HAITINK Bernard – biographie

(1929-2006) Chef d'orchestre

Bernard Haitink a dirigé près de 30 ans durant l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam. D’une grande humilité, il ne cherche jamais à briller, mais toujours à se mettre au service de la musique. Que ce soit à la tête du Festival de Glyndebourne, du Royal Opera House de Covent Garden, ou en chef invité des Philharmoniques de Berlin ou de Vienne, Bernard Haitink laisse le souvenir d’un homme plein d’humanité, pudique et peu bavard mais adulé de ses musiciens.

Bernard Haitink en 8 dates :

  • 1929 : Naissance à Amsterdam
  • 1957 : Chef principal de l’Orchestre philharmonique de la Radio néerlandaise
  • 1959 : Nommé directeur musical du Concertgebouw d’Amsterdam
  • 1967 : chef principal de l’Orchestre Philharmonique de Londres, puis directeur musical
  • 1977 : Prend la direction du Festival de Glyndebourne
  • 1987 : Directeur musical de Covent Garden
  • 1995 : Premier Chef invité du Symphonique de Boston
  • 2006 : Chef du Symphonique de Chicago

Bernard Haitink se forme aux Pays-Bas, pendant l’Occupation par l’Allemagne nazie

Bernard Haitink apprend le violon et la direction d’orchestre au Conservatoire d’Amsterdam avec Felix Hupka. Lorsque les nazis prennent le contrôle du pays, il voit progressivement ses condisciples juifs disparaître. En 2009, il se souvient pour The Guardian : « Il y a eu tant de talents perdus. Il était clair que les Allemands voulaient isoler les Juifs. Mais, à cette époque, nous ne pouvions croire qu’ils seraient tous assassinés. » Cette tragédie lui a forgé une grande humilité, lui qui a pu faire carrière parce qu’il était vivant. Pendant les 5 ans d’Occupation, certains compositeurs sont interdits aux Pays-Bas : Mahler, Tchaïkovsky, et la musique française. Il ne les découvrira qu’après la Seconde Guerre mondiale.

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Il entre comme violoniste à l’Orchestre philharmonique de la Radio néerlandaise. Puis Ferdinand Leitner le repère dans un concours de jeunes chefs d’orchestre, lui donne des conseils, et lui confie le poste de Second chef d’orchestre. Il devient chef principal en 1957.

 

Il dirige le Concertgebouw d’Amsterdam pendant plus de 25 ans

En 1959, le directeur musical de l’Orchestre du Concertgebouw, Eduard Van Beinum, meurt subitement. Haitink est nommé pour prendre la relève. Il a tout juste 30 ans. Il est coaché quelques temps par Eugen Jochum, mais devient rapidement autonome. Il restera à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam pendant près de trois décennies. Il enregistre une belle discographie chez Phillips avec cet orchestre, parmi laquelle une intégrale de référence des symphonies de Brahms, l’un de ses compositeurs de prédilection. « Il y a beaucoup d’entre-deux dans les nuances chez Brahms. Cela me fascine », confie-t-il à la BBC en 2011.
Bruckner et Mahler resteront deux autres grands piliers du répertoire de Bernard Haitink durant toute sa vie. « Bruckner est l’un des premiers compositeurs que j’ai entendus, en 1938, et tout de suite je l’ai aimé. En revanche, la première impression que j’ai eu de la musique de Mahler, c’est quelque chose qui m’a fait peur, peut-être une solitude. […] J’ai commencé à entendre sa musique après l’Occupation. J’avais des enregistrements de Bruno Walter, notamment Le Chant de la Terre. Ça m’a pris beaucoup de temps pour la comprendre. » raconte-t-il à RTBF en 2018.

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En revanche, on l’entend moins dans la musique contemporaine. « Je dois reconnaître que je suis passé à côté. Boulez, Nono et les autres dirigeaient eux-mêmes dans les grandes institutions où j’étais. Mais j’ai fait beaucoup de musique flamande. Il y avait aussi une lutte pour conserver un répertoire grand public, et cela prend une vie ! » se souvient-il pour RTBF. Quant à la musique ancienne, il la dirige rarement. « Je n’ai jamais fait de Bach avec le Concertgebouw, car les gens ont décidé que c’était Harnoncourt qui devait le faire et non moi », explique-t-il au Guardian.

 

Le chef s’ouvre à l’opéra, et dirige le Festival de Glyndebourne et le Covent Garden

En 1967, Bernard Haitink devient chef principal et conseiller musical de l’Orchestre Philharmonique de Londres, puis directeur musical deux ans plus tard. Il partage sa vie entre Londres et Amsterdam, où il dirige toujours le Concertgebouw. Haitink s’investit dans la durée auprès de ses orchestres. « C’est très important que les musiciens aient confiance en vous, qu’ils sachent que vous ne les laisserez pas seuls, » assène-t-il au Guardian en 2009. Un état d’esprit assez typique de sa génération, et que conservera un autre chef du Concertgebouw après lui : Riccardo Chailly.
En 1977, Haitink quitte le Philharmonique et prend la succession de John Pritchard à la tête du Festival de Glyndebourne. La même année, il est anobli par la reine d’Angleterre. Il quitte l’institution dix ans plus tard, ainsi que le Concertgebouw, pour se lancer dans une nouvelle aventure : la direction musicale de Covent Garden, où il restera jusqu’en 2002.

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Retour à la musique symphonique, en tant que chef invité

Mais au fond, Haitink est plus un symphoniste qu’un chef lyrique. Il renoue avec les grandes phalanges européennes : Philharmoniques de Berlin et de Vienne, Radio Bavaroise, ou la Staatskapelle de Dresde dont il assure la direction musicale pendant deux ans. En parallèle, il continue jusqu’en 2004 sa collaboration avec l’Orchestre symphonique de Boston, dont il est le premier chef invité depuis 1995. De 2006 à 2010, il assure la transition entre Daniel Barenboim et Riccardo Muti à la tête du Symphonique de Chicago, et joue quatre des compositeurs qu’il affectionne le plus : Haydn, Mozart, Brahms et Bruckner.
Dans les années 2000, on l’entend aussi diriger l’Orchestre National de France, avec lequel il donne un mémorable Pelléas et Mélisande. Une autre facette de la sensibilité musicale de Haitink, qui comprend à merveille les couleurs de Debussy et de Ravel. Avec l’Orchestre de Chambre d’Europe, il reprend les symphonies de Beethoven – autre compositeur de prédilection –, mais avec des tempi plus allant que ceux qu’il adoptait précédemment.

Masterclass de direction au Royal College of Music de Londres en 2008, sur la 3ème Symphonie de Brahms (élèves : Karim Said, Timothy Henty et Leo McFall) 

La rondeur des timbres, et la continuité de la ligne musicale, caractérisent ses interprétations

En fin de carrière, il donne de nombreuses masterclass. « Je conseille aux jeunes : « Ne pensez pas à vous, à ce dont vous avez l’air. Puisez votre motivation dans la musique. « Il est musicien », voilà ce qui intéresse les musiciens d’orchestre. Ne venez pas avec de beaux gestes pour le public, parce que ça ne mène nulle part ». » rapporte-t-il à RTBF. Pudique, et plus instinctif que disert, Bernard Haitink a cependant du mal à verbaliser ce qui se passe dans sa tête quand il dirige. Au Guardian en 2009, il confie tout juste : « J’essaye d’avoir la plus grande concentration, de me focaliser sur la musique ». Finalement, c’est en réécoutant ses interprétations, qu’on en apprend le plus sur Bernard Haitink. On est frappé par la clarté des plans sonores, et par les timbres toujours chaleureux, notamment les cordes. La continuité de la ligne musicale est aussi l’une des caractéristiques de sa direction. De l’avis de tous, cet immense chef a toujours fait preuve d’une très grande humanité. En écoutant les solistes sans les écraser, en respectant les musiciens quel que soit leur rang, et en s’imposant par son talent plutôt que par l’autorité.

Bernard Haitink fait ses adieux en 2019 à Lucerne, dans la 7ème Symphonie de Bruckner avec le Philharmonique de Vienne. Il meurt deux ans plus tard à Londres, le 21 octobre 2021, à 92 ans.

 

Sixtine de Gournay

 

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