Denis Lacorne, directeur de recherche au Centre de Recherches Internationales de Sciences Po, était l’invité de Guillaume Durand sur Radio Classique. Il prévoit des midterms risquées pour les Démocrates : elles pourraient même remettre Donald Trump au centre de l’échiquier des Républicains.
En moyenne depuis 26 ans, le parti américain au pouvoir perd 42 députés pendant les midterms
Les « midterms » commencent demain aux Etats-Unis : ces élections fédérales renouvellent l’ensemble des 435 sièges de la Chambre des Représentants et un tiers du Sénat. Dans un pays vaste et très peuplé, le dépouillement des midterms est complexe, confirme Denis Lacorne. Tout le monde ne va pas voter le même jour et la majorité des votes se font par correspondance. « Par exemple, en Pennsylvanie, on va attendre la fermeture des bureaux de vote pour compter à la main les bulletins par correspondance. Ça peut prendre plusieurs jours », explique-t-il. Autre exemple en Géorgie : si aucun des candidats sénateurs n’obtient 50% des voix, un deuxième tour sera organisé en décembre. Sans compter les demandes de recomptage des voix dans d’autres Etats : « rien n’est facile dans le système américain et ça facilite aussi la contestation », analyse-t-il.
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Véritable test de popularité pour le président en place, élu deux ans plus tôt, les midterms sont en général défavorables au parti au pouvoir, rappelle Denis Lacorne : « Depuis 26 ans, celui-ci perd à peu près 42 sièges à la Chambre des Représentants pendant les élections de mi-mandat ». Seul George W. Bush en 2002 [après les attentats du 11 septembre] et Bill Clinton en 1998 ont pu grapiller des sièges. Cette année, l’issue va être très suivie : « les midterms peuvent préparer le retour de Donald Trump« , affirme Denis Lacorne. Reste à savoir, selon lui, si les Démocrates vont perdre de peu, « avec à peu près 20 sièges » gagnés par les Républicains, ou s’ils vont encaisser une lourde défaite, « plus de 30 sièges ». Dans ce dernier cas, « ce sera un tsunami anti-Démocrate et les chances de Trump seront nettement meilleures ».
Un troisième parti pourrait bientôt naître d’une scission des Républicains, prévoit le politologue
Aujourd’hui, le parti républicain est divisé sans être coupé en deux, précise le politologue. Si la majorité reste proche de l’ancien président et soutiennent les conspirations autour de la « fraude » électorale de 2020, « une petite marge du parti » va « sans doute » créer un parti rival, pressent Denis Lacorne. Il prend comme exemple Liz Cheney, élue du Wyoming qui a été défaite lors des primaires Républicaines de cet Etat face à une partisane de Donald Trump. « Liz Cheney fait maintenant campagne pour des Démocrates et affirme qu’elle veut défendre la République », relate-t-il. Il sera toutefois difficile pour l’ancien président de s’imposer aux futures primaires de 2024, nuance le politologue. En face, il y aura selon lui Ron De Santis, jeune gouverneur de Floride « plus rationnel ». Et si un troisième parti naît de la scission des Républicains, cela pourrait favoriser les Démocrates. Quant à Joe Biden, il est très probable qu’il ne soit pas candidat en 2024, affirme Denis Lacorne. Mais d’après lui, il ne peut pas l’avouer aujourd’hui sous peine de devenir un « lame duck » [canard boiteux], un président qui quittera de toute manière son poste et devient ainsi très contesté.
Clément Kasser