Le gouvernement Borne est composé de 42 ministres, mais les projets de loi à l’horizon se comptent sur les doigts de la main. On peut se poser la question : plus de 40 ministres, pour quoi faire ? Les ministres eux-mêmes se la posent.
Quand on est nommé ministre, on a l’ambition d’avoir une loi à son nom dans l’espoir de rejoindre les Veil, Evin ou Leonetti
Olivier Klein, ministre de la Ville et du Logement me confiait récemment : « non je n’ai pas de loi dans les cartons, rien avant la fin 2023 en tous cas ». Roland Lescure à l’Industrie a voulu me rassurer : « On peut faire mille choses pour la réindustrialisation du pays sans passer par la loi, j’ai de quoi m’occuper, ne vous inquiétez pas ». Culture, éducation nationale, territoires, et j’en passe : où sont les textes ? Y aura-t-il une loi Abdul-Malak ? Une loi Ndiaye ? Une loi Béchu ? Sans doute pas dans l’immédiat. Le sommet de l’Etat avait prévenu : il faudra des textes peu nombreux et courts. C’est un symptôme de plus de la situation parlementaire inédite issue des urnes. D’habitude, quand on est nommé ministre, on a l’ambition d’avoir une loi à son nom dans l’espoir de rejoindre les Veil, Evin ou Leonetti, mais là, cette ambition est, par la force des choses, remisée voire oubliée. Cela ne manquera pas d’engendrer quelques frustrations personnelles, mais à la limite ça ce n’est pas le plus inquiétant.
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Y aura-t-il une dissolution du parlement dès cet hiver ?
Ce qui est le plus inquiétant est que tout cela pose la question centrale de cette rentrée politique : ce gouvernement pourra-t-il reformer ? Derrière les postures de plateau télé, on ne trouve en réalité plus grand monde pour croire au concept de « majorités de projets ». LR, PS et EELV ont tous des congrès internes dans les mois à venir. Les dirigeants politiques vont donc s’adresser à leurs bases militantes qui sont toujours plus sensibles à des lignes d’opposition radicale, donc le contexte n’est propice ni à la concorde ni à la co-construction des textes. Alors que peut faire Emmanuel Macron ? Gérer les crises en attendant que cela passe ? Le président ne cesse de proclamer l’inverse : il veut réformer quoi qu’il en coûte. C’est de ce paradoxe que découle un sentiment de plus en plus partagé dans les cénacles du pouvoir macroniste : la situation actuelle n’est pas tenable, à terme. L’un imagine une dissolution dès cet hiver. L’autre pense qu’il faudra attendre peut-être un peu plus longtemps. Beaucoup craignent cette perspective de dissolution, parce qu’elle serait imprévisible. Mais tous l’envisagent.
David Doukhan