BOULANGER Lili

(1893-1918) Epoque moderne

Marie-Juliette Boulanger, dite « Lili », est la première femme à avoir remporté le grand prix de Rome de composition. Elle est aussi la soeur de Nadia Boulanger, pédagogue reconnue et également compositrice. Lili écrit dès l’âge de 13 ans des œuvres inspirées de poésies et de textes littéraires. Cantates, psaumes et mélodies forment l’essentiel de son corpus. La maladie l’emporte trop tôt, à l’âge de 24 ans seulement.

Lili Boulanger en 10 dates :

  • 1893 : Naissance à Paris
  • 1906 : Valse en mi majeur, pour piano
  • 1909 : entre au Conservatoire de Paris
  • 1911 : Nocturne, pour flûte (ou violon) et piano
  • 1912 : Pour les funérailles d’un soldat, pour baryton, chœur mixte et piano (ou orchestre)
  • 1913 : Prix de Rome avec la cantate Faust et Hélène
  • 1914 : Clairières dans le ciel, cycle de 13 mélodies pour voix et piano
  • 1916 : La Princesse Maleine, opéra inachevé sur un texte de Maetterlinck
  • 1917 : termine les trois Psaumes, commencés en 1914
  • 1918 : Pie Jesu
    Mort à Mézy-sur-Seine

 

Les musiciens de sa famille lui permettent de développer ses dons exceptionnels.

Les deux parents de Lili sont musiciens professionnels. Son père est professeur de chant au Conservatoire de Paris. Egalement compositeur, il a été reçu au Grand Prix de Rome en 1835. Sa mère, d’origine russe, est elle-même cantatrice. Quant à sa sœur Nadia, de 6 ans son aînée, elle se destine aussi à une carrière musicale. Lili sait déchiffrer les partitions avant de savoir lire. Gabriel Fau lui donne ses premières leçons de piano. Elle apprend aussi le violon et la harpe. Hélas, cette enfant surdouée souffre d’une déficience immunitaire qui ne cessera de lui rendre la vie difficile. Cela ne l’empêchera pas de composer, et d’entrer au Conservatoire à 16 ans.

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Elle réussit le Prix de Rome à 20 ans, et part en Italie pour le traditionnel séjour des lauréats

Depuis plus d’un siècle, le prix de Rome de composition n’était attribué qu’à des hommes. Puis vint Lili. Après une première tentative en 1912 avec Pour les funérailles d’un soldat, une œuvre chorale sur un texte prémonitoire d’Alfred de Musset, elle remporte le concours en 1913 avec la cantate Faust et Hélène – qui sera donnée avec succès au théâtre du Châtelet. Elle a 20 ans, et est la plus jeune lauréate. Cela lui vaut les honneurs de la République : elle est reçue à l’Elysée par le Président Poincaré lui-même. Elle part en Italie début 1914, mais doit revenir à Paris lorsqu’éclate la guerre. Elle retournera à la Villa Médicis en 1916.

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Lili Boulanger excelle dans les mélodies pour chant et piano.

Dès 1910, elle compose des mélodies pour voix et piano comme Attente, Reflets, sur des poèmes de Maeterlink, et Le Retour. Le cycle de mélodies Clairières dans le ciel sur des poèmes de Francis Jammes est composé à Nice, pour voix de ténor (ou mezzo) et piano. Ce sont treize pièces assez brèves, qui forment un ensemble cohérent de plus de trente minutes, et installe un climat très nostalgique d’un amour perdu. La musique est parfaitement au service du texte, avec beaucoup de contrastes pour accompagner les sentiments du poète, ce qui n’empêche pas quelques constantes et motifs récurrents.

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Son opéra La Princesse Maleine, sur la pièce de Maetterlinck, reste inachevé.

En février 1916 Maurice Maeterlinck, l’auteur de Pelléas et Mélisande et prix Nobel de littérature, s’adresse à Lili Boulanger. Il lui envoie une version adaptée de sa pièce La Princesse Maleine, créée en 1890, pour en faire un projet d’opéra. Lili commence le travail mais ne pourra le mener à bien. En juillet 1917, Maeterlinck lui confirme dans une lettre sa confiance en sa capacité à achever son œuvre malgré la maladie. Après sa mort, Nadia Boulanger décidera de ne pas publier ce qui avait été partiellement composé.

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Les Psaumes témoignent de son art de la composition orchestrale et chorale.

En 1916-1917 elle poursuit et achève des œuvres déjà engagées, notamment trois Psaumes, les n°24, 129 et 130. Le Psaume 130, Du fond de l’abîme, est sans doute sa composition la plus ambitieuse avec des choix harmoniques complexes et une tension dramatique impressionnante, voire terrifiante dès le début de l’œuvre. La partie plus apaisée, chantée par la contralto ou mezzo soprano et le chœur mixte, conduit vers un final moins angoissant, mais l’ensemble garde une ligne très sombre, implacable. Achevée également en 1917, la Vieille prière bouddhique est plus lumineuse, avec un orchestre, un chœur et un ténor exprimant un message de paix et de tolérance pour l’univers.

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La musique de chambre lui inspire des pièces très personnelles.

Plusieurs pièces ont été perdues, mais nous connaissons D’un soir triste pour trio avec piano (une version pour orchestre à été écrite par Nadia Boulanger) et D’un matin de printemps également pour trio composés fin 1917. La première est une longue phrase pleine d’une gravité douloureuse mais presque véhémente, et la seconde au contraire vive et enjouée, une des rares pièces dans cette humeur, formant un ensemble remarquable. Il y a aussi un magnifique Nocturne pour violon et piano, d’un lyrisme retenu au bord d’une envolée qui aurait sans doute trahi la réserve de la compositrice.

Nocturne pour violon et piano (Janine Jansen et Itamar Golan)

 

Son œuvre ultime est un Pie Jesu composé peu avant sa mort.

L’ultime composition de Lili Boulanger est particulièrement émouvante. Dictée à sa sœur Nadia dans les premières semaines de 1918, c’est une cantate très brève pour soprano seule, sur un texte liturgique habituellement inclus dans le requiem. La voix séraphique est apaisante, soutenue par un orgue discret et des cordes qui le sont tout autant. Lili meurt le 15 mars 1918, laissant à Nadia – qui fera une longue carrière de professeur de piano et de composition – le soin de publier ses œuvres.

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S’il est vrai que Lili Boulanger a elle-même détruit certaines de ses partitions et que d’autres ont été perdues, il en reste suffisamment pour apprécier ses qualités de compositrice. Le chef d’orchestre Igor Markevitch, qui a enregistré beaucoup de ses œuvres, dont le Pie Jesu, a souligné maintes fois son talent. Bertrand Tavernier a d’ailleurs choisi ce morceau pour son film La Passion Béatrice en 1987. John Elliot Gardiner, Marc Minkowski ou Mikko Frank, de même que certains (rares) chanteurs comme Cyrille Dubois, ont aussi entrepris de défendre les œuvres de  Lili Boulanger. Mais il reste du chemin pour faire connaître cette compositrice inspirée.

 

Philippe Hussenot

 

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