Claude Debussy : Découvrez sa vie à travers ses morceaux les plus célèbres !

MARY EVANS/SIPA

Après Robert Schumann et Joseph Haydn, Demandez le programme vous propose de découvrir la vie de Claude Debussy, en musique. Si le compositeur du Prélude à l’Après-midi d’un faune a marqué toute une époque et même plus, que connaissez-vous réellement de lui ?

 

La cantate L’Enfant prodigue lui permet d’obtenir le Prix de Rome en 1884

Claude Debussy naît un 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye, où sa maison est devenue un musée. Le compositeur n’est pas issu d’une famille de musiciens, ses parents sont faïenciers. Son père est même communard. Lorsque la Commune éclate en juillet 1870, Debussy a 8 ans. Il est envoyé chez sa tante Clémentine à Cannes. C’est elle qui repère ses talents pour le piano. En prison, le père de Debussy rencontre Charles de Sivry, musicien et beau-frère de Paul Verlaine, qui propose de confier le jeune Achille-Claude à sa mère, professeur de piano et elle-même élève de Frédéric Chopin. C’est ainsi que Debussy rencontre Madame Antoinette-Flore Mauté de Fleurville avant d’être admis au Conservatoire de Paris en 1872. Il a alors 10 ans. Mais Debussy ne se fait pas à l’enseignement académique, il n’est jamais allé à l’école. On le confie donc à Nadejda von Meck. Aristocrate, mélomane et mère de famille, elle va faire voyager le jeune musicien partout en Europe et jusqu’à Florence en 1880, où il composera la Danse bohémienne.

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De retour à Paris, Debussy n’est plus un petit garçon. Il a 18 ans et va fréquenter les salons et y donner des cours. C’est là qu’il tombe amoureux de Marie-Blanche Vasnier sa première femme. Il en aura trois. C’est aussi là, qu’il rencontre des poètes. L’été de ses 18 ans, il rejoint les Von Meck à Moscou et voyage avec cette famille où il trouve le soutien, l’aisance et la confiance de présenter une première fois le prix de Rome. Il lui faudra trois tentatives pour y arriver. En 1884, il séduit enfin le jury avec la cantate de L’Enfant prodigue et passe 3 ans en Italie où il rencontre Verdi et Liszt. Mais Debussy a déjà un fort caractère et il ne tient pas en place. Il quitte l’Italie, démissionne du conservatoire et s’entiche de Gabrielle Dupont surnommée Gaby aux yeux verts, avec laquelle il mène une vie de bohème. Il fréquente Mallarmé et découvre Verlaine qui lui inspire Les Ariettes oubliées.

 

En 1888, Debussy a 26 ans. A Bayreuth, il assiste à plusieurs opéras de Richard Wagner : il est marqué pour toujours. Il fréquente Montmartre et, lors de soirées au cabaret du Chat Noir, devient ami avec Érik Satie, qu’il considère comme un précurseur. A cette époque, Debussy est encore un jeune homme, il mène une vie de patachon, découvre, se cultive, bref, il apprend. Sa dernière œuvre de jeunesse avant de bouleverser son style est la Petite suite pour piano à 4 mains. 1890 est une année importante. La Suite bergamasque pour piano sera le premier succès de Debussy, suivi du Quatuor à cordes, créé le 29 décembre 1893. Puis vient le choc du Prélude à l’après-midi d’un faune, paraphrase pour orchestre d’un poème de Stéphane Mallarmé. Malgré une première ratée, l’œuvre séduit rapidement l’Europe. Debussy, en s’inscrivant définitivement dans la musique impressionniste, vient de créer un « miracle unique dans toute la musique ». C’est Maurice Ravel qui le dit. Debussy s’attelle, dès 1894, à son unique opéra : Pelléas et Mélisande, mélange de poésie et de musique sur un livret de Maurice Maeterlinck avec lequel il se dispute. Maeterlinck accepte de donner le livret au compositeur à la condition que celui-ci embauche sa femme, Georgette Leblanc, sœur de Maurice Leblanc, le créateur d’Arsène Lupin. Debussy la renverra plus tard. Maeterlinck est furieux et éreinte l’opéra dans Le Figaro : « une œuvre ennemie » écrit-il plein de rancune. Malgré une première mal accueillie, le 30 avril 1902 sera un véritable triomphe à Londres, puis à New-York et en Europe. Les soucis financiers sont terminés pour Debussy.

Son oeuvre, La Mer ne rencontrera le succès que tardivement

Le compositeur doit beaucoup aux femmes comme sa tante, qui a vu en lui un musicien, Mme von Meck qui lui a donné confiance ou encore celles rencontrées dans les salons. Claude Debussy aime les femmes, beaucoup même. Il a quitté Gabrielle Dupond pour épouser la mannequin Rosalie Texier dite Lilly, avec pour témoins de mariage Erik Satie et Pierre Louÿs. A partir de 1901, il prend le pseudonyme de « Monsieur croche » pour se faire critique et éreinter les Gluck, Berlioz et Saint-Saëns. « Je travaille à La Mer » écrit-il en 1903 à son éditeur alors qu’il est en vacances au bord de l’eau. L’œuvre est créée le 15 octobre 1905 à Paris. La Mer ne rencontre qu’un succès très tardif. Satie, présent à la création, écrit à son ami : « Mon cher Claude, dans le mouvement intitulé de l’Aube à Midi sur la mer, il y a un moment que j’ai trouvé particulièrement fascinant… entre 10h30 et 10h45 ». Peu avant la création de La Mer, Debussy rencontre Emma Bardac, ancienne muse et maîtresse de Gabriel Fauré, épouse du banquier collectionneur d’art Sigismond Bardac. Ils deviennent amants. Lilly tente de se suicider, mais n’y parvient pas. Debussy ne lui rend pas visite à la clinique. L’affaire fait scandale, mais n’empêche pas le compositeur de devenir père d’une petite Claude-Emma mise au monde par sa maîtresse. C’est une petite fille surnommée Chouchou à qui il dédie sa suite pour piano Children’s Corner.

Debussy dédie son ballet pour enfants La Boîte à joujoux à sa fille

Debussy se marie avec Emma Bardac le 20 janvier 1908. Mais il n’est pas heureux en ménage. Pour assurer l’aisance de son foyer, il diversifie ses activités et collabore avec Serge de Diaghilev et Léon Bakst, sur une idée de Vaslav Nijinski. Il crée en 1912, le ballet Jeux qui ne connait pas le succès. La musique est pourtant considérée comme un chef-d’œuvre qui va révolutionner l’histoire de la musique et du ballet. Malheureusement la santé de Debussy se détériore rapidement et la faculté de médecine lui diagnostique un cancer colorectal. Il ne sort plus que très rarement et achève son deuxième livre de Préludes pour piano. Dans la continuité de Children’s Corner, Debussy compose à l’été 1913, sa dernière œuvre destinée aux enfants et dédiée Chouchou : La Boîte à joujoux. Il termine la partition pour piano seul, commence l’orchestration qui sera ensuite achevée par André Caplet en 1918. Debussy accepte une tournée à Saint-Pétersbourg en novembre 1913. Comme beaucoup de musiciens et de personnalités de l’époque, il descend à l’hôtel Europe. Sa mauvaise santé rend ce voyage éprouvant : il lui arrive de pleurer de douleur à l’entracte. Ses représentations sont couronnées de succès, toute la société mélomane de la capitale lui rend hommage. Il est même invité à une soirée durant laquelle Sergeï Prokofiev se met au piano pour lui. A Saint-Pétersbourg, Debussy croise la fille de Madame von Meck dont il était amoureux plus jeune. « Il me semble que nous avons bien changé », lui dit-elle. « Oh non, Madame, nous n’avons pas changé, c’est le temps qui a changé. Nous sommes restés comme avant », lui répond-il. Une fois rentré à Paris, la guerre éclate et Debussy compose ses cinq ultimes chefs-d’œuvre entre 1915 et 1917 : En blanc et noir pour deux pianos, les douze Études pour piano, la Sonate pour violoncelle et piano, la Sonate pour violon et piano et enfin la Sonate pour flûte alto et harpe.

 

Debussy meurt le 25 mars 1918 au 24 square du Bois-de-Boulogne. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise sans discours alors que la guerre fait rage. Six mois plus tard, la France signe l’armistice avec l’Allemagne. C’est la fin d’une époque qui a vu naitre l’un des plus grands génies de la musique française, ouvrant la voie au 20e siècle. Voici un billet d’amour écrit par Debussy à Lilly Texier, la mannequin couture qui voulut mourir pour lui : « Si tu savais comme tout est plein de toi ici ! il n’y a pas un coin, pas un meuble qui ne soit marqué de ta délicieuse présence ; c’est comme mille petites voix qui bourdonnent à mes oreilles en légers murmures si étranges et si émouvants ; où ton doux nom de Lilly revient constamment comme une fine et délicate musique. Vraiment, je t’aime sans réticences, rien ne me retient de me livrer tout à fait à cette force qui m’emporte. As-tu senti cette merveilleuse lumière qui nous entoure quand nous devons nous séparer et que nos yeux semblent s’attacher ? » 

David Abiker

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