Clara Wieck-Schumann est une pianiste et compositrice allemande dont la précocité est exceptionnelle. À dix ans, elle écrit déjà des pièces pour son instrument. Des Polonaises, une Romance, et un concerto voit le jour dans les années qui suivent. Ses pièces sont remarquées par Liszt, qui les jouera lui-même en concert. Mais son mariage avec Robert Schumann va changer le cours de sa vie.
Clara Schumann en 10 dates :
- 1819 : Naissance à Leipzig
- 1835 : Concerto en la mineur pour piano (création)
- 1836 : Soirées musicales (composition)
- 1839 : Trois Romances pour piano (composition)
- 1840 : Mariage avec Robert Schumann
- 1844 : Sechs Lieder (composition)
- 1853 : Rencontre avec Johannes Brahms et dernières compositions
- 1856 : Mort de Robert Schumann
- 1879 : Enseignante au Conservatoire de Francfort
- 1896 : Mort à Francfort
Enfant surdouée, son père la destine à une carrière de pianiste
Les dons musicaux de la petite Clara se révèlent vite, encouragés par son père, professeur de piano réputé. Pur diamant, la jeune fille est promise au plus bel avenir et l’austère Friedrich Wieck n’entend pas la donner au premier venu. Lorsqu’il comprend que son élève Robert Schumann la convoite et qu’elle n’y est pas insensible, il fait tout pour les séparer.
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Clara parle souvent à Robert de son travail de composition, ainsi dans sa lettre du 1er Septembre 1835 : « J’ai terminé ma partition, j’ai écrit moi-même les accords et cela en deux jours. J’ai écrit au net mes variations que je dois envoyer à l’impression, ainsi que la Danse des fantômes et une Nuit de Sabbat. J’ai commencé à orchestrer mon concerto, mais je ne l’ai pas encore recopié. J’ai un peu changé le tutti ». Ce Premier concerto pour piano puis ses Soirées musicales, après plusieurs autres compositions, rencontrent le succès et la reconnaissance de Liszt, qui lui dédiera ses Études d’exécution transcendante d’après Paganini.
Amoureuse de Schumann, elle brave l’interdit paternel et lui écrit en cachette
Lorsque Robert Schumann demande Clara en mariage, il essuie un refus catégorique de Wieck, qui décide de chasser Robert, de le discréditer et de l’empêcher de voir sa fille. Mais les dés sont jetés, le destin et la passion vont s’accomplir malgré ce père intransigeant.
Le 16 Août 1837 Clara écrit à Robert : « Un cœur comme le mien aussi rempli d’amour peut-il ne pas dire oui alors que toute mon âme est d’accord pour le prononcer, et que du fond de moi-même je vous dis à l’oreille oui et pour l’éternité ». Elle est ovationnée partout en concert : à dix-huit ans, la pianiste Clara Wieck est une star. A Prague et à Vienne elle triomphe en jouant Bach et Beethoven et s’amuse des soupirants qui tentent leur chance auprès d’elle. Elle n’est pas dupe de ses succès et écrit avec humour : « Entre 11 heures et minuit je rentre morte de fatigue, je bois une gorgée d’eau, je me couche et je me dis : qu’est-ce qu’un artiste ? Pas beaucoup plus qu’un mendiant ! Et cependant quel miracle d’avoir un beau don…Il n’y a pas de plus douce impression que d’apporter à quelques uns un peu de ce bonheur que la musique sait donner ! » (Lettre à Robert, de Vienne, 21 novembre 1837).
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Elle joue les œuvres de Schumann, notamment le Carnaval qu’elle aime beaucoup, les Phantasiestücke et les Études symphoniques, et continue de composer des pièces pour piano comme le Scherzo opus 10 en ré mineur, qu’elle joue aussi en concert, et Trois Romances pour piano. En 1839 Clara réside à Paris et donne plusieurs concerts. Elle y est seule sans son père mais en compagnie de jeunes femmes qui lui ressemblent comme Pauline Garcia, petite sœur de la Malibran, qui est aussi pianiste et deviendra la cantatrice et compositrice Pauline Viardot. Elle ne parle pas français mais essaye de l’apprendre. Sa rencontre avec Berlioz est cocasse : elle ne le reconnaît pas tout de suite et voyant qu’il lui parle beaucoup de Schumann, elle lui demande de se nommer, ce qu’il fait et elle en est « agréablement effrayée », ainsi qu’elle le raconte drôlement à Robert dans une lettre. Trois ans plus tard, lors de son voyage en Allemagne, Berlioz aura l’occasion de retrouver Clara à Leipzig et sans rancune écrira à Stephen Heller, musicien hongrois, qu’elle est la plus grande pianiste de son pays.
Les deux amoureux peuvent enfin se marier à la majorité de Clara
C’est le jour anniversaire de ses vingt et un ans que Clara peut se marier sans l’accord de son père. Robert et Clara réalisent enfin leur vœu le plus cher. Huit enfants naîtront de leur union, en quinze ans de vie conjugale. Elle trouve encore le temps de donner des concerts qui rapportent l’argent dont la famille a besoin et même de composer de magnifiques lieder sur des poèmes de Heine, von Geibel et Rückert, ou de Hermann Rollet extraits de son ouvrage Jucunda. Elle compose aussi des Variations sur un thème de Robert Schumann et Trois romances pour violon et piano, sans doute son dernier opus.
Romance op.21 n°1 (Joshua Bell et Jeremie Denk)
Brahms tombe très vite amoureux de Clara, de 14 ans son aînée
Le jeune pianiste de vingt ans se présente un jour de 1853 chez les Schumann à Düsseldorf, et le couple est ébloui par son talent. Robert va éditer ses premières œuvres et Clara s’occuper de sa carrière de pianiste. Brahms est sous le charme de Clara, de quatorze ans son aînée, et reste auprès d’elle et de ses enfants pendant la maladie et l’internement de Robert, qui meurt trois ans après. On peut supposer que malgré les lettres d’amour de Brahms, Clara reste fidèle à la mémoire de son mari. Elle reprend sa carrière de concertiste, joue les œuvres de Robert et renonce elle-même à la composition. Mais ils resteront amis plus de quarante ans, jusqu’à leur mort, à quelques mois d’intervalle.
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Elle consacre la fin de sa vie à l’enseignement et à l’édition des œuvres de son mari
Après une brillante carrière de concertiste, partout saluée en Europe, Clara devient la seule femme professeur de piano au Conservatoire de Francfort. Sa fille aînée Marie l’accompagne et l’assiste dans son travail d’édition des œuvres complètes de Robert Schumann. Elle meurt en 1896. Brahms arrive de Vienne juste à temps pour l’enterrement, et meurt lui aussi dès l’année suivante.
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Comment ne pas aimer cette musicienne qui a traversé son époque si peu favorable aux femmes, sans se plaindre, fidèle à son art et à son amour ? Il paraît que son regard était irrésistible ! Ses lettres à Robert sont toujours empreintes de sérénité malgré les épreuves, de constance et d’admiration. À côté du génial compositeur, elle ne se trouve pas à la hauteur et n’a pas poursuivi son œuvre propre, préférant faire connaître celle de son mari. Aujourd’hui on redécouvre ses pièces pour piano et ses lieder, bien qu’ils ne soient malheureusement pas joués souvent. Un corpus qui mériterait d’être défendu plus fréquemment au concert.
Philippe Hussenot