A la surprise générale, Emmanuel Macron a annoncé hier que la présentation de sa réforme des retraites n’aura pas lieu ce jeudi mais le 10 janvier prochain. Un retard nécessaire pour mieux préparer le terrain à l’Assemblée nationale.
Emmanuel Macron compte profiter de l’élection d’Eric Ciotti à la tête des LR
La peur des grèves pendant les fêtes a pu peser sur ce revirement du président. Si on peut éviter le bazar dans les gares entre Noël et le jour de l’an, tant mieux. Il y a aussi le calendrier de la Coupe du monde qui, avec la qualification des Bleus dans le dernier carré, est venu percuter celui initialement prévu de la présentation de la réforme. Mais le fondement de ce délai est d’abord politique. Depuis des semaines, dans le cadre du congrès de LR, Eric Ciotti s’adressait à 90.000 militants radicalisés dans leur rejet d’Emmanuel Macron. Cette compétition interne ne laissait aucune place à tout ce qui aurait pu donner l’impression d’une entente ou d’une collaboration avec le gouvernement.
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Depuis dimanche soir, Eric Ciotti n’est plus candidat mais président d’un parti politique qui revendique sa capacité à gouverner, et qui plaide depuis toujours pour le report de l’âge légal à 65 ans et la suppression des régimes spéciaux. Maintenant que le congrès est passé, Emmanuel Macron veut le mettre face à cette responsabilité. Le président a toujours à cœur de ménager des effets de surprise. Mais il était également important d’écouter les premières interventions publiques de Ciotti post-élection. Hier matin à la radio, il a affirmé, en tant que nouveau président de LR, que les députés de droite seraient disponibles pour amender cette réforme et la voter si elle devait aller dans le bon sens.
L’utilisation du 49.3 ne servirait qu’à verser de l’huile sur le feu
Cela n’a pas échappé aux proches d’Emmanuel Macron, qui a donc un coup à jouer. Il veut se donner toutes les chances d’éviter le 49.3, quitte à prendre un peu plus de temps pour travailler au corps la droite à l’Assemblée nationale. C’est très important pour lui d’éviter le passage en force car ça ne l’aidera pas à rendre acceptable dans l’opinion une réforme très impopulaire. Au contraire, cela risque d’accentuer encore le sentiment de brutalité et donner du carburant à ceux, à l’extrême gauche et à l’extrême droite, qui n’espèrent qu’une chose : que le pays soit à nouveau bloqué par des grèves ou des manifestations. Donc oui, le chef de l’Etat a intérêt à trouver un passage avec LR. Qui plus est, ce serait une décision qui resterait dans les mémoires jusqu’en 2027, au point, peut-être, de rendre moins légitime une candidature des Républicains à la présidentielle. Emmanuel Macron ne voit que de bonnes raisons d’essayer de convaincre, un par un s’il le faut, les députés LR. Un de ses proches conclut : « cela vaut bien qu’on se donne trois semaines de plus! »
David Doukhan