fait de la magie et des puissances obscures l’élément essentiel de sa fantaisie créatrice. Quant à la nature, elle devient la vraie protagoniste de la fable – le compositeur Hans Pfitzner va même jusqu’à affirmer que la forêt allemande constitue « le personnage principal de l’opéra ». Parmi les pages célèbres, citons l’Ouverture, la terrifiante « Scène de la Gorge aux loups » et le chœur des chasseurs. L’entraînante Invitation à la valse, souvent jouée au concert, est en réalité une orchestration par Berlioz de l’œuvre éponyme de Weber, écrite originellement pour le piano en 1819. Elle est réalisée en 1841 à la faveur d’une production du Freischütz à l’Opéra de Paris, la règle du « Grand opéra » exigeant l’ajout d’un ballet au deuxième acte. Plus rare aujourd’hui, mais toute aussi innovant par sa structure inédite, le Konzertstück pour piano et orchestre fusionne, en une forme continue, musique à programme et genre concertant.
Né seize ans après Beethoven et onze ans avant Schubert, Weber meurt le premier des trois, en 1826
Weber, atteint de phtisie, voit alors sa santé se détériorer rapidement. Mécontent de sa situation à Dresde, il abandonne un autre projet lyrique (Die Drei Pintos, achevé plus tard par Gustav Mahler) pour se consacrer à Euryanthe (1823), qui ne remporte qu’un succès d’estime. Touché au plus vif, il accepte une commande venue de Londres. Il s’y rend en 1826 avec la partition d’un opéra anglais intitulé Oberon (dont il existe également une version allemande), chaudron dans lequel bouillonnent Shakespeare, les épopées italiennes et le singspiel façon Mozart – L’Enlèvement au sérail et La Flûte enchantée au premier chef. Il ne survivra que deux mois à sa création triomphale qui reste cependant sans lendemain, l’œuvre partageant le sort d’Euryanthe parmi les chefs-d’œuvre d’invention musicale ne subsistant dans nos mémoires qu’à travers leurs ouvertures.
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Né seize ans après Beethoven et onze ans avant Schubert, Weber meurt le premier des trois, en 1826, à seulement 40 ans. Il fait partie de ces météores de la musique, qui ont cependant marqué leur art d’une empreinte indélébile. Preuve en est que Berlioz et Wagner l’ont aussitôt considéré comme un modèle inégalé.
Jérémie Bigorie