Connaissez-vous le 21ème fils de Bach né à Baden-Baden-Baden ?

La musique classique, souvent décrite comme un art savant et difficile d’accès ne se prend pas toujours au sérieux. De nombreux compositeurs se sont servi de l’humour comme moyen d’expression dans leurs œuvres, simplement pour faire rire leur public, pour surprendre, ou parfois pour faire passer des messages plus profonds.

P.D.Q Bach, 21ème fils de Jean-Sébastien Bach, génie rejeté par son illustre père

P.D.Q Bach est le 21ème fils de Jean-Sébastien Bach, né à Baden-Baden-Baden le 5 mai 1807, il s’illustre dans ses compositions originales ouvrant de nouvelles voies musicales qui ne seront empruntées par personne d’autre que lui. Il est l’un des meilleurs représentants, voire le seul représentant d’un genre méconnu qui lui appartient tout entier, prenant racine dans différentes influences baroques : « le baroque crasseux ». Si la courte biographie du génie compte quelques absurdités, le cantor de Leipzig n’ayant eu « que » 20 enfants, et la ville de Baden-Baden-Baden comptant bien un Baden de trop, c’est parce que P.D.Q Bach est un musicien fictif inventé par le compositeur Peter Schiekele. Ce dernier, poussant l’absurde jusqu’au bout, prit le temps de lui écrire une biographie complète où il dépeint un génie incompris rejeté par son père. Le compositeur et musicologue américain s’en est entre autres servi de prête-nom pour écrire des partitions toutes plus drôles les unes que les autres. Dans la liste des compositions majeures du fils imaginaire de Bach on trouvera une Ouverture 1712 annonçant avec 100 ans d’avance celle de Tchaïkovsky, la Marseillaise étant remplacée par une chanson d’enfant emboîtant le pas d’un étonnant solo d’orgue complètement hors de propos ou encore une symphonie concertante pour Cornemuse et Luth qui, malgré le génie incontesté du compositeur, présente quelques soucis de balance sonore.

 

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Le compositeur suivant a bel et bien existé, puisqu’il s’agit de l’illustre Joseph Haydn, père de la symphonie classique, maître de Beethoven et figure du classicisme viennois. Haydn est un grand adepte de l’humour dans ses compositions et aimait particulièrement jouer avec ses auditeurs. Des dizaines de blagues que le compositeur a glissé dans ses partitions, les plus connues sont probablement le quatuor op.33 n° 2 qui porte le surnom de « Plaisanterie » dû à son final plein d’humour, et le mouvement lent de sa Symphonie n°94 « La Surprise ». Joseph Haydn y a écrit, au beau milieu d’une mélodie bien calme, un tutti et un coup de timbales dans le simple but de faire peur à ses spectateurs et réveiller les assoupis, comme vous pouvez l’entendre ici jouée par les Berliner Philharmoniker dirigés par Mariss Jansons :

 

Chostakovitch, Ligeti, Ives : les compositeurs du 20e siècle ont aussi de l’humour

Les partitions des compositeurs contemporains comptent aussi leurs lots de blagues et de moments incitant au rire. L’humour et la satyre sont présents dans bon nombre d’œuvres de Ligeti, notamment dans Le Futur de la musique, morceau écrit pour un récitant muet ou encore 0’00 », se moquant gentiment de l’œuvre d’avant-garde 4’33 » de John Cage, pièce où aucune note n’est jouée durant 4 minutes et 33 secondes. Un des chefs d’œuvre du 20e siècle, la Symphonie n°2 de Charles Ives, créée en 1951 par Leonard Bernstein et le Philharmonique de New York, compte aussi une blague aux nombreuses interprétations possibles. La symphonie, qui marie la tradition européenne à la musique folklorique Américaine, se termine sur une dissonance plus proche d’une sirène de navire déréglée que d’une cadence parfaite, qui détonne complètement avec l’ensemble de l’œuvre, déstabilisant l’auditeur et l’invitant au rire. On pourrait également citer les Variations pour piano et orchestre, op. 25 d’Ernő Dohnányi, composée « pour le plaisir de ceux qui ont de l’humour et pour agacer les autres », dont la monumentale introduction dominée par les cuivres aboutit sur le tout petit air timidement joué au piano de « Ah vous dirais-je maman ».

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Une autre forme d’humour bien moins léger traverse l’œuvre du compositeur Dmitri Chostakovitch, un humour grinçant, pince-sans-rire, qui était un moyen pour le compositeur de s’extirper de la posture de célébration du Stalinisme. On retrouvera son humour acide dans le deuxième mouvement de sa symphonie n°13, la satyre dans l’opéra Le Nez, mais le meilleur exemple de la subtilité de Chostakovitch se trouve dans les interprétations que l’on a fait du final de sa Symphonie n°5. Pour certains, la répétition des 252 la aigu par les cordes est à interpréter comme une satyre, une célébration du Stalinisme ordonnée, simulée et absurde devenant une joie mécanique et fausse.

Rémi Monti

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