Samuel Paty évoquait une rumeur malfaisante : La presse publie ses derniers mails à sa hiérarchie

Le Monde publie les derniers mails de Samuel Paty avant son assassinat le 16 octobre par Abdoullakh Anzorov. Des mails échangés avec sa hiérarchie la semaine précédent le cours sur la liberté d’expression, au cours duquel il a montré les caricatures de Charlie Hebdo représentant Mahomet.

Samuel Paty l’avait souligné : « Cela provient d’une famille dont l’enfant n’a pas assisté à mon cours »

On y lit les explications et l’incompréhension de Samuel Paty, un professeur pris malgré lui dans une polémique qui le dépasse, le soutien sans faille de la principale du collège, quelques messages de soutien des parents mais également de vifs reproches de deux autres enseignants qui se désolidarisent du professeur d’Histoire. Les échange commencent le 8 octobre, après le cours et 8 jours avant l’assassinat.

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La principale écrit à Samuel Paty : « La situation relative à votre cours sur la liberté d’expression s’est accélérée et s’est aggravé aujourd’hui tout au long de la journée. Un individu a menacé de faire venir des musulmans devant le collège et d’alerter la presse ». Samuel Paty lui répond entre autres « C’est vraiment affligeant d’autant plus que cela provient d’une famille dont l’enfant n’a pas assisté à mon cours et que je ne connais pas. Cela devient une rumeur malfaisante. Il n’y a eu aucune réaction dans la classe quand j’ai fait mon cours, ni ce matin après votre intervention ».

 

Samuel Paty avait envisagé de changer son cours, et d’évoquer la censure d’internet en Chine

Plus tard, désabusé, Samuel Paty écrira encore : « Je ne ferai plus de séquence sur ce thème, je choisirai une autre liberté. Je travaillerai l’année prochaine sur la liberté de circulation ou peut-être sur la censure d’internet en Chine ». Le 9 octobre la principale fait son job et rappelle les faits à toute la communauté éducative : « dans le but de protéger les enfants qui auraient pu être offensés par ces caricature et seulement dans ce but, il leur a été proposé de sortir quelques minutes accompagnés d’un adulte ou de détourner le regard quelques secondes. Sans vouloir froisser qui que ce soit, il s’est avéré qu’en proposant cette possibilité aux élèves, il a tout de même froissé » ; mais la principale ajoute, « nous sommes bien conscient que M. Paty n’a pas cherché à discriminer mais à protéger. Il est important qu’il puisse compter sur chacun d’entre nous ».

 

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Quelques parent d’élèves écrivent à Samuel Paty le week-end qui précède le meurtre. Mais, le samedi 10 octobre, deux enseignants se désolidarisent. L’un d’entre eux, une enseignante expérimentée écrit ceci « Je refuse de me rendre complice par mon silence d’une situation dans laquelle je me trouve plongée malgré moi. A mes yeux cette situation altère le lien de confiance que nous essayons de renforcer chaque jour avec les familles qui ont choisi l’école publique».

 

Des collègues de Samuel Paty se désolidarisent : « il a commis un acte de discrimination »

Un autre enseignant s’en prend plus directement à Samuel Paty en des termes plus virulents « Non seulement notre collègue a desservi la cause de la liberté d’expression, il a donné des arguments à des islamistes et il a travaillé contre la laïcité en lui donnant l’aspect de l’intolérance, mais il a aussi commis un acte de discrimination. On ne met pas des élèves dehors, quelque soit la manière parce qu’il pratiquent tels ou telles religions ou parce qu’ils ont telle ou telle origine, réelles ou supposées. Mon éthique m’interdit de me rendre complice de ce genre de chose ».

 

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Il faudra ensuite lire dans l’édition du Monde la réponse de Samuel Paty, obligé de se justifier, d’expliquer comment il a fait le cours, dans quelle intention. Pendant ce temps là les choses s’enveniment du côté du parent d’élève malgré toutes les précautions prise par l’enseignant qui commence à douter de sa méthode mais pas de ses intentions. Le lundi matin, après un week-end d’interrogation, Samuel Paty reçoit ce mail d’une collègue : « On a tous fait des erreurs, même si je pense que ca n’en est pas une, de défendre nos liberté en expliquant aux ados d’aujourd’hui des choses qui les dépassent surement. Monter les choses en épingle de cette sorte est abusif. Quand aux réactions de certains collègues, que dire ? Rien me semble préférable ». Une semaine passe, les choses semblent se calmer. Le vendredi 16 octobre et ce que l’on sait arrive, à 23h29, les enseignants reçoivent un dernier message de la direction du collège, il est signé de la principale et s’intitule : terrible nouvelle.

David Abiker

 

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