Au début du Covid, face aux pénuries de masques, de seringues, puis de semi-conducteurs ou d’aspirine, on a dit : « plus jamais ça ». Les Français avaient la ferme intention de réindustrialiser le pays. Or aujourd’hui, cet élan a été freiné.
Les fermetures temporaires pourraient durer et les usines fermées aujourd’hui pourraient ne pas rouvrir
En 2021, la France avait lancé une vraie réflexion sur la réindustrialisation, et envisagé le retour des usines en Europe. Des plans d’aide à l’échelle européenne avaient été votés, et cela avait plutôt bien marché dans l’hexagone, avec environ 150 implantations ou extensions industrielles. Or cette année, l’ambiance n’est plus du tout la même. La conjoncture économique s’annonce moins porteuse. Les taux d’intérêt qui permettent de financer les machines remontent, et cela va devenir plus dur de rentabiliser des investissements, et puis surtout, il y a l’explosion du prix de l’électricité. Une crise qui a déjà poussé une cinquantaine d’usines françaises à se mettre en arrêt forcé.
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Quand vos coûts de production triplent mais que vous ne pouvez pas augmenter vos prix de vente, vous êtes coincé. Dans la porcelaine, le verre, l’agroalimentaire ou les matériaux de production, certains sont en train de produire plus en ce moment pour pouvoir fermer demain si la hausse du prix de l’énergie se confirme. Mais d’autres ont déjà arrêté de produire. Et le risque, c’est que les fermetures temporaires finissent par durer et que les usines fermées aujourd’hui ne rouvrent pas demain. Le risque de l’accélération de la désindustrialisation, il est là.
La Chine conserve un avantage sur le front des coûts salariaux dans l’industrie
Dans ce contexte, le gouvernement peut-il faire quelque chose ? La France a commencé depuis quelques années à baisser les impôts de production et les charges. On veut rendre le made in France plus compétitif. Cela commençait à payer. On sait qu’on ne pourra pas faire revenir les usines qui sont parties, mais on peut en attirer des nouvelles dans de nouveaux secteurs. Mais ça c’était avant la crise énergétique. Aujourd’hui, la France est pénalisée face à des Etats-Unis qui disposent d’une énergie très compétitive. La Chine conserve, elle, un avantage sur le front des coûts salariaux. L’Allemagne, qui est beaucoup moins endettée que nous, vient d’annoncer un plan de soutien d’urgence à 200 milliards pour ses entreprises. En France, on n’a plus vraiment de marge de manœuvre. On a trop de dettes, le risque étant que notre industrie s’affaiblisse pendant que celle de nos concurrents se renforce. Et le terrain perdu pendant les crises ne se regagne jamais.
David Barroux