Réforme des corps de l’Etat : L’exécutif provoque la fureur des hauts fonctionnaires

FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Stanislas Guérini présente ce matin en Conseil des ministres une réforme de la haute fonction publique. Un projet qui recueille l’opposition des diplomates et des préfets, inquiets de la création d’un corps unique d’administrateur de l’Etat.

Le classement de sortie de l’Ena va disparaître et plusieurs corps seront supprimés

Si le propre de la révolution est de susciter la colère de ceux qui sont concernés, alors c’est une révolution. Qui aurait imaginé que les diplomates, les aristocrates du quai d’Orsay, allaient se mettre en grève et manifester dans la rue ? Jusqu’à présent, à la fin de la scolarité, un énarque choisissait un « corps » en fonction de son rang sur le classement. Il avait le choix entre le conseil d’Etat, l’Inspection des Finances, la Cour des Comptes, la diplomatie, l’administration préfectorale ou propre à chaque ministère : le travail, la santé, … Et il restait dans ce corps pendant trois ou quatre décennies. Mais aujourd’hui, l’Ena va être remplacée par l’Institut national du service public, l’INSP. Un changement de nom, vous me direz, n’est qu’une mesure gadget.

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Mais il y a surtout deux changements majeurs. D’abord, le classement de sortie disparaît : les meilleurs n’iront plus au Conseil d’Etat ou à l’inspection des finances et les moins bons n’iront plus par défaut au ministère de la Jeunesse et des Sports. Ensuite, 13 corps sont supprimés, dont celui diplomatique et préfectoral. Tout le monde appartiendra à un unique corps d’administrateur de l’Etat et pourra passer d’un domaine à un autre. C’est ce qui provoque la fureur des hauts fonctionnaires qui considèrent qu’on ne peut pas être préfet un jour, ambassadeur un deuxième et inspecteur du travail un troisième – pas plus que l’on peut être boulanger, puis plombier puis informaticien. Autrement dit, selon eux, faire sauter les barrières entre les corps de la fonction publique amène à nier la spécificité de chacun de ces métiers.

La réforme permettra aux employeurs publics de choisir les profils

Le gouvernement se lance dans cette réforme car elle correspond au grand principe fondateur du macronisme : sortir de la logique des rentes et des carrières tracées d’avance pour privilégier le mérite. Comme le dit Stanislas Guérini dans Le Figaro ce matin, il faut préparer les élèves de la fonction publique à exercer un métier, pas à réussir un concours. Et permettre aux employeurs publics de choisir les profils des hauts fonctionnaires plutôt que de se les voir attribuer automatiquement. Il s’agit, là encore, d’apporter plus de fluidité. Qui peut être contre le fait de donner plus de souplesse à la fonction publique ? Mais, en même temps, qui peut nier la spécificité de la carrière diplomatique ou d’un travail de préfet ? Il y a des histoires, des traditions, des savoir-faire qu’on ne peut pas rayer d’un trait. Entre le corporatisme qui sclérose et la création d’une sorte d’open-space de fonctionnaires qu’on déplacerait comme des pions, il y a peut-être à retrouver un peu d’esprit de finesse.

Guillaume Tabard

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