Loi Rist : Le plafonnement de l’intérim médical fragilise-t-il l’hôpital ?

istock

C’est aujourd’hui l’entrée en application de la loi Rist. Provenant du nom de la députée Renaissance de la première circonscription du Loiret, Stéphanie Rist, la loi avait été promulguée il y a deux ans, mais son application avait été reportée.

 

Les médecins intérimaires verront leur garde de 24h plafonnée à 1.390 euros

Le texte de loi Rist vise à « améliorer le système de santé » et accroît les missions des personnels paramédicaux. Elle permettra notamment aux sages-femmes de prescrire des arrêts de travail de plus de 15 jours ou un dépistage d’infections sexuellement transmissibles. Elle met également en place la plateforme en ligne mon parcours handicap, qui englobera d’ici à 2025 l’ensemble des démarches que peuvent être amenées à faire les personnes handicapées, avec le développement de téléservices. Mais ce qui pose problème dans cette loi, c’est l’article 33 qui prévoit le plafonnement des rémunérations des médecins remplaçants. Ces médecins intérimaires, qui comblent les trous à l’hôpital, verront leur garde de 24 heures plafonnée à 1.390 euros. C’était au départ 1.170 euros, mais face à la grogne des médecins intérimaires, le ministre de la Santé François Braun est finalement revenu sur ce montant la semaine dernière. Les yeux légèrement cernés, Anne (dont le prénom a été modifié), sort de 10 heures de travail aux urgences psychiatriques. Après un premier poste de titulaire à l’hôpital, cette psychiatre exerce désormais comme remplaçante pour échapper, dit-elle, aux « rouages administratifs » qui la broyaient : « On a des cadres en psychiatrie qui disent qu’ils ont besoin de faire des économies et qui remplacent un infirmier par un éducateur. Nos métiers sont méprisés ». A présent, elle dit pouvoir mieux gérer son temps et surtout mieux soigner : « Je me suis rendue compte qu’en étant médecin remplaçant, on me demandait de faire ce pour quoi j’étais formée, c’est-à-dire exercer la médecine. Cela m’a permis de retrouver un sens à mon métier ».

 

A lire aussi

 

En moyenne, elle estime travailler une centaine d’heures par mois pour un salaire de 4.000 à 6.000 euros bruts contre 2.100 quand elle était titulaire. Des différences de rémunérations qui choquent. Ces derniers mois, certains intérimaires mentionnent même des salaires mensuels de 7.000 à 15.000 euros nets par mois, mais qui sont aussi justifiés par les conditions de travail, d’après Eric Réboli, président du Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux : « On va dans les pires centres hospitaliers de France. A Bourges il y avait entre 30 et 40 patients en attente à 19h le soir. C’est dramatique. A Bourges, il n’y a d’ailleurs plus un seul titulaire depuis près de 10 ans ». Selon le syndicat, une centaine de services hospitaliers sont menacés de fermetures si les médecins remplaçants cessent d’exercer.

 

Certains médecins négocient des gardes à 2.500 euros les 24h

David Trouchaud est le directeur général du groupement hospitalier territorial Les collines, en Normandie. Il dénonce les dérives de l’intérim qui font que certains médecins négocient des gardes à des tarifs plus élevés : jusqu’à 2.500 euros les 24h dans son établissement. Il s’attaque également aux inégalités que pose l’intérim entre les médecins d’un même service. « Vous avez aujourd’hui une situation dans laquelle les remplaçants sont mieux rémunérés que des titulaires alors qu’ils ont des responsabilités moindres au sein de l’hôpital. Un titulaire va s’investir au sein de l’hôpital, il va faire des projets, s’engager avec les équipes, encadrer les internes. Ce n’est absolument pas ce qui va se passer lorsque l’on a un médecin remplaçant. C’est injuste et cela peut entraîner certains praticiens hospitaliers à choisir l’intérim puisqu’ils sont mieux rémunérés avec des contraintes moins importantes » confie-t-il.

A lire aussi

 

Rémi Salomon, président de la Conférence des médecins des CHU – soit le représentant des médecins des centres hospitaliers – approuve ce plafonnement. Mais pour lui, le véritable problème de l’intérim est le manque d’attractivité de certains postes à l’hôpital : « Les intérimaires rendent service donc il faut faire attention à ne pas stigmatiser. Ce sont essentiellement les spécialités de garde qui travaillent le week-end ou la nuit comme les urgentistes, les anesthésistes, les réanimateurs, ceux qui font tourner le bloc opératoire et les obstétriciens dans les maternités. La place qu’a pris l’intérim est vraiment une conséquence du travail et des revenus insuffisants aux yeux de la plupart des praticiens hospitaliers. En parallèle, il faut mieux payer ceux qui travaillent la nuit et le week-end et ce, de manière pérenne ».

Anna Huot

Retrouvez toute l’actualité Société