Hier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et celui du Travail Olivier Dussopt ont dévoilé les grandes lignes de leur projet de loi sur l’immigration, examiné au Parlement début 2023. Le texte essaye de concilier les expulsions et les régularisations, au risque d’être décrédibilisé aux yeux de l’opinion.
Le projet de loi est porté par un ministre venu de la droite et un autre de la gauche
« Etre gentil avec les gentils et méchant avec les méchants » : c’est ainsi que Gérald Darmanin présente son projet de loi sur l’immigration. Ce texte porte haut et fort la philosophie du « en même temps » et pas uniquement en raison de cette phrase choc et simpliste du ministre de l’Intérieur. Comme si une politique migratoire consistait à repérer des « gentils » et des « méchants ». Ce projet de loi est porté à la fois par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et par le ministre du Travail Olivier Dussopt ; un ministre qui vient de la droite et un autre qui vient de la gauche. Le message est simple : pour l’exécutif, parler immigration n’est pas exclusivement régalien, mais aussi économique et social, d’où ces deux volets : un qui est censé accélérer l’expulsion des étrangers délinquants ou clandestins et un autre destiné à faciliter l’arrivée d’une nouvelle immigration de travail dans les secteurs « en tension ». Pour parler clairement, il s’agit de prendre des emplois non prisés par les Français en dépit d’un taux de chômage qui reste de 7 %.
Gérald Darmanin a accepté des amendements LR pour que les Républicains votent le texte
Depuis que les ministres de l’Intérieur font des lois sur l’immigration – c’est-à-dire au moins une par ministre – le même discours est systématiquement mis en avant : fermeté et humanité. Etre intraitable avec ceux qui, comme on dit, « n’ont pas vocation à rester en France » pour pouvoir mieux intégrer ceux qui sont en situation régulière. L’intention est louable, mais cela fait quelques décennies maintenant que les Français voient que les arrivées légales ou illégales se poursuivent et que les reconductions sont toujours en deçà des promesses. On vient de le voir encore avec les Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF). Emmanuel Macron garantissait 100 % de mise en œuvre mais les chiffres opposent un maigre 5% d’OQTF effectives au premier semestre 22021 selon le ministère de l’Intérieur. La simplification des procédures annoncées par Gérald Darmanin sont bienvenues et seront sans doute efficaces. Mais le risque pour le gouvernement est que l’opinion constate que la nouvelle filière d’immigration de travail passe avant les reconductions à la frontière.
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En dépit de l’équilibre voulu, les alliés potentiels de ce projet de loi sont exclusivement à droite. L’espoir de Gérald Darmanin est d’obtenir les votes du groupe LR, ce qui donnerait effectivement une majorité. C’est pour ça qu’il a accepté un amendement du très droitier Eric Ciotti doublant le nombre de places dans les centres de rétention. C’est pour ça qu’il a quasiment coconstruit son texte avec le sénateur LR François-Noël Buffet. D’ailleurs, le projet de loi ira d’abord au Sénat. C’est pour cela que le ministre de l’Intérieur se dit prêt à accepter des amendements venus de la droite. Mais rien n’est gagné. Compte tenu de la nouvelle filière de travail, dans laquelle elle voit un appel d’air, la droite se montre pour l’heure très critique.
Guillaume Tabard