L’orchestre de l’Opéra de Paris, en grève depuis un mois et demi contre la réforme des retraites, rejoint par des personnels de la Comédie Française, a offert ce samedi un concert sur les marches du Palais Garnier, avec des représentants de plusieurs corps de métier.
Des spectacles gratuits pour sensibiliser le public
Devant de nombreux Parisiens, des touristes, mais aussi des enseignants en grève, l’orchestre et le chœur de l’Opéra National de Paris ont interprété un extrait des « Troyens », opéra de Berlioz qui accompagne traditionnellement le défilé annuel du Ballet de l’Opéra. Au programme aussi: « Le Trouvère » de Verdi ou encore « Carmen » de Bizet, avant de finir par « La Marseillaise ». Pour José Sciuto, un des cadres de l’atelier de décor de l’Opéra, il s’agit de demander le retrait de la réforme des retraites.
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« Avec des actions de ce type, ouvertes au public, nous pensons faire entendre nos demandes, notre voix », a-t-il expliqué. En décembre, les images d’un « mini » Lac des Cygnes dansé sur le parvis du Palais Garnier et d’un concert improvisé sur les marches de l’Opéra Bastille, également donnés en signe de protestation contre le projet gouvernemental de réforme des retraites, avaient fait le tour du monde.
« Les danseurs de l’Opéra de Paris condamnés à avoir une seconde vie »
Pour les danseurs, la réforme ne s’appliquera que sur ceux embauchés à partir de 2022. A la retraite à 42 ans, ils arguent que la pension leur est nécessaire pour rebondir après une carrière émaillée de sacrifices et de blessures dans l’une des plus prestigieuses compagnies au monde. Si des danseurs bénéficient aussi de pensions dans certains pays (Suède, Italie), les 154 de l’Opéra de Paris sont un cas unique en France.
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Pour Alexandre Carniato, danseur élu à la Caisse des retraites de l’Opéra, « la formation à la reconversion, c’est une bonne chose. Mais même avec un diplôme, qu’est-ce qui m’assure qu’une entreprise me choisira, à 42 ans, plutôt que quelqu’un qui a 22 ans ? », indique ce danseur qui sera à la retraite dans six mois avec une pension d’un peu plus de 1000 euros. « S’arrêter de danser est un moment très brutal, le danseur est condamné à avoir une seconde vie », confirme Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte-Carlo, où un système instauré en 2001 a aidé à reconvertir 200 à 300 danseurs: maintien du salaire pendant 12 à 18 mois, emploi du temps allégé et études financées.
Franck Riester, le ministre de la Culture appelle à « ne pas perdre le public »
Musiciens, machinistes et chanteurs évoquent également la pénibilité de leur travail. « Nous voulons avancer en tenant compte de ces spécificités. L’excellence de l’Opéra de Paris est un élément qu’il faut absolument garantir » a affirmé Franck Riester. Si le ministre de la Culture entend « continuer les échanges pour accompagner les danseurs notamment vers une reconversion », il affirme qu’il est « maintenant important d’arrêter la grève en raison des répercussions financières. Et il y a surtout le public, il faut qu’on ne le perde pas ! ». En un mois et demi de grève, 67 spectacles ont été annulés par l’Opéra de Paris, dont trois représentations du « Barbier de Séville » ces derniers jours. Les plus de 14 millions d’euros perdus en billetterie sont l’équivalent de la contribution annuelle de l’Etat à la Caisse de retraite de l’Opéra. Et à peine moins que les 18 millions versés annuellement par les mécènes de l’institution tricentenaire. Le directeur général Stéphane Lissner a rassemblé vendredi l’ensemble du personnel pour évoquer les conséquences économiques de cette grève d’une durée record qui l’ont obligé à « demander des économies drastiques à l’ensemble de ses services« , selon l’Opéra.
Philippe Gault (avec AFP)