Yo-Yo Ma a toujours baigné dans la musique. Prodige du violoncelle, le musicien est très tôt remarqué par Pablo Casals et Leonard Bernstein. Puis les cours d’anthropologie d’Harvard l’ont encouragé à vivre la musique de manière globale. Depuis, sa curiosité n’a d’égale que sa foi en la culture. Une culture universelle, vécue comme un pont entre les peuples grâce à son ensemble Silk Road. Malgré une carrière mondiale époustouflante, celui qu’on appelle parfois “le nouveau Rostropovitch” a su rester humble. Un modèle pour les nouvelles générations.
Yo-Yo Ma en 10 dates :
- 1955 : Naissance à Paris
- 1962 : Participe aux Etats-Unis à un concert devant J.F. Kennedy et Leonard Bernstein
- 1964 : commence les cours avec Leonard Rose à la Juilliard School
- 1971 : Premier récital au Carnegie Hall
- 1976 : Diplômé d’Harvard
- 1978 : reçoit l’Avery Fischer Price
- 1983 : Premier enregistrement des Suites pour violoncelle seul de Bach
- 2000 : Fonde le collectif musical Silk Road
- 2006 : “Messager de la paix” de l’ONU
- 2018 : 3ème intégrale des Suites pour violoncelle seul de Bach
L’américain Yo-Yo Ma est né à Paris, de parents chinois
Yo-Yo Ma baigne dès le départ dans un milieu musical et multiculturel. Son père arrive à Paris en 1936, passe son doctorat de musicologie à la Sorbonne pendant la guerre, avant de travailler au musée Guimet et à l’Ecole des langues orientales. Sa mère, cantatrice, quitte la Chine en 1949 lors de l’arrivée des communistes au pouvoir. Né à Paris, Yo-Yo essaye le violon, l’instrument paternel – “pour faire comme [sa] grande sœur ! », dit-il à L’Express en 2015 – mais c’est le violoncelle qui l’attire. Son père lui en apprend les premiers rudiments, puis l’inscrit au conservatoire de Saint-Germain-en-Laye. Un enseignement de courte durée car la famille s’installe aux Etats-Unis dès 1960. Mais le talent précoce de Yo-Yo Ma a déjà été repéré par Pablo Casals. Sur sa recommandation, il est invité à se produire pour un concert caritatif au Kennedy Center for the Perfoming Arts, devant le président des Etats-Unis et Leonard Bernstein. Il a 7 ans, c’est sa première apparition à la télévision américaine.
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Elève à la Juillard School, il fait ses débuts au Carnegie Hall à 16 ans
Installé avec ses parents à New York, Yo-Yo Ma entre à la Juilliard School dans la classe de Leonard Rose. Son père rêve pour lui d’un récital au Carnegie Hall. C’est chose faite en mai 1971. Ses débuts à 16 ans dans l’une des salles les plus célèbres du monde, sont salués avec enthousiasme par le New York Times. “Une des choses les plus difficiles pour un professeur est de laisser son élève tracer son propre chemin. J’ai toujours été reconnaissant à Mr Rose de l’avoir fait avec moi.” (propos recueillis par Myra Weatherly dans son livre Yo-Yo Ma, internationally acclaimed celllist).
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Cependant, il n’est pas facile pour l’adolescent de trouver sa place entre deux mondes parfois contradictoires. Myra Weatherly, sur la base des confidences de Yo-Yo Ma, pointe “l’héritage chinois qui demandait obéissance et discipline, alors que les Américains valorisaient liberté et expression personnelle.” Le jeune prodige termine le lycée à 15 ans. Il tente alors l’université de Columbia, en parallèle de la Julliard School, mais s’y ennuie. L’année suivante, il entre à Harvard dans la section “Arts et humanités”.
Outre le violoncelle, Yo-Yo Ma étudie l’anthropologie à Harvard avant d’y devenir artiste en résidence
L’insatiable curiosité de Yo-Yo Ma est déjà à l’œuvre. A Harvard, il choisit des cours variés en parallèle de la musique, comme l’histoire des civilisations ou la littérature russe. Il est diplômé en 1976, à 21 ans. Pendant ses années d’étudiant, Yo-Yo Ma participe au festival d’été de Marlboro (Vermont). Il joue dans l’orchestre du festival, dirigé par Pablo Casals, et fait la connaissance du pianiste Emmanuel Ax, qui deviendra par la suite l’un de ses partenaires de musique de chambre favoris.
En 1978, le violoncelliste reçoit l’Avery Fischer Prize, une distinction américaine qui récompense des musiciens alliant excellence, vision et leadership. La même année, il se marie avec Jill Hornor qu’il a rencontrée à Marlboro sept ans plus tôt. Américaine, elle a longtemps vécu en Europe et joue du violon en amateur. Le jeune couple vit alors à Harvard. Jill est professeure d’allemand à la prestigieuse université, et Yo-Yo artiste en résidence. Il y donne des concerts, des masterclass et conseillent les jeunes musiciens pour le démarrage de leur vie professionnelle. Deux enfants naîtront de cette union, Nicholas et Emily. En 2003, il dédie son album “Paris : La Belle Epoque” à son épouse pour le 25ème anniversaire de mariage. Désormais, Yo-Yo Ma mène une brillante carrière internationale, des deux côtés de l’Atlantique.
Sa discographie témoigne d’un répertoire sans limite, dans tous les genres du classique
La discographie de Yo-Yo Ma impressionne : plus d’une centaine de disques, qui ont remporté 18 Grammy Awards ! Outre le pianiste Emmanuel Ax (sonates de Beethoven et de Brahms, l’Arpeggione de Schubert…), on retrouve les violonistes Itzhak Perlman et Leonidas Kavakos, les chefs Lorin Maazel (concertos de Dvorak et de Saint-Saëns, Variations Rococo de Tchaïkovsky…), Seiji Ozawa (Don Quichotte de Strauss…) et David Zinman (concerto de Barber, Schelomo de Bloch…). Aussi bon chambriste que soliste, le violoncelliste ne fait pas non plus de distinction entre les époques. Les concertos de Boccherini ont leur place dans sa discographie, au même titre que celui d’Esa-Pekka Salonen. Yo-Yo Ma a d’ailleurs créé bon nombre d’œuvres contemporaines (Trio Between Tides de Takemitsu, Concerto de Carter, Suite pour violoncelle et piano jazz de Claude Bolling…). Il ne dénigre pas non plus la musique de film (John Williams, Ennio Morricone, Tan Dun…). Le 20 janvier 2009, il interprète la pièce de John Williams composée spécialement pour l’investiture de Barack Obama : Air and Simple Gifts.
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Toujours dans l’interview accordée à L’Express en 2015, il assure que ses disques “n’ont d’importance que si des jeunes y ont trouvé un modèle. Si l’on prend tous les grands violoncellistes – Casals, Rostropovitch, Du Pré et d’autres -, tout ce qu’ils ont fait est tellement fort qu’il est intéressant de les écouter. Pour nous, qui venons après, il est difficile de trouver un chemin personnel.”
Les Suites de Bach le fascinent tellement qu’il les enregistre trois fois !
Yo-Yo Ma détient trois violoncelles différents. Le Stradivarius “Davidoff” (1712) ayant appartenu à Jacqueline Du Pré, un Montagnana vénitien (1733), et un violoncelle contemporain des luthiers américains Peter et Wendela Moes (2003). C’est le “Davidoff”, monté en baroque, qu’il choisit pour son intégrale des Suites de Bach parue en 1998-99.
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C’est déjà la deuxième fois qu’il enregistre ce sommet de la littérature pour violoncelle. La première fois, c’était en 1983. Loin de s’arrêter là, Yo-Yo Ma les grave à nouveau en 2018, dans un double album intitulé Six Evolutions. Trois intégrales, espacées chaque fois de 15 à 20 ans. « Les Suites pour violoncelle de Bach sont mes compagnons musicaux de toujours, confit le violoncelliste à Michael Stern. Elles m’ont apporté subsistance, réconfort et joie durant des temps de stress, de célébration ou de perte. Quel pouvoir extraordinaire possède cette musique pour continuer, trois cents ans plus tard, de nous aider à naviguer dans des temps troublés ? »
La musique et la culture pour construire un monde meilleur
Yo-Yo Ma n’est pas un musicien solitaire. La musique est pour lui une formidable opportunité de rencontres. En classique, mais aussi au-delà des frontières culturelles. En 2000, il fonde le collectif musical Silk Road (La route de la soie), qui réunit des instrumentistes et des compositeurs de traditions musicales différentes. Chine, Iran, Europe, etc. : toutes les régions traversées autrefois par ces routes commerciales qui favorisaient aussi les échanges interculturels. Les musiciens dialoguent, au fil d’improvisations ou d’œuvres commandées à des compositeurs. “Ils échangent leurs expériences et leurs idées, et transmettent leur façon de penser et de faire de la musique aux nouvelles générations partout dans le monde” (Oswaldo Golijov, préface du disque “A playlist without borders”).
Yo-Yo Ma et Jiri Belohlavec dans le Concerto pour violoncelle de Dvorak en 2015
Yo-Yo Ma ne défend pas seulement ses conceptions et son amour de la culture avec son instrument. Il donne aussi à l’occasion des conférences. Sur son site internet, on trouve des sujets de réflexion sur la société, l’art et l’humain, l’internaute étant invité à donner son avis sur Twitter et Facebook ! En 2006, l’ONU nomme Yo-Yo Ma “Messager de la paix”. Il est aussi le premier artiste à faire partie du Forum Economique Mondial.
Sur son site, on peut lire : “Sa carrière est le témoin d’une conviction profonde, celle que la culture a le pouvoir de générer confiance et compréhension. Yo-Yo Ma favorise des liens qui stimulent l’imagination et renforce notre humanité.” Tout est dit.
Sixtine de Gournay