A l’Assemblée nationale, de plus en plus de députés prennent la parole pour ensuite poster des vidéos de leurs interventions. Une tendance qui n’est pas sans effet sur la qualité des débats.
Des élus déposent des amendements simplement pour pouvoir s’exprimer
Mercredi dernier, le bureau de l’Assemblée nationale a fait quelque chose de peu fréquent. Il a modifié le règlement intérieur. Deux élus de la France Insoumise ont été pris la main dans le sac en train de faire ce qu’on appelle des « lives », des vidéos en direct sur des plateformes de streaming comme Twitch. Désormais, il est formellement interdit de se filmer dans l’hémicycle ou de commenter en direct la séance sur des applications. Cet épisode est lourd de sens. On assiste dans la vie publique à une dérive égotiste, qui montre que le parlement n’échappe pas à l’ère des réseaux sociaux, avec son goût prononcé pour l’auto-promotion. Autre phénomène : pas mal d’élus déposent des amendements simplement pour pouvoir s’exprimer. Après, ils récupèrent la vidéo et la mettent sur Twitter ou YouTube. Une pratique qui vaut à ces élus le surnom de « députés YouTube ».
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Cette pratique du live a fait exploser le nombre d’amendements déposés
Cette pratique a une conséquence : elle entraîne une spectaculaire inflation du nombre d’amendements. Aujourd’hui, les projets de loi au Parlement sont noyés sous des milliers d’amendements. Les auteurs veulent parfois corriger un texte et l’améliorer sur le fond : c’est louable. Mais vous avez aussi toutes les propositions émanant de députés qui veulent surtout exister médiatiquement. Si vous ajoutez à cela les manœuvres d’obstruction, on comprend pourquoi tant de séances débordent sur la nuit ou sur les week-end. C’est un problème parce que cela transforme l’assemblée en théâtre de postures, plus qu’en atelier où on cisèle les lois. Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu, à un moment où la crise énergétique et climatique angoisse les Français. Prenez par exemple le projet de loi sur les énergies renouvelables, actuellement en cours d’examen. Il compte plus de 2.700 amendements, de toutes tendances confondues. Autant dire qu’ils ne seront pas tous décortiqués dans le temps imparti. Or dans le lot, il y a forcément des bonnes idées qui passeront à la trappe : c’est un gâchis démocratique.
Depuis l'Assemblée, lors de l'examen du pass vaccinal, ces députés Insoumis étaient en live sur Twitch et sur Twitter pic.twitter.com/4QW7Tq31lO
— Le HuffPost (@LeHuffPost) January 5, 2022
Marcelo Wesfreid