Didier Raoult était l’invité de la matinale de Guillaume Durand vendredi 17 avril. Le professeur de l’Institut Méditerranée Infection a indiqué qu’il assistait à « une baisse spectaculaire du nombre de cas » à Marseille. Il a assuré « qu’il n’y avait aucune complication cardiaque » due à l’hydroxychloroquine, citant une récente étude sur 1 million de patients. L’infectiologue a aussi parié que l’espérance de vie augmenterait cette année grâce au confinement.
« C’est un phénomène général, ce n’est pas un phénomène spécifique à Marseille »
« A Marseille, au pic, on avait par jour près de 400 cas. Hier, on avait 60 cas ». Didier Raoult a confirmé sur Radio Classique qu’il constatait une disparition progressive du coronavirus à Marseille et l’a chiffré. « Je mesure tous les jours le nombre de cas, et on assiste à une baisse spectaculaire du nombre de cas dépistés ». L’ARS (Agence régionale de Santé) de PACA s’était opposée à une telle prise de position, réitérée ce matin au micro de Guillaume Durand, estimant que rien n’était joué. « Je connais la littérature, ce qui fait grosse différence par rapport à la plupart des gens, et je regarde les données pratiques », s’est défendu Didier Raoult, qui a même acté une baisse significative à l’échelle européenne.
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« A part en Belgique, pour une raison que je ne connais pas, c’est pareil en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis… C’est un phénomène général, ce n’est pas un phénomène spécifique à Marseille ». « Hostile à toutes les prédictions », il a tout de même jugé qu’on ne pouvait pas anticiper quoi que ce soit avec un virus nouveau, notamment sa disparition saisonnière.
Le coronavirus, seul responsable de la mort par complications cardiaques, atteste Didier Raoult
Interrogé sur sa bi-thérapie, à base d’hydroxychloroquine et d’azythomicine, le directeur de l’IHU Méditerranée Infection s’est une nouvelle fois « amusé » des remous que provoquent dans l’opinion son traitement. « Ce que l’on a découvert, c’est l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour neutraliser les bactéries intracellulaires. Moi, cela fait 25 ans que j’utilise ce traitement. C’est pour cela que je me suis beaucoup amusé quand les gens ont commencé à parler de la toxicité de l’hydroxychloroquine. Incidemment, il y a un papier qui vient de sortir. Sur 1 million de traitements par hydroxychloroquine dans le monde, il n’y strictement aucune complication cardiaque ».
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L’infectiologue a assuré que les patients recevant son traitement et décédés de complications cardiaques souffraient d’une myocardite due au coronavirus, et non aux effets secondaires de la chloroquine. « Cela m’amuse beaucoup de lire dans la presse : encore un mort à la chloroquine, encore un mort à la chloroquine… Tout cela est dérisoire. Les gens qui parlent actuellement ne lisent pas la littérature et ne savent pas que cette maladie induit des myocardites ; une maladie qui infecte le coeur. Et dans un certain nombre de cas, malheureusement, les patients meurent de troubles du rythme ou d’arythmie cardiaque ».
"Il faut moins réfléchir et plus travailler. C'est le problème en France par rapport à l'Extrême-Orient. Les résultats ne sont pas à la mesure des spéculations mais du travail" #CoronavirusFrance @raoult_didier – Infectiologue #ClassiqueMatin
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Cette mauvaise interprétation, à ses yeux, des causes réelles de décès de ces patients devrait se poursuivre à l’avenir. « Bien sûr, il y aura des morts. A chaque fois que quelqu’un aura utilisé notre protocole avant, on dira que c’est la faute du traitement anti-biotique mais en réalité, ce sera la faute de la myocardite. Mais dans ce pays, il y a trop de gens qui réfléchissent et pas assez qui travaillent. C’est la différence avec les résultats que l’on a en Extrême-Orient ».
Didier Raoult prône les tests sérologiques, « la seule chose intéressante pour le confinement »
Didier Raoult ne négligerait pas les effets sur le coeur de l’hydroxychloroquine. Il a indiqué travailler avec « un professeur de cardiologie spécialisé dans les troubles du rythme ». « Il y a des gens dont on nous dit : écoutez, on préférerait pas et par mesure de précaution, on le donne pas dans ces cas là. C’est des choses que l’on est en train de réévaluer avec eux, parce qu’il y a des gens qui ne reçoivent pas de traitement et qui ont une évolution moins favorable. On reviendra peut-être sur ces contre-indications », a-t-il indiqué. L’hydroxychloroquine aurait même montré d’après lui « un effet qui n’était pas soupçonné » pour contrer l’auto-immunité de certains patients ; pathologie qui engendrerait notamment des embolies pulmonaires. « Dans la 2e partie de cette maladie, il y a une réaction immunitaire importante ».
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« Cette réaction immunitaire est faite en partie d’anticorps dirigés contre soi-même, ce que l’on appelle des auto-anticorps. Et le médicament contre les auto-anticorps, c’est l’hydroxycloroquine ! », a-t-il expliqué, comme pour apporter une preuve supplémentaire de la validité de son choix en faveur de l’anti-inflammatoire. Didier Raoult s’est refusé de se prononcer sur l’allongement du confinement décidé par Emmanuel Macron ou sur l’isolement des personnes âgées, qui pourrait s’étendre jusqu’en décembre 2020, comme le souhaite la Commission européenne. « Demandez aux magiciens de prédire l’avenir, moi je suis un praticien. S’il n’y a plus de cas dans 15 jours, la question ne se posera même pas. Tout cela est du délire et n’a pas de sens. La seule chose qui est intéressante pour le confinement, c’est de mettre en place rapidement la détection des anti-corps contre cette maladie. Quand on a des anti-corps contre cette maladie, on a pas besoin d’être confiné ».
"Je ne sais même pas s'il y aura encore des cas dans 15 jours. Je ne suis pas un magicien mais un praticien."@raoult_didier – Infectiologue #ClassiqueMatin
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Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique interrogé mercredi 15 avril au Sénat, s’était lui montré nettement plus réservé sur cette théorie : « On se demande si une personne positive à la maladie Covid-19 sera ensuite protégée [contre le coronavirus]. Finalement, nous ne savons pas si les anticorps produits forment une protection ».
Karl Popper, Thomas Samuel Kuhn… Didier Raoult a donné des conseils de lectures à ses détracteurs
Une opinion derrière laquelle ne se range pas Didier Raoult, qui a poursuivi son offensive contre les journalistes et ses opposants du monde scientifique. « Il y a des gens qui travaillent et qui sont sérieux et qui disent : si on a un traitement, c’est mieux que rien. Je ne me sens pas en phase avec le mode de réflexion dominant. (…) Que des journalistes, qui n’ont jamais vu un malade de leur vie, se permettent de commenter la manière dont on traite 3.000 personnes montre que l’on est entré dans le monde de Baudrillard ou de Philippe K. Dick. C’est à dire qu’il y a des mondes parallèles dans des mondes qui n’existent pas ».
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Le professeur se qualifie lui de « pragmatique », de « pratique » et assume ne pas respecter les méthodes des essais cliniques à large panel de patients ; une « mode » sans fondement selon lui. « Il y des gens qui pensent que c’est mieux de ne rien faire que de faire quelque chose. Moi, je pense l’inverse. Ce qui excite beaucoup les débats, c’est une profonde ignorance de l’épistémologie dans ce pays ». Didier Raoult, qui est aussi professeur « depuis 25 ans » d’Histoire des sciences, s’est donc permis de conseiller quelques lectures, « 3 livres de base pour étudiants que je suggère » ; à savoir les ouvrages de Karl Popper, de Thomas Samuel Kuhn et de Paul Feyerabend sur la question.
"Il y a une profonde méconnaissance de l'épistémologie en France" @raoult_didier – Infectiologue #ClassiqueMatin
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Le directeur de l’IHU de Marseille a ensuite mis en pièce l’une des alternatives possibles à l’hydroxychloroquine, le remdesivir. « Comment on est arrivé à penser qu’un médicament qui n’est pas manufacturé, qui n’est pas disponible, qui n’est pas évalué, allait être la solution à une maladie qui aura peut-être disparue avant que l’on est les résultats des essais Discovery (les essais européens menés sur les traitements possibles contre le Covid-19) ? Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire, c’est une autre paire de manche ».
L’espérance de vie devrait augmenter cette année, a parié l’infectiologue
Alors qu’une proportion non-négligeable de personnes de moins de 65 ans sont hospitalisées pour des complications dues au coronavirus, Didier Raoult assure en forçant le trait qu’il « n’y a que des sujets âgés qui meurent ». « C’est l’âge, avec les polypathologies, qui est en réalité la cause de mortalité majeure ». Le professeur a ensuite fait part d’une opinion qu’il avait déjà détaillé sur la chaîne YouTube de son IHU. « Ce n’est pas une année qu’il bouleversera l’espérance de vie » à la baisse. Au contraire, puisque « les services de traumatologie sont vides, puisqu’il n’y pas plus d’accidents de la route, qui sont une grosse de cause de mortalité et de raccourcissement de la vie ». Didier Raoult a même attesté que « pour l’instant, la surmortalité est très inférieure à celle de 2017″, où était survenue une grippe sévère de H3N2, sans entraîner de confinement de la population.
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Si dans une interview publiée dans le Financial Times, Emmanuel Macron a mis en doute les données transmises par la Chine sur le coronavirus, Didier Raoult, lui, a défendu le pays dont il a régulièrement salué les travaux scientifiques. « Souvent, quand les données ne vous plaisent pas, on dit que c’est le thermomètre qui se trompe », a-t-il déclaré, reconnaissant tout de même « que de temps en temps, il y en a qui trichent ». « Mais la vérité, ce n’est pas le problème de la Chine, mais celui du monde entier. Il y a une vraie question : pourquoi l’Europe de l’Ouest est le continent sur lequel la crise a été gérée de la manière la moins fonctionnelle, puisque c’est nous qui avons le plus de morts en proportion ? La réponse, c’est que tous les autres pays se sont jetés sur le seul traitement qui existait. Nous, on a attendu le miracle : une étude merveilleuse qui nous dise ce qu’on doit faire ».
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Donald Trump n’avait, lui, pas attendu les résultats d’études cliniques pour donner un avis favorable à la chloroquine, donnant ainsi matière à des prises de positions multiples sur les réseaux sociaux. « Les gens pour Trump sont pour la chloroquine, alors que les démocrates font une campagne forcenée contre. Notre monde est délirant. Le monde digital était avant un reflet déformé de la réalité. Il n’en est aujourd’hui plus du tout le reflet », a-t-il conclu.
Nicolas Gomont