Jean-Pierre Raffarin était l’invité de la matinale de Guillaume Durand ce lundi 2 mars. Pour l’ex-Premier ministre, Emmanuel Macron doit faire preuve « d’autorité » sur les retraites, estimant qu’il devait « profiter de la sagesse des sénateurs » pour corriger le texte et le rendre « juridiquement solide en deuxième lecture ». Interrogé sur le coronavirus en Chine, le sénateur sinophile a indiqué qu’il oserait si rendre, « si c’était une mission d’Etat ».
Jean-Luc Mélenchon a une « logique subversive et d’insurrection »
« Ceci est le droit. Respecter le droit n’a rien d’insurrectionnel ». Dans la foulée du Conseil des ministres exceptionnel qui s’est tenu à l’Elysée samedi 29 février, le Premier ministre a annoncé faire usage de l’article 49.3 de la Constitution pour accélérer le passage de la réforme des retraites. Une décision attendue, qui a révolté les partis d’opposition. « C’est un petit peu ridicule d’entendre ceux qui s’en sont servis dans des situations précédentes » critiquer l’action d’Edouard Philippe, s’est offusqué Jean-Pierre Raffarin ce matin sur notre antenne.
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« Il a été utilisé maintes fois, soit pour maîtriser une majorité qui doute, soit pour stopper une obstruction, quand on dépasse le nombre d’amendements raisonnables », a détaillé l’ancien locataire de Matignon. Le sénateur de la Vienne tacle La France Insoumise et son président de groupe, Jean-Luc Mélenchon. « Il faut avoir de l’autorité. Il ne s’agit pas seulement de s’affronter et de faire le jeu de rôle. C’est d’abord Jean-Luc Mélenchon qui a une logique subversive et d’insurrection. Il n’accepte ni le droit, ni le résultat des élections et appelle à l’agitation populaire. »
Le président Emmanuel Macron n’est « pas innocent de la situation »
Il s’est en revanche fait plus discret sur le rôle de l’opposition de droite au Parlement ; celle constituée par Les Républicains auxquels il a appartenu et qui compte déposer une motion de censure contre le gouvernement après l’utilisation du 49.3. Une motion, qui s’ajoute à celle portée par les socialistes, les communistes et les insoumis. Toutes deux n’ont aucune chance d’aboutir, puisque La République en Marche conserve, malgré plusieurs défections, la majorité des sièges à l’Assemblée nationale.
"Le Conseil constitutionnel regarde toujours de très près ce qui est fait de l'avis du Conseil d'Etat. Il faut faire confiance à la sagesse des sénateurs pour revenir avec un texte juridiquement solide" #retraites@jpraffarin – Ancien Premier Ministre
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Jean-Pierre Raffarin a préféré mettre en cause Emmanuel Macron dans le déroulé tumultueux de l’étude parlementaire de la réforme des retraites. « Le président ne peut pas être innocent de la situation. Quand le cavalier trébuche, le cheval est responsable. On ne peut pas chercher une voie d’apaisement sans autorité légitime. Il faut qu’il fasse un certain nombre de gestes, mais pas au prix du laxisme. » Malgré le 49.3, la navette parlementaire va se poursuivre. Le texte devrait prochainement être examiné au Sénat avant de retourner à l’Assemblée.
« Je sais que dans tout régime autoritaire, on tarde à dire la vérité », a concédé Jean-Pierre Raffarin
LFI a déjà prévenu qu’elle y ferait à nouveau de l’obstruction et agite la possibilité d’une saisine du Conseil constitutionnel, qui pourrait retoquer le projet de loi. « C’est un risque important car il y a un lien presque consanguin entre le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel, a expliqué Jean-Pierre Raffarin. Or, l’avis du Conseil d’Etat est assez sévère [au sujet de la réforme]. Il faut profiter de la sagesse sénatorial pour clarifier les choses et revenir avec un texte juridiquement solide en deuxième lecture. » Autre sujet abordé, l’épidémie de coronavirus qui redouble d’intensité en Chine après s’être calmée. 3.000 personnes sont décédées dans le monde depuis le début de la crise.
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Régulièrement, la transparence de la République populaire de Chine a été soumise à questionnements, certains pensant qu’elle cachait des informations. « C’est aux scientifiques de le dire, a répondu Jean-Pierre Raffarin. J’ai l’impression que la coopération internationale fonctionne. Je sais que dans tout régime autoritaire, on tarde à dire la vérité. Mais par rapport au SRAS, ils ont été très rapides [grâce à] cette organisation de type militaire ». Pour rappel, le pays a été capable de confiner plusieurs dizaines de millions de personnes durant des semaines. « La coopération des scientifiques est sans doute meilleure que la coopération des politiques. L’internationalisme de la santé est en train de progresser, s’est-il réjoui.
La guerre commerciale entre Xi Jinging et Donald Trump « plus dangereuse » que le coronavirus
Il assure à contre-courant d’une « vision de l’occident » que cette crise sanitaire peut affecter la stabilité du régime de Xi Jinping. Et ce, malgré les conséquences économiques de cet épisode. « Au fond, il connaîtra des difficultés sur le terrain des libertés, de la jeunesse, de la culture, comme à Hong-Kong. Mais ce n’est pas sur l’autorité, en période de crise, qu’ils seront en difficultés ». En ce qui concerne les conséquences économiques, « la guerre commerciale avec les Etats-Unis est plus dangereuse » que l’épidémie du Covid-19 à ses yeux.
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Une guerre « durable », entre la première puissance mondiale, qui « n’accepte pas la montée de la seconde » et celle qui entend « prendre la place de la première ». Si beaucoup de touristes et hommes d’affaires ont préféré décaler leurs venues dans le pays épicentre du coronavirus, Jean-Pierre Raffarin, lui, pourrait s’y rendre. Mais dans un cas de figure seulement. « Si c’était une mission d’Etat, je le ferais. Et de manière très prudente, car il n’est pas question d’importer le virus ».
Nicolas Gomont