Le gouvernement reçoit ce mardi 6 septembre des élus pour réfléchir à la réglementation des dark stores, ces entrepôts de livraison dans les villes. Malgré une croissance des plateformes de 86% l’année dernière, la promesse des courses livrées en 10 minutes peine encore à convaincre les consommateurs et gêne les municipalités.
« Leur modèle logistique est très efficace et les dark stores arrivent à préparer une commande en 2 à 5 minutes »
De la rue, impossible de s’imaginer que derrière la façade se cache un magasin fantôme. On remarque juste l’activité au va-et-vient des livreurs, à scooter ou à vélo. Ceux-là s’affairent pour livrer le plus rapidement possible des courses en provenance du dark store. Un modèle qui s’est multiplié à la faveur des confinements et couvre-feux successifs. Mais face à leur prolifération, le gouvernement réfléchit à réglementer leur implantation. Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises et du Commerce et Olivier Klein, ministre délégué à la Ville, reçoivent d’ailleurs aujourd’hui les associations d’élus et les représentants des métropoles dans le cadre de consultations. L’idée est de clarifier le statut de ces locaux. Si la livraison de votre dentifrice ou de vos tomates est si rapide, c’est que ces mini-entrepôts quadrillent les villes, indique Franck Rosenthal, expert distribution : « leur offre est concentrée sur moins de produits qu’un magasin physique. Leur modèle logistique est très efficace et ils arrivent à préparer une commande en 2 à 5 minutes ».
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Les plateformes craignent une règlementation qui casserait l’activité. François d’Hautefort, directeur général de Flink, l’un des acteurs sur le marché qui compte 24 dark stores en France, défend un marché et des besoins à satisfaire. « On aide la maman qui n’a pas le temps d’aller faire ses courses et la personne âgée qui ne peut pas se déplacer », promet-il. Flink revendique également un rôle social : « la plupart de nos employés sont en CDI. On veut se dissocier de l’activité de livraison et de plateforme qu’on peut voir ailleurs ». A Villeurbanne, le maire Cédric Van Styvendael voit au contraire d’un mauvais œil les 7 à 8 dark stores de sa ville qui viennent gêner les riverains. « Ca multiplie énormément les déplacements et 70% des livraisons se font en moteur thermique. De plus, les livreurs stationnent leurs véhicules sans faire attention et ça produit du bruit et de l’agitation », s’agace-t-il. Il voudrait que la mairie ait la main pour réguler ce système qui ne correspond pas à son modèle de société, poursuit-il : « un commerce, on doit pouvoir rentrer dedans, avoir des relations avec les vendeurs… Aujourd’hui, les dark stores ne participent pas à l’activité commerciale. »
Les dark stores n’ont pas encore assez de clients réguliers qui dépenseraient beaucoup à chaque panier d’achat
L’an dernier, ces plateformes ont connu une croissance de 86%, avec 122 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais c’est encore aujourd’hui un marché de niche qui n’est pas rentable. « Il faut beaucoup de clients, qui vont acheter fréquemment et pas faire juste un dépannage de temps en temps. Les paniers devraient être de plus de 30 euros mais on n’en est pas encore là », poursuit Franck Rosenthal. Et la nouvelle réglementation pourrait freiner l’activité, précise Philippe Goetzman, spécialiste des nouveaux modèles de consommation. « Si la législation considérait ces dark stores comme des entrepôts, ils seraient interdits dans les immeubles d’habitation. Et s’ils se retrouvent éloignés des habitations, ils ne peuvent plus respecter la promesse de livraison rapide ». Cela remettrait en cause leur modèle de service aux consommateurs et du même coup, leur modèle économique.
Emilie Valès
Retrouvez le reportage d’Emilie Valès à partir de 04:25