HINDEMITH Paul

(1895-1963) Epoque moderne

Contemporain de Prokofiev, Paul Hindemith appartient à la génération qui suivit de peu celle de Bartók, Stravinsky ou Berg. Si ses premières compositions reflètent une opposition opiniâtre au romantisme, cultivent la « Musique utilitaire » (Gebrauchmusik) ou la musique destinée à l’usage domestique (Hausmusik), une tendance vers le néoclassicisme perce au travers de la série des Kammermusik. Altiste réputé et compositeur fécond, Hindemith finit par infléchir son esthétique, ce qui lui vaudra d’être taxé de conservateur par ses cadets… après être passé pour un enfant terrible de la nouvelle musique.

Paul Hindemith en 10 dates :

  • 1895 : Naissance à Hanau, près de Francfort-sur-le-Main
  • 1909 : Intègre la Hochschule für Musik de Francfort où il étudie le violon et la composition
  • 1915 à 1923 : Violon solo à l’Opéra de Francfort
  • 1921 à 1929 : Altiste du Quatuor Amar
  • 1921 à 1927 : Kammermusik pour solistes et orchestre de chambre
  • 1922 : Suite « 1922 » pour piano
  • 1938 : opéra Mathis le peintre
  • 1940 : Emigre vers les Etats-Unis où il enseigne la composition à l’université Yale
  • 1943 : Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber
  • 1963 : Mort à Francfort-sur-le-Main

 

Directeur musical de l’Opéra de Francfort, Hindemith est aussi membre fondateur d’un quatuor à cordes

Issu d’une famille modeste, Paul Hindemith reçoit ses premières leçons de musique à la Hochschule für Musik de Francfort avant d’étudier la composition auprès d’Arnold Mendelssohn puis de Bernhard Sekels. Après la mort de son père pendant la Première Guerre mondiale, il occupe le poste de violon solo à l’orchestre de l’Opéra tout en arrondissant ses fins de mois en jouant dans les cafés, les opérettes, les fêtes foraines ou les groupes de jazz. 1915 est une année importante : il fonde le Quatuor Amar (aux côtés du violoniste Licco Amar), dans lequel il tient la partie d’alto, et devient directeur musical de l’Opéra de Francfort. Il compose durant cette période plusieurs œuvres dédiées à son instrument de prédilection (sonates, Kammermusiken n° 5 et 6), ouvertement inscrites dans la tradition contrapuntique allemande transmise par Brahms et Reger. Ses premiers essais lyriques (Meurtrier, espoir des femmes, d’après une pièce du peintre Oskar Kokoschka, et Sancta Susanna), quant à eux, témoignent d’un fort attrait pour l’expressionnisme.

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Un style éclectique, ouvert au jazz et à tous les vents de la modernité

La réaction au drame wagnérien prend la forme d’un style éclectique, où les références au jazz (fox-trot du Final 1921, ragtime de la Suite 1922) jointes à une énergie incoercible, ouverte à tous les vents de la modernité, choquent le public et la critique. Après quelques nouvelles tentatives avant-gardistes (opéra Les Nouvelles du jour, peu joué aujourd’hui mais célèbre pour une aria chantée dans une baignoire à la gloire des chauffe-bains à gaz), Hindemith se lance dans un projet lyrique ambitieux avec Mathis le peintre, manière de profession de foi en la liberté absolue de l’art face à la censure pratiquée par le nouveau régime politique. Trois scènes serviront de base aux différents mouvements de la Symphonie « Mathis le peintre » qui allait rapidement faire le tour du monde après sa création en 1934 à Berlin sous la baguette de Wilhelm Furtwängler. Musicien sérieux (quoique de tempérament enjoué), épris de technique contrapuntique rehaussée par d’audacieuses harmonies, Hindemith consigne son expérience dans un traité de composition après avoir cherché à faire bouger les lignes entre genres « sérieux » et « populaire » par le truchement de sa Gebrauchmusik (« musique utilitaire »). Alors que son style semble être parvenu à un point d’équilibre, voient le jours certaines des œuvres les plus jouées de son imposant corpus, au premier rang desquelles la Suite Nobilissima Visione ou les célèbres Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber, en réalité une réécriture très élaborée de quatre pièces pour piano de l’auteur du Freischütz.

Les Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber (Orchestre de la SWR de Stuttgart)

 

Parti d’abord aux Etats-Unis pour fuir le nazisme, Hindemith s’installe en Suisse

Peu après l’avènement du nazisme, où il sera suspecté de « pervertir de la manière la plus vile la musique allemande », Hindemith s’expatrie vers la Suisse en 1937, puis s’installe aux Etats-Unis en 1940. Il y dirigera le département musical de la Yale University jusqu’en 1953. Dans la lignée de la Musique de concert pour cordes et cuivres composée en 1930 pour honorer une commande de Serge Koussevitzky et son Orchestre de Boston, Hindemith met à profit la virtuosité proverbiale des phalanges américaines en vertu d’une orchestration rutilante où sa science de l’écriture et des timbres fait merveille (Sinfonia serena, Pittsburgh Symphony). De retour en Europe en 1935, il s’établit en Suisse : il y mène une double activité de chef invité et de compositeur, renouant avec le grand art de son pays d’origine qu’il acclimate aux philosophies antiques. Ainsi de son dernier opéra, L’Harmonie du monde, ou de son ultime ouvrage, une Messe pour chœur a cappella, véritable « somme théologique ».

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Boudé par la jeune génération de musiciens avant-gardistes qui ne lui pardonnent pas son rejet du sérialisme et sa fidélité indéfectible à une certaine tradition, Hindemith doit de surcroît faire face à de nombreux préjugés, à commencer par l’abondance jugée (à tort) « suspecte » de son catalogue. Il n’en demeure pas moins l’un des plus grands compositeurs du XXe siècle, dont le métier irréprochable (je suis un « artisan » de l’art, selon sa propre expression) s’exerça dans tous les domaines musicaux.

 

Jérémie Bigorie

 

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