A quoi faut-il s’attendre dans le dossier Aigle Azur qui sera traité aujourd’hui par le tribunal de commerce ?

A quoi faut-il s’attendre dans le dossier Aigle Azur qui sera traité aujourd’hui par le tribunal de commerce ?

Le paradoxe c’est qu’Aigle Azur c’est une compagnie aérienne qui perd de l’argent mais on devrait quand même trouver pas mal de candidats pour un rachat du groupe. Peut-être pas de l’intégralité mais au moins à la découpe. Personne ne veut d’une marque qui vient d’abandonner des milliers de passagers. Pas grand monde ne veut reprendre le personnel ou les dettes du groupe mais il y aura quand même des candidats qui vont se manifester aujourd’hui auprès du Tribunal de commerce.

En quoi Aigle Azur est quand même séduisant ?

Dans l’aérien, comme dans n’importe quelle activité économique, ce qui est rare est cher. Et Aigle Azur contrôle un actif très rare : des créneaux pour faire décoller et atterrir des avions. Ils contrôlent 10.000 de ces fameux slots, comme on dit en anglais. Sur tous les aéroports saturés, les slots ont énormément de valeur car sans eux aucune compagnie ne peut ouvrir de nouvelle ligne. Et à Orly, la base d’Aigle Azur, les créneaux ont encore plus de valeur parce que le nombre de vols autorisés par an est arbitrairement limité à 250.000 par an. Celui qui mettra la main sur Aigle Azur pourra donc ouvrir de nouvelles lignes et cela pourrait intéresser Air France qui veut pousser le décollage de sa compagnie à bas coûts Transavia. Mais cela pourrait aussi intéresser Vueling, la low cost du groupe British Airways Iberia ou Air Caraïbes.

Et on dirait que cela vous choque ?

Ce qui m’interpelle, c’est qu’on entretient de façon artificielle une forme de rareté à Orly. Depuis 1993, on n’a pas le droit de développer le trafic aérien depuis le deuxième aéroport de la région parisienne. Bien sûr, je peux comprendre le point de vue de ceux qui habitent dans l’axe des pistes et qui n’ont pas envie de voir se développer les décollages même si pour la plupart ils savaient sans doute qu’ils déménageaient près d’un aéroport. Mais en même temps, on limite le trafic à 250.000 mouvements par an alors qu’on pourrait en assurer 400.000 avec les pistes d’Orly. Et je pense qu’il y a une demande. Je pense aussi que les avions les plus modernes – même s’ils sont bruyants – sont sans doute beaucoup moins bruyants que ceux qui survolaient l’Ile de France il y a 25 ans et la motorisation va encore faire des progrès. Là, des compagnies vont se battre pour récupérer 10.000 slots. On va se battre pour acheter une rareté créée de façon artificielle. On ferait peut-être mieux de développer le trafic et de dédommager ceux qui risqueraient d’en souffrir.

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