Le secteur de l’immobilier est-il à l’orée d’un cataclysme ? Les emplois menacés se comptent en centaine de milliers alors qu’en parallèle, les Français ont de plus en plus de mal à emprunter. Robin Rivaton, directeur général de Stonale, une plateforme d’IA spécialisée dans l’immobilier, était l’invité ce mardi des Voix de l’économie sur Radio Classique.
La crise de l’immobilier menacerait 300.000 emplois dans le secteur, un chiffre colossal publié jeudi dernier par la Fédération des promoteurs immobiliers. Ces postes pourraient être détruits d’ici 2025, la moitié dans le bâtiment, et l’autre dans tous les métiers qui gravitent autour du secteur.
« L’immobilier est cyclique. Quand les taux d’intérêts étaient bas, les embauches ont été nombreuses. Or depuis plusieurs mois ils ont explosé », analyse Robin Rivaton, qui assure que le secteur « paie un lourd tribut social ». Il met directement en cause les hausses successives de taux d’intérêt directeur des banques centrales, « les plus brutales de l’histoire moderne ».
Les ménages français ont de plus en plus de mal à acheter un bien
Auteur de L’immobilier demain aux éditions Dunod, il y voit l’origine de « la crise conjoncturelle du logement », amplifiée par la récente hausse de taux annoncée la semaine dernière par la BCE (Banque Centrale Européenne). La question centrale est surtout celle de la transmission de ces hausses vers les taux d’intérêt commerciaux, autrement dit l’impact ressenti par les clients. « Personne ne sait si elle prendra 6 mois, ou si ce sera effectif dès le 2ème trimestre 2024 ».
En attendant les ménages français peuvent de moins en moins emprunter. Seul les « secundo-accédants », qui vendent leur bien pour acheter plus grand s’en sortent bien, grâce à un apport relativement important. Pour ce qui est des primo-accédants, c’est la catastrophe, « ils sont totalement frappés par cette hausse des taux » et doivent réduire la taille des biens qu’ils envisagent d’acquérir.
Et c’est toute la machine qui se grippe. « Quand vous interdisez l’accès à la propriété, les gens restent en location, et empêchent l’arrivée d’un nouveau ménage, d’étudiants ou de personnes divorcées qui cherchent une solution d’urgence ». Parallèlement, souligne François Geffrier, l’offre commence tout juste à s’ajuster. « Les propriétaires ont du mal à accepter de baisser les prix », analyse Robin Rivaton. Et quand ils acceptent, c’est très insuffisant par rapport aux hausses des taux.
Logements G et F interdits à la location à partir de 2025 et 2028
Autre sujet de préoccupation dans ce contexte de crise du logement : l’interdiction à venir de louer des habitations classées G au DPE – particulièrement énergivores – en 2025, et F en 2028. « Un calendrier de plus en plus irréaliste qui fait sortir du parc des logements dont on a besoin aujourd’hui » pointe l’invité des Voix de l’économie. Un début de solution apparaît, avec la suggestion du ministre du Logement Patrice Vergriete de faire passer des logements de G à F avec l’accord de la copropriété pour « gagner du temps ».
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Ces difficultés viennent aussi d’une réduction ces dernières années des aides au logement, « qu’on peut expliquer par le sentiment que la France a beaucoup investi dans le secteur pour un résultat médiocre ». Une idée à nuancer « l’Allemagne investit plus que la France ». Et « si on baisse les aides, alors il faut aussi baisser les normes du secteur », souligne Robin Rivaton.
Béatrice Mouedine