De Rocamadour à Lille, en passant par l’Auvergne et la Normandie, voici « La France des compositeurs ».
Houlgate : « l’air qu’on y respire est léger, la mer apaisante, les gens acceptables » écrit Debussy
Fasciné par la mer, Claude Debussy se rend régulièrement sur les côtes normandes. Son affection pour le grand large inspire plusieurs de ses œuvres, notamment La Mer. Pourtant lorsque le compositeur vient, accompagné de sa famille, en villégiature à Houlgate en août 1911, celui-ci ne parvient pas à composer. Grâce à une enquête sur ce séjour, menée par le professeur d’histoire de la musique Rémy Campos, des photographies inédites ainsi que des cartes postales de la famille Debussy ont été mises à jour.
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Sur l’un des clichés, Claude et sa fille unique Chouchou sont sur la plage. Lui, habillé d’un costume gris, regarde au loin alors qu’elle, vêtue d’une robe et d’un chapeau blanc, joue en premier plan. Au départ, Debussy apprécie son séjour à Houlgate. « Ce pays est beaucoup moins désagréable qu’on pouvait le penser, l’air qu’on y respire est léger, la mer apaisante, les gens acceptables » écrit-il dans ses correspondances. Toutefois, l’agitation ne tarde pas à agacer le compositeur solitaire qui souhaite rentrer dans son hôtel particulier de l’avenue du Bois-de-Boulogne, actuelle avenue Foch.

Auvergne : Joseph Canteloube sur les traces des paysans auvergnats
Joseph Canteloube naît en 1879 à Annonay en Ardèche et meurt en 1957 à Grigny en Essonne. S’il n’est pas tout à fait auvergnat, son père l’est et l’emmène marcher de nombreuses fois dans cette région. A Paris où il étudie la composition, il n’apprécie pas l’ambiance concurrentielle qui y règne et décide alors de recueillir les chants populaires d’Auvergne. Cette démarche, appelée ethnologie musicale, n’est pas nouvelle en Europe. Ainsi Béla Bartok et Zoltan Kodaly ont largement contribué à collecter les chants folkloriques hongrois. Cette quête est cependant fastidieuse. Le compositeur français arpente l’Auvergne afin de surprendre quelques paysans en train de chanter. Un soir, il entend des bergers se répondre à tour de rôle du haut de leur sommet, malgré la distance, leurs voix portent. Cet air donne naissance au Baïlèro, l’extrait le plus connu des Chants d’Auvergne. Par ailleurs, le compositeur lance un appel dans L’Auvergnat de Paris afin de recueillir les paroles, même incomplètes, de chants traditionnels. Engagé dans ce mouvement de sauvegarde des mélodies populaires, Joseph Canteloube travaille à Vichy auprès du gouvernement du maréchal Pétain, ce qui entache sa réputation. S’il compose ses Chants d’Auvergne entre 1923 et 1930, ils ne sont entièrement publiés que dans les années 50. Ils se divisent en cinq recueils d’œuvres récoltées puis réarrangées par le compositeur. Chacune de ses compositions est empreinte de poésie et de simplicité, qui permettent de se retrouver l’espace d’un instant dans l’Auvergne paysanne d’autrefois.

Charles Gounod : Maître de chapelle des Missions étrangères à Paris
Comment parler des compositeurs français sans parler de Paris ? La plupart d’entre eux ont étudié ou habité à Paris, ils sont cependant moins nombreux à être nés dans la capitale. Le 17 juin 1818 Charles Gounod voit le jour place Saint-André-des-Arts dans le 6ème arrondissement de Paris. Sa mère l’initie très tôt au piano, puis il se perfectionne au Conservatoire de Paris avec de grands professeurs comme Antoine Reicha, Fromental Halévy ou encore Jean-François Lesueur. Au cours de sa carrière, le musicien déménage dans différents quartiers de la ville lumière, ne sachant trancher entre rive gauche et rive droite.
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Si le compositeur est très connu pour son opéra Faust, il compose également bon nombre de partitions religieuses. Il devient Maitre de chapelle des Missions étrangères en 1843 à Paris, poste qu’il occupe pendant cinq ans. Charles Gounod s’éteint le 18 octobre 1893 à Saint-Cloud. Ses funérailles sont organisées à la Madeleine et pour l’occasion, Camille Saint-Saëns joue à l’orgue et Gabriel Fauré dirige la maîtrise.

Rocamadour : Francis Poulenc frappé par la grâce
Si Francis Poulenc naît à Paris en 1899 et meurt dans cette même ville en 1963, la cité mariale de Rocamadour le marque dans sa carrière. En effet, il entreprend la composition des Litanies à la Vierge Noire après une visite de la petite ville située dans la vallée de Dordogne. Poulenc vient d’une famille chrétienne, mais n’est pas du tout pratiquant. Pourtant, lorsqu’il apprend la mort brutale d’un ami le 22 août 1936, il décide de se rendre à Rocamadour afin de renouer avec la spiritualité.
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De cette visite il relate ceci : « seul, en face de la Vierge, je reçois tout d’un coup, le signe indiscutable, le coup de poignard de la grâce en plein cœur ». Inspiré par ce lieu, il achève son œuvre en seulement sept jours. Depuis, le Festival de Rocamadour, organisé chaque année, lui rend régulièrement hommage.

Lille : Edouard Lalo le lillois aux origines ibériques
En vous promenant dans le jardin Vauban à Lille, vous apercevrez peut-être une stèle dressée en hommage à Edouard Lalo, compositeur lillois. Son nom aux consonances ibériques rappelle ses origines espagnoles puisque ses ancêtres s’installent dans le Nord de la France lorsque la région fait partie du royaume d’Espagne. Ce compositeur, méconnu, naît en 1823 à Lille et meurt à Paris en 1892. Il grandit dans une famille peu musicienne et son père souhaite qu’il fasse carrière dans l’armée. Néanmoins Edouard en décide autrement et quitte la capitale des Flandres à 16 ans afin de perfectionner son violon à Paris.
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Le Conservatoire national de Paris le refuse aussi bien en tant qu’élève, qu’en tant que professeur. Pour autant, certaines de ses œuvres rencontrent un réel succès telles que Namouna ou sa Symphonie espagnole. Lalo travaille avec acharnement sur son ballet Namouna, à raison de 14 heures par jour, mais il est frappé d’une attaque d’hémiplégie en 1881. Charles Gounod l’aide alors à finir l’orchestration du ballet.

Alexandra Legrand