Alors que Gabriel Attal, le ministre de l’Action et des Comptes publics, a dévoilé aujourd’hui les pistes pour lutter contre la fraude sociale, Guillaume Durand recevait sur Radio Classique Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation iFRAP, pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques. Elle a livré son analyse des annonces du ministre.
Le ministre Gabriel Attal a choisi le journal Le Parisien-Aujourd’hui en France pour dévoiler ce vaste dispositif de lutte contre la fraude fiscale, estimée par la Cour des comptes entre 6 et 8 milliards d’euros. Il prévoit la fusion de la carte vitale avec la carte d’identité (CNI), 9 mois de résidence en France pour toucher les prestations sociales, le contrôle des retraites à l’étranger et l’utilisation du fichier des compagnies aériennes pour savoir si les contribuables vivent bien en France.
« La fraude sociale a été un tabou pendant des années, on parle [plus souvent] de fraude fiscale »
1000 postes vont être créés pour repérer les fraudeurs, et les amendes pourraient être augmentées de 300 à 400%.
Agnès Verdier-Molinié, vous venez de publier Où va notre argent ? aux éditions de l’Observatoire. Qu’avez-vous pensé de ces mesures ?
Enfin, on s’attaque à la fraude sociale. Ça a été un tabou pendant des années, on nous parlait tout le temps de la fraude fiscale, qui représente environ 30 milliards d’euros par an, on en récupère à peu près 12 milliards d’euros chaque année.
La fraude sociale, c’est 20 milliards au total dont on ne récupère que 1,6 milliards. Ce n’est rien du tout, ça veut dire que on a mis le paquet ces dernières années sur la fraude fiscale.
« Le travail au noir induit plusieurs fraudes, aux prestations sociales, aux cotisations sociales, et aux impôts »
Il y a eu un premier volet Attal sur ce sujet qui a été ultra-critiqué, considéré comme une manière de dire que les chefs d’entreprise étaient des fraudeurs !
Je pense que ce premier volet consacré à la fraude fiscale était destiné à faire passer la pilule de la fraude sociale. Parce que finalement, en majorité, ce qui a été annoncé existe déjà dans les textes.
S’attaquer d’abord à la fraude fiscale et ensuite à la fraude sociale, c’est surtout pour éviter la bronca de ceux qui en permanence, disent que la fraude sociale est négligeable. Or c’est faux !
A lire aussi
Fraude fiscale, fraude sociale, c’est le même combat. Enormément de gens fraudent les prestations sociales, les cotisations sociales et les impôts ! Quand vous touchez des aides indues, par exemple du RSA, alors que vous travaillez à côté sans être déclaré, vous fraudez la prestation sociale, la cotisation et l’impôt.
La Cnaf (Caisse nationale des associations familiales) évalue à 2 milliards d’euros la fraude à toutes les formes d’allocations. Est-ce que vous pensez qu’avec 1000 postes supplémentaires dont 450 cyber-enquêteurs, ce dispositif permettra de sortir du méandre qui existe depuis des années ?
A l’iFRAP, ce qu’on aurait souhaité, c’est aller encore plus loin : que les contrôleurs du fisc viennent vérifier aussi le social, et que ça soit complètement fusionné dans des bases identiques, et que les aides sociales soient versées par Bercy.
Mais on y arrivera, parce que c’est l’étape suivante. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, les caisses sociales contrôlent les fraudeurs, et on sait très bien que dans caisse sociale, il y a « social » et finalement, il y a une sorte de tolérance, voire de bienveillance vis-à-vis de la fraude sociale, qui est considérée comme de la petite fraude.
Vous donnez donc un satisfecit au gouvernement.
Plutôt. Et c’est vrai que par exemple dire qu’on doit résider 9 mois en France plutôt que 6 mois pour toucher un un minima social, ça paraît hyper cohérent. Et pourquoi pas d’ailleurs 10 ou 11 mois ? Mais pour l’instant 9 mois, c’est déjà pas si mal.