La crise énergétique touche de plein fouet les boulangers, longtemps exclus des aides de l’Etat pour régler leur facture. La hausse des prix du gaz et de l’électricité menace le prix de la baguette et les habitudes de travail.
80% des boulangers étaient exclus des aides face à l’inflation énergétique
En apparence, rien n’a changé chez Stéphane Louvard dans le 9ème arrondissement. Ni le prix de la baguette ni celui de l’emblématique croissant n’a bougé malgré l’inflation. Pourtant, en se penchant sur ses devis d’énergie, le boulanger fait la grimace : « il y a eu 20% d’augmentation du coût de l’électricité sur les heures pleines et 10% sur les heures creuses ». Le plus effrayant est la flambée du gaz. « Le prix du kilowattheure est passée de 3,95 à 15 euros, ça fait 300% d’augmentation », se désole-t-il. Bruno Le Maire a promis que l’accès aux aides pour les artisans en difficulté face à l’inflation énergétique sera simplifié et un guichet unique sera mis en place au 1er novembre. Jusqu’ici, il fallait respecter un certain nombre de critères, notamment au niveau de la puissance électrique utilisée. Cela excluait 80% des boulangers, qui consomment beaucoup notamment via les fours à pain. Une double peine alors qu’ils endurent des hausses vertigineuses de leurs factures.
Le boulanger a changé sa manière de cuire la baguette pour économiser de l’énergie
Il est encore difficile d’évaluer l’impact de ces hausses sur l’activité de Stéphane, mais l’inquiétude est déjà là. « Si ca continue, la baguette va passer à deux euros. On ne va pas allumer des fours pour la vendre à 1,10 euro », affirme-t-il, exaspéré. Un bon four est la condition sine qua non pour du bon pain, mais c’est aussi un gouffre énergétique par lequel passe deux tiers de la consommation du boulanger. Pour éviter l’hémorragie financière, Stéphane s’adapte. « Je cuis les baguettes à basse température tout la nuit [grâce à la chaleur de la journée]. C’est toujours ça de pris », explique-t-il. Le chauffage aussi sera au plus bas cet hiver, promet Stéphane. Une sobriété en partie choisie mais aussi subie : ces petits gestes lui évitent de réduire ses équipes selon lui. « La première marge de manoeuvre reste la masse salariale et le licenciement. Il n’y a que là-dessus qu’on peut jouer », soupire-t-il. Malgré la simplification annoncée pour obtenir les aides de l’Etat, celles-ci ne pourront durer indéfiniment. Or, les prix proposés par les fournisseurs d’énergie l’engagent pour un voire deux ans. Stéphane se demande combien de temps il va tenir dans ces conditions.
Eric Kuoch
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