Les Variations Goldberg illustrent l’art du contrepoint de Jean-Sébastien Bach. Immortalisées au piano par Glenn Gould, elles fascinent toujours aujourd’hui. Par leur complexité, mais aussi à cause de la légende qui leur est attachée. Œuvre de commande ou supercherie marketing ? On vous raconte l’histoire des Variations Goldberg.
Bach est cantor à l’église Saint Thomas de Leipzig lorsqu’il écrit les Variations Goldberg
Bach s’installe à Leipzig en 1723. Auparavant, il exerçait les fonctions de maître de chapelle auprès du prince d’Anhalt-Köthen. Son employeur ayant réduit son poste, il déménage à Leipzig pour devenir le cantor de l’église Saint Thomas. Il y restera jusqu’à sa mort en 1750. Les obligations du cantor sont lourdes : Bach doit composer une cantate pour chaque dimanche de l’année, enseigner la musique à des enfants souvent dissipés, sans oublier d’assurer mariages et enterrements. C’est pourtant à Leipzig qu’il écrit une grande partie de ses chefs-d’œuvre religieux : les Passions selon Saint Matthieu et Saint Jean, le Magnificat, la Messe en si. Bien loin de s’arrêter là, Bach compose aussi de la musique instrumentale : le 2ème livre du Clavier bien tempéré, de nombreuses œuvres pour orgue… et les Variations Goldberg.
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Selon la légende, les Variations Goldberg aurait été commandées pour adoucir les nuits sans sommeil d’un comte russe
Le comte russe Hermann von Keyserling (ex-ambassadeur auprès de la cour électorale de Saxe) est insomniaque. Pour passer le temps, il demande qu’on lui joue du clavecin la nuit. Or le musicien employé est un ancien élève de Bach. Il s’appelle Johann Gottlieb Goldberg. D’après la légende, le comte aurait passé commande à Bach pour ce rituel nocturne. Il aurait même été si content du résultat, qu’il l’aurait payé d’un gobelet en or rempli d’une centaine de louis. Les variations pour clavecin auraient alors conservé le nom de leur interprète : « Variations Goldberg ».
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Goldberg a bien été l’élève de Bach, mais rien ne prouve qu’il ait joué les fameuses variations
L’histoire nous est racontée par Johann Nikolaus Forkel, qui publie en 1802 la première biographie de Bach. Cependant, lorsque Bach fait éditer les Variations, c’est à compte d’auteur et sans aucune dédicace. L’usage de l’époque aurait pourtant voulu qu’il rende hommage au commanditaire en frontispice de la partition… Les dates viennent appuyer l’hypothèse d’une légende formée de toute pièce. Goldberg a bien été l’élève de Bach vers 1737, puis de son fils Wilhelm Friedemann. Il entre ensuite au service de Keyserling vers 1745. Or Bach fait publier les Variations en 1741. Goldberg peut donc fort bien les avoir jouées au comte… mais il est peut probable que celui-ci en soit l’instigateur ! Reste que Goldberg devait avoir un niveau élevé, tant en clavecin qu’en compréhension musicale, pour s’attaquer à 18 ans à ce sommet de complexité !
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Glenn Gould était fasciné par l’Aria de Bach et ses 30 variations
« A l’intention des amateurs, pour la récréation de leur esprit ». Telle est la mention indiquée par Bach sur la partition. Si la forme « thème et variation » peut en effet se révéler plaisante à jouer (par exemple les Variations pour piano « Ah vous dirais-je maman » de Mozart, celles du Quintette « La Truite » de Schubert, ou encore les Variations rococo de Tchaïkovsky pour violoncelle et orchestre), les Variations Goldberg relèvent tout de même d’une difficulté technique et compositionnelle qui n’est pas à porter de toutes les mains. L’aria, très simple, est suivie de 30 variations de plus en plus complexes, qui rivalisent d’ingéniosité. A la variété des techniques d’écriture (canon, fugue) se mêle une diversité de style de danses (sarabande, gigue etc. qu’on retrouve par ailleurs dans ses Suites pour clavier ou pour violoncelle). Ce feu d’artifice s’achève par le retour du thème, comme si les variations devaient durer éternellement. Certains ont voulu y voir la profonde humilité de Bach, qui préfère revenir à la simplicité originelle là ou d’autres auraient terminé avec panache. Ces variations ont fasciné bien des interprètes : Zhu Xia Mei, Nicolas Angelich, ou encore bien-sûr Glenn Gould. Ce dernier les a tellement étudiées sous tous les angles, que pour toute une génération de mélomanes les Variations Goldberg sont indéfectiblement associées au pianiste canadien.
Aria des Variations Goldberg par Glenn Gould
Sixtine de Gournay