Face à la grève dans les raffineries et à la menace de pénurie d’essence, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne en ont appelé à une sortie de crise rapide par la négociation. Mais ce conflit est d’ores et déjà devenu dangereux pour le pouvoir.
Le gouvernement n’a pas mesuré l’impact de ce conflit commencé il y a 10 jours
Tout ce qui touche à l’essence est, si l’on ose dire, inflammable, en raison du prix bien sûr, mais plus encore de l’approvisionnement, car c’est toute la vie quotidienne et professionnelle des Français qui se trouve brutalement menacée. Le gouvernement semble aussi avoir tardé à mesurer l’ampleur et l’impact de ce conflit commencé il y a dix jours maintenant. Il n’y a pas de risque de pénurie, a hâtivement prétendu le porte-parole Olivier Véran, en s’appuyant sur des données chiffrées globales certainement justes, alors que les Français avaient sous les yeux ou des stations-service fermées ou des queues interminables pour accéder aux pompes. Sur les réseaux sociaux, on a vu ressortir les déclarations du même Véran assénant au début du Covid que les masques en servaient à rien. Et en communication politique, ce qui est compris ou interprété comme du déni, c’est pire que tout. Emmanuel Macron a beau répéter que l’Etat ne peut pas interférer dans les négociations salariales internes à une entreprise privée, dès qu’un conflit menace d’affecter la vie de tout le pays, c’est vers l’Etat que tout le monde se tourne spontanément. Et après l’impression de déni, le sentiment donné d’impuissance est un poison pour l’exécutif. C’est dire s’il a besoin d’obtenir une sortie de crise la plus rapide possible.
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Le président et le gouvernement risquent d’être jugés responsables de cette crise sociale. La gauche va tout faire pour. Vous noterez que la Nupes en général et LFI en particulier s’emparent de ce conflit dans l’espoir d’alimenter le mécontentement contre le pouvoir. Alors il ne faut pas être dupes. Il y a des préoccupations internes à la gauche mélenchoniste qui a besoin de faire beaucoup de bruit pour que sa grande marche de dimanche contre la vie chère ne soit pas un échec. Et beaucoup de bruit aussi pour couvrir celui de leurs dissensions internes sur l’affaire Bayou. Et c’est encore un moyen de relancer leur combat pour la taxation des superprofits des entreprises énergétiques. Il y a aussi pas mal de contradiction dans cette fureur car Jean-Luc Mélenchon était déchaîné contre une CGT qui refusait de participer à sa marche de dimanche. Mais là, il est bien content de trouver cette même CGT pour mettre l’exécutif macroniste dans l’embarras.
TotalEnergies a fait connaître le salaire moyen des salariés des raffineries : 5000 euros mensuels
Le gouvernement a malgré tout le moyen de remporter la bataille politique sur le sujet, car les Français sont enclins à soutenir des revendications salariales. Ils sont prompts à accuser le gouvernement de ne pas faire ce qu’il faut. Mais ils n’aiment pas le désordre, ils n’aiment pas les blocages. Ils ne veulent pas la chienlit comme disait De Gaulle, repris par Macron. Si le conflit durcissait, s’il paralysait le pays, s’il dégénérait, je pense que l’opinion applaudirait à des mesures d’autorité, du style réquisitions. Et il y a un autre argument qui pourrait porter auprès de Français qui ne supportent pas les injustices et les privilèges. TotalEnergies a fait connaître le salaire moyen des salariés des raffineries : 5000 euros mensuels, 7000 euros de prime annuelle et des augmentations supérieures à l’inflation. Ce sont ceux-là qui prennent le pays en otage de leurs revendications. Et qui est pris en otage ? C’est l’aide-soignante à 1500 euros mensuels qui a besoin de sa voiture pour travailler, ce sont ces travailleurs qui après été menacés dans leur pouvoir d’achat sont menacés dans leur emploi. En un mot, l’exécutif peut résister à cette crise s’il parvient à convaincre qu’il oppose la France qui bloque à la France qui bosse.
Guillaume Tabard