L’audition est un sens particulièrement précieux pour les musiciens, pourtant selon une étude allemande, le risque de surdité est quatre fois plus élevé pour cette profession. Au sein d’un orchestre par exemple, les bois et les cuivres peuvent être gênés par les percussions, placées juste derrière eux. Mais surdité ne rime pas avec fin de carrière, et l’histoire de Ludwig van Beethoven ou encore Bedrich Smetana en est le témoignage.
Ludwig van Beethoven : « C’est l’art et lui seul qui me retint »
Les débuts de la surdité de Ludwig van Beethoven remonteraient à 1797 alors qu’il était âgé de 27 ans. Cette tragédie le pousse à écrire le fameux « Testament d’Heiligenstadt », adressé à ses frères en 1802. Cette lettre, qu’il n’a finalement jamais envoyée, est bouleversante et permet de comprendre à quel point le compositeur est malheureux puisqu’il écrit « il s’en fallut de peu que je ne misse fin à mes jours. C’est l’art et lui seul qui me retint ». En tant que musicien, il vit ce silence qui l’oppresse comme une honte. « Si j’avais quelqu’autre métier, cela serait encore possible ; mais dans le mien, c’est une situation terrible. Que diraient de cela mes ennemis dont le nombre n’est pas petit ? », confesse-t-il à son ami Franz Gerhard Wegeler.
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Durant les dix dernières années de sa vie, sa surdité s’aggrave. Ses interlocuteurs lui écrivent ce qu’ils ont à lui dire dans des cahiers de conversation pour ne plus avoir à hurler et Beethoven y inscrit souvent sa réponse. 400 de ces documents existent encore à ce jour et constituent un témoignage rare et précieux sur l’intimité du compositeur. A ce moment-là de sa vie, le musicien n’a plus aucune source d’inspiration musicale extérieure ou presque, mais cela ne l’empêche pas de composer des chefs-d’œuvre. Des chercheurs se sont cependant aperçus que les notes aiguës se faisaient de moins en moins nombreuses au fur et à mesure de l’aggravation de son mal.
Bedrich Smetana compare ses acouphènes à « un air de flûte d’une beauté unique »
En 1874, alors qu’il est directeur du Théâtre national de Bohême, le tchèque Bedrich Smetana devient sourd. Il souffre également de maux de tête et il a des acouphènes de tonalité aiguë qu’il compare à « un air de flûte d’une beauté unique ». Mais les voix sont insupportables, elles « se confondent en une cacophonie diffuse et incontrôlable » et il ne peut « comprendre que des voix isolées », peut-on lire dans ses écrits.
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Le compositeur de La Fiancée vendue doit abandonner ses fonctions et par la suite, il décide de se retirer en province. Sa surdité devient totale, pourtant ses dernières années sont extrêmement productives. Il écrit notamment six pièces symphoniques nommés Ma Vlast’ (Ma Patrie), dont la très célèbre Moldau fait partie. Malheureusement, son infirmité s’accompagne de troubles nerveux et il doit être hospitalisé dans un asile d’aliénés où il décède à l’âge de 60 ans.
Gabriel Fauré : sa surdité ne l’empêche pas de terminer le Quatuor à cordes
Gabriel Fauré commence à souffrir de surdité dès 1903, il a alors 58 ans. Son état ne cesse d’empirer par la suite. Il perçoit de plus en plus faiblement le médium de l’échelle sonore. Quant aux aigus et aux graves, ils lui parviennent affreusement déformés. A partir de 1910, il n’entend presque plus une note de ce qu’il compose. Honteux, il tente de dissimuler son infirmité, mais les concerts et les soirées théâtrales sont pour lui une véritable torture.
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Sa position de directeur du Conservatoire de Paris est menacée et il finit par être poussé vers la sortie en 1920. Il se réfugie alors dans la composition et passe ses dernières années dans l’isolement. Son infirmité ne l’empêche pas de terminer le Quatuor à cordes, l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre, quelques mois avant sa mort. Des funérailles nationales sont organisées pour ce compositeur qui brûla ses œuvres inachevées avant de s’éteindre.
William Boyce, maître de musique du roi
William Boyce est un excellent compositeur et organiste anglais du XVIIIème siècle, il souffre cependant de l’immense succès de son contemporain Georg Friedrich Haendel. Malgré un début de surdité, il poursuit des études musicales, puis il est nommé compositeur de la Chapelle royale en 1736. Ses Douze sonates pour deux violons, avec basse pour violoncelle ou clavecin, ainsi que ses huit Symphonies connaissent un certain succès et il devient maître de musique du roi en 1775.
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Lorsque son ouïe se dégrade sérieusement en 1769, il abandonne ses fonctions et se consacre à sa vaste anthologie de musique religieuse du XVIe au XVIIIe siècle, Cathedral Music. Grâce à son travail, une grande partie du répertoire sacré de l’Eglise anglicane a pu être conservée.
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Alexandra Legrand