La crise de l’énergie commence à avoir de véritables répercussions sur le plan industriel. Sans énergie, il n’y a pas d’industrie, et quand l’énergie coûte très cher, les usines vont voir ailleurs. Malheureusement on en est là en Europe.
Face à la crise de l’énergie, Safran met en pause son projet d’ouvrir une usine à Lyon
Olivier Andriès, le patron de Safran, vient de tirer la sonnette d’alarme. Le champion des moteurs et des pièces d’avions qui équipe à la fois Airbus, Boeing ou Dassault annonce que si le prix de l’énergie ne baissait pas en France, ou si le gouvernement ne mettait pas rapidement en œuvre un bouclier tarifaire efficace pour les entreprises, il ne construirait pas l’usine de freins de carbone qui devait ouvrir en 2024 près de Lyon. Pour l’instant Safran ne renonce pas totalement à ce projet à 230 millions mais il le met sur pause, et se reposera la question d’ici un an ou deux.
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Le PDG de Safran a fait ses comptes et ils sont sans appel. Depuis 2019, le prix de l’énergie a été multiplié par presque 5 chez nous et il est resté quasiment stable aux Etats-Unis. Pour l’électricité comme le gaz, l’Europe était un peu plus chère. Aujourd’hui elle est beaucoup plus cher. Or l’énergie représente 40% des coûts de fabrication des freins carbones. Economiquement, cela n’a pas de sens de continuer à produire en France car nos coûts salariaux et nos charges sont déjà plus élevées. Le plus inquiétant est que Safran n’est pas un cas isolé. Le patron de Northvolt qui prévoyait d’ouvrir d’ici 2025 une gigafactory de batteries électriques en Allemagne met lui aussi son projet sur pause. Et on ne compte pas les entreprises européennes qui vont arrêter de produire cet hiver en espérant que les prix de l’énergie finiront par baisser et qu’ils pourront plus tard reprendre la production.
Les Etats-Unis n’hésitent pas à recourir aux centrales à charbon
On a donc de vraies raisons de s’inquiéter, car la crise de l’énergie que nous traversons n’est pas que conjoncturelle. J’ai du mal à croire que l’on rachète très vite du gaz à Vladimir Poutine et on sait que même si on relance la construction de centrales nucléaires, cela va prendre au moins 15 ans et que l’électricité nucléaire de demain coûtera bien plus cher que celle d’aujourd’hui. C’est pareil pour les renouvelables. La montée en puissance est lente et coûteuse et face à nous, il y a des pays qui ont du gaz ou du pétrole comme les Etats-Unis, ou qui n’hésitent pas à recourir aux centrales à charbon. La France n’a pas de ressources énergétiques, a fait le choix d’énergies chères et ne renonce pas à la mondialisation et au commerce international. Mais elle est désormais très mal armée. Elle souffre de désavantages compétitifs et face à des problèmes aussi lourds, les aides de l’Etat ne pourront sans doute pas faire de miracle. On est face à un vrai risque de désindustrialisation. La Chine nous a piqué les usines grâce au coût de sa main d’œuvre. Le prix de l’énergie pourrait être la deuxième lame…
David Barroux