Covid : La convocation d’Edouard Philippe par la justice, un danger pour la démocratie ?

Jacques Witt/SIPA

Edouard Philippe sera convoqué le 24 octobre par la Cour de justice de la République pour sa gestion de la crise du Covid. Cette mise en accusation tend à faire à oublier que tout responsable politique à le droit à l’erreur et aux mauvais choix.

Après Agnès Buzyn et Olivier Véran, Edouard Philippe est convoqué par la CJR

La Cour de justice de la République (CJR) a été créée pour juger les crimes et délits commis par des ministres dans l’exercice de leur fonction. Elle a été saisie en juillet 2020 par des victimes du Covid reprochant au gouvernement d’avoir mal géré la crise. L’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn a d’ores et déjà été mise en examen. Son successeur Olivier Véran se prépare à être entendu à son tour. Maintenant, c’est l’ancien Premier ministre Edouard Philippe qui est convoqué par les magistrats de la cour d’instruction de la CJR. Ce n’est que la toute première étape de la procédure. A l’issue de cette audition, il pourrait être un simple témoin assisté. Mais il peut aussi être mis en examen, ce qui ouvrirait la voie à un procès. Les motifs de cette mise en examen seraient potentiellement « mise en danger de la vie d’autrui » et même « abstention volontaire de combattre un sinistre ». On rêve !

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Le rôle de la justice est d’établir la responsabilité pénale des dirigeants dans cette affaire. Un ministre qui aurait commis un crime, un délit ou une infraction doit en rendre compte devant la justice comme tout citoyen. Mais là, on reproche à Edouard Philippe de ne pas avoir appliqué à la lettre une note du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale sur la protection face à certaines maladies et d’avoir mal géré la question des masques. C’est là que nous sommes dans une confusion inquiétante. Un responsable politique peut commettre des erreurs et faire des mauvais choix avec des conséquences. Ces choix peuvent être dénoncés par des opposants et surtout sanctionnés par les électeurs. Aux Etats-Unis, on s’accorde à dire que Donald Trump a été battu pour sa gestion calamiteuse du Covid, mais ce n’est pas la Cour suprême qui l’a jugé.

Les ambitions présidentielles de Laurent Fabius avaient été brisées par la CJR

Sur le fond, ce n’est pas à la justice de décider ce qu’est une bonne et une mauvaise décision. Sinon, c’est la porte ouverte à toutes les interprétations possibles et au gouvernement des juges. C’est un danger pour la démocratie. Rappelons que la CJR a été créée à l’occasion de l’affaire du sang contaminé [Le Centre national de transfusion sanguine aurait sciemment distribué dans les années 80 certains produits sanguins contaminés par le virus du sida]. A l’époque, Laurent Fabius a vu ses ambitions présidentielles brisées alors qu’il a été totalement blanchi. François Hollande et Emmanuel Macron ont voulu la supprimer, non pas pour mettre les ministres à l’abri de la justice mais les remettre dans le lot de la justice commune. Il y a eu un consensus politique sur cette suppression mais ce projet a été mêlé à un projet plus vaste de révision constitutionnelle qui, faute de majorité au Parlement, n’a jamais été votée. Aujourd’hui, pour une toute autre affaire, Eric Dupond-Moretti est renvoyé devant la CJR. Le timing est donc mauvais pour remettre sur la table sa suppression. La question de sa raison d’être n’en reste pas moins posée, plus que jamais.

Guillaume Tabard

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