JANSEN Janine

(1978- ) Violoniste

Janine Jansen et son violon son invités partout dans le monde. Les artistes qui ont eu le privilège de partager la scène avec elle saluent son instinct musical et son esprit chambriste. « La musique est ma langue maternelle », rappelle la fille du claveciniste et organiste Jan-Willem Jansen. Aux côtés d’Hilary Hahn, Julia Fischer, ou Isabelle Faust, Janine fait partie d’une génération où violoniste internationale se conjugue bien plus souvent qu’avant au féminin.

 

Janine Jansen en 8 dates :

  • 1978 : Naissance à Soest (Pays-Bas)
  • 1997 : Fait ses débuts au Concertgebouw d’Amsterdam
  • 1998 : Membre des Spectrum Concerts Berlin
  • 2002 : Concert à Londres sous la baguette de Vladimir Ashkenazy
    Sélectionnée pour le programme BBC New Generation Artists
  • 2003 : Prix du ministère de la Culture néerlandais
  • 2004 : Sortie de son 1er disque « Recital » (Decca)
  • 2009 : Royal Philharmonic Society Instrumentalist Award
  • 2018 : Prix Johannes Vermeer délivré par la Ministre néerlandaise de l’Éducation, de la Culture et de la Science, pour ses prestations avec l’Orchestre royal du Concertgebouw depuis 1997

Le violon n’entre dans sa vie qu’à six ans, bien qu’elle soit née dans une famille de musiciens

Janine Jansen évoque avec tendresse son premier contact avec la musique : la période prénatale, puisque sa mère est cantatrice. Les autres membres de la famille sont eux aussi musiciens. Son oncle Peter Kooy est une célèbre voix de basse. Son père Jan-Willem est claveciniste, tient les orgues de la cathédrale Saint-Martin d’Utrecht, et touche à l’occasion le piano et la harpe. Le frère aîné David est harpiste et organiste comme son père, tandis que le second, Maarten, a choisi le violoncelle. « A la maison, il y avait des répétitions tout le temps. J’allais à l’église où mon père tenait l’orgue, et à beaucoup de concerts. La musique était ma première langue. »

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D’abord attirée par le violoncelle, Janine Jansen commence le violon à 6 ans. L’enfant timide, à la justesse approximative, se transforme en l’espace de deux ans en une musicienne assurée et déjà excellente chambriste, comme le montrent les vidéos d’archive. Sa première professeure, Coosje Wijzenbeek, croit en la nécessité d’affronter tôt la scène pour apprivoiser le trac, et l’inscrit à son premier concours à 10 ans. En 1994, elle entre au Conservatoire d’Utrecht dans la classe de Philipp Hischhorn. Le maître décède deux ans plus tard, mais cette brève rencontre aura tout de même marqué à vie son élève. En 2009, la jeune fille se souvient pour Res Musica : « Parfois, il me demandait de jouer la même phrase de cinq façons différentes. […] Durant le processus, je me rendais compte de ce que je voulais vraiment et de la façon dont je voulais m’y prendre. Si simple mais combien efficace ! Après, il me demandait de jouer comme je le ressentais. » Janine Jansen étudie ensuite avec Boris Belkin, qui lui transmet son expérience de la scène.

 

Des concerts lui sont vite proposés après sa rencontre avec Valery Gergiev et Vladimir Ashkenazy

A 19 ans, elle fait ses débuts au Concertgebouw d’Amsterdam. Repérée par Valery Gergiev, elle se fait ensuite remarquer dans le concerto de Brahms avec le National Youth Orchestra d’Ecosse en 2001, et dans le concerto de Tchaïkovsky l’année suivante à Londres avec le Philharmonia Orchestra sous la baguette de Vladimir Ashkenazy. Le chef, enthousiaste, l’invite pour des concerts à San Francisco, Cleveland et Tokyo. Le programme tremplin BBC New Generation achève de lancer sa carrière, et un premier disque sort chez Decca en 2004. La reconnaissance vient vite. Son pays lui décerne en 2003 le Prix du ministère de la Culture néerlandais, et les BBC Proms lui demandent d’assurer l’ouverture de leur saison estivale en 2005.

 

Pour interpréter les compositeurs qu’elle aime, la violoniste se fie à son instinct

Avec Paavo Järvi, Janine Jansen enregistre le concerto de Beethoven et celui de Britten. « Elle joue comme elle est, assure le chef estonien. C’est une personne extrêmement chaleureuse et très authentique. Il n’y a rien de faux ou de préparé dans son jeu. Elle joue comme elle sent sur le moment. » Une impression confirmée par le violoniste Julian Rachlin, qui a été son compagnon entre 2002 et 2007, et a en outre souvent joué avec elle en musique de chambre, notamment au festival qu’il a créé à Dubrovnik. « J’ai appris le violon en connaissant parfaitement mon corps et le rôle de chaque mouvement dans mon jeu. Janine, non. Elle ne veut surtout pas trop penser à comment elle réalise les choses, » confie-t-il au réalisateur Paul Cohen dans un documentaire consacré à Janine Jansen en 2010. Un jeu instinctif, qui conquiert le public chaque fois que la violoniste monte sur scène.
Côté répertoire, celle qui affirme « puiser son inspiration dans la nature » affectionne les concertos romantiques, avoue au magasine Strings (2011) « se sentir proche des compositeurs français » auxquels elle consacre l’album « Beau Soir » avec le pianiste Itamar Golan, et affiche une curiosité pour les compositeurs contemporains. « Je crois qu’il est très important de ne jouer que ce que l’on aime vraiment, révèle-t-elle à Res Musica. Philippe Hirschhorn disait : « Le compositeur a transcrit ses émotions et ses sentiments et c’est à nous, maintenant, de les ramener à la vie ». C’est une approche très intime. C’est difficile si on ne se sent pas investi dans ce sens. » C’est avec la même approche instinctive que Janine Jansen a enregistré Bach (les Inventions et les Partitas en 2008, et des concertos en 2013). « Parce que mon père est organiste et joue du clavecin, j’ai toujours été en contact avec la musique baroque, avec la musique chorale, avec Frans Brüggen, Ton Koopman… Mais quand je joue Bach ou Vivaldi, je ne joue pas « baroque » même si je m’en approche. […] Il est impératif d’être naturel, et à ce moment-là peu importe le style adopté. »

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Les musiciens saluent son sens de l’écoute, aussi bien en concerto qu’en musique de chambre

La violoniste reconnaît auprès de Res Musica que « jouer le même répertoire avec des musiciens différents est très exaltant. » Yuri Bashmet, Mischa Maisky, Paul Meyer, Emmanuel Pahud, ou encore Menahem Pressler ont souvent été ses partenaires sur scène. L’altiste Maxime Rysanov s’exclame à son propos : « C’est formidable de jouer avec elle parce qu’elle est une très bonne « interlocutrice musicale ». Pas seulement dans la manière dont elle joue, mais parce qu’elle écoute. Même en concerto. Tant de solistes arrivent sur scène pour seulement jouer leur partie. Pas elle. » (Documentaire Janine Jansen de Paul Cohen). D’où vient cette qualité saluée unanimement par les musiciens, le public et la presse ? Sans doute de la musique de chambre pratiquée dans l’enfance, en famille bien-sûr (« tous les samedi » !), mais aussi avec des camarades à l’initiative de sa professeure Coosje Wijzenbeek. « A partir de neuf ans, j’ai eu un quintette avec piano et nous jouions Schumann, Brahms, Chostakovitch, Dvořák… […] Je me souviens qu’à dix ans nous sommes partis donner des concerts à Istanbul. […] J’ai ainsi fait l’expérience très jeune de ce que veut dire faire de la musique ensemble et de s’écouter. C’est tellement important ! »

La Méditation de Thaïs de Massenet 

 

 

La violoniste aime partager la musique, quel que soit le moyen

En 2003, Janine Jansen a fondé le Festival International de Musique de chambre d’Utrecht, avant d’en laisser la direction en 2016 à la violoncelliste Harriet Krijgh. Mariée au violoncelliste et chef d’orchestre suédois Daniel Blendulf, elle n’offre pas seulement son talent sur scène et au disque. Depuis 2019, elle enseigne aussi en Suisse à la HEMU, à Sion. Comment une musicienne qui joue essentiellement à l’instinct parvient-elle à transmettre son art ? En s’inspirant de l’enseignement qu’elle a elle-même reçu avec Phillipp Hischhorn. « Pour lui l’artiste avait toujours raison si son choix musical était fait en totale indépendance. Je ne suis pas du genre à dire « il faut faire comme ça ». Je n’ai jamais aimé ce genre de professeurs. [J’essaye de les aider à] trouver [leur] propre voix, [leur] propre conviction face à la musique. »
Toujours curieuse quand il s’agit de musique, la violoniste s’est prêtée en 2021 à une expérience sur 12 Stradivarius, en compagnie de l’orchestre du Royal Opera House de Londres et de son chef Antonio Pappano. Il faut dire qu’elle connaît bien les instruments du célèbre luthier, pour avoir joué sur le Barrere, le Baron Deurbroucq, et le Rivaz, Baron Gutmann.
Si la Janine Jansen aime autant partager la musique, c’est qu’elle a conscience de la richesse qu’elle apporte. En 2019, elle rappelait avant un concert à Paris avec Daniel Harding : « Aujourd’hui les choses vont vite, on court partout et on a du mal à se concentrer sur quoi que ce soit. Quand on est dans une salle de concert, le temps s’arrête. C’est un moment hors-temps magnifique. »

 

Sixtine de Gournay

 

 

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