Attaque au couteau à Annecy : Les politiques ont-ils le droit de réagir à un tel drame ?

NICOLAS MESSYASZ/SIPA

L’attaque au couteau contre des enfants ce jeudi sur les bords du lac d’Annecy a suscité une immense émotion dans le pays, mais aussi beaucoup de réactions politiques. Basculer si vite sur le terrain politique n’est-il pas indécent ?

S’il s’agit de dire qu’il y a eu des réactions déplacées, abusives et donc indécentes, c’est une évidence. Et on ne leur fera pas de publicité ici. Mais, à défaut de participer à la course aux superlatifs pour condamner cet acte abominable, interrogeons-nous sur la légitimité de réactions politiques à un acte criminel ; que ce soit un acte terroriste ou celui d’un individu isolé comme cela semble être le cas à Annecy.

On entend dire qu’il ne faudrait être que dans l’émotion, que dans la compassion. Pardon, mais non. Le rôle d’un responsable politique n’est pas d’être dans l’émotion, ou du moins pas de rester dans la seule émotion, mais d’être dans l’analyse d’un événement. Pas uniquement d’être dans la compassion, même si elle est nécessaire, mais d’être dans la proposition. Précisément pour empêcher que de telles situations se reproduisent.

Vous le voyez, il y a une ligne de crête à trouver. S’il s’agit de se servir d’un drame comme prétexte, c’est choquant. S’il s’agit de se cantonner dans un rôle d’observateur ou de commentateur, c’est insuffisant.

Dans le cas précis de cette attaque, n’est-il pas abusif de pointer « une menace islamiste » ?

Oui, dans la mesure où cet argument tombe totalement à côté de ce qui s’est passé. Mais en l’occurrence, ce qui a manqué à certaines réactions, ce n’est pas le respect du temps de l’émotion. L’erreur, la faute donc, c’est de ne pas avoir respecté le temps de l’enquête.

C’est de ne pas avoir attendu de savoir ce qui s’était véritablement passé pour porter un jugement et tirer des conclusions. Et de ce point de vue, une Marine Le Pen qui fait part de son « effroi », un Laurent Wauquiez ou encore un Jean-Luc Mélenchon pris « d’affection douloureuse », ont eu des réactions plus justes. Je cite ces trois-là parce qu’on leur reproche souvent d’être dans l’instrumentalisation. Hier, ils n’ont pas fait de faute de temps.

A LR, au RN ou à Reconquête, beaucoup ont remis sur la table la question de l’immigration. Ce n’est pas illégitime en soi. C’est un fait que l’assaillant est Syrien ; qu’il avait obtenu un statut de réfugié ; qu’il était arrivé en France et y avait fait une nouvelle demande d’asile. Il est donc inévitable que cette situation précise fasse écho au débat général sur la politique migratoire, sur les procédures internes à l’Europe, sur les règles de l’asile.

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Et si on débat de ces questions, c’est bien par crainte de situations complexes, anormales ou a fortiori dramatiques qui découleraient d’un cadre juridique inadapté. Une fois encore, n’opposons pas l’émotion et la réaction politique. Disons juste que plus l’émotion est forte, plus la réaction doit être précise et juste.

Guillaume Tabard

 

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