Bruno Le Maire était l’invité de la matinale de Renaud Blanc ce mardi 31 mars. Le ministre de l’Economie et des Finances a concédé que l’UE était « à un moment critique » de son histoire. Il s’est félicité de « l’immense succès » des prêts garantis par l’Etat et a indiqué « passer le niveau de pertes de chiffre d’affaires à 50% » pour rendre plus d’entreprises éligibles au fond de solidarité.
« C’est très compliqué au niveau européen global », a reconnu Bruno Le Maire
« Nous sommes à un moment critique de la construction européenne. L’Europe doit s’interroger sur sa vocation politique. Si nous ne sommes qu’une somme de nations qui ne pensent qu’à elles, le projet européen mourra ». Bruno Le Maire s’est largement inquiété des conséquences du manque de solidarité européenne criant au début de la crise sanitaire du coronavirus. L’Italie, pays durement touché par l’épidémie, a dû l’affronter seul durant plusieurs semaines et un sentiment anti-européen naît au sein de sa population. « C’est très compliqué au niveau européen global. Est-ce (que l’Europe) n’est qu’une somme d’Etats qui ne visent qu’à réussir économiquement chacun de leur côté et qui se livrent une compétition féroce, ou un projet politique dans lequel la solidarité à du sens ? », s’est interrogé le ministre de l’Economie et des Finances.
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Au-delà de la logique des intérêts nationaux, qui semble s’inverser, compte tenu notamment de l’accueil de malades italiens dans les hôpitaux allemands et français, se manifestent des dissensions politiques fortes entre Paris et Berlin quant au financement de la relance de l’économie.
"Il est absolument vital que la sécurité de l'approvisionnement soit garantie. C'est ma priorité. Il n'y a pas de risque de pénurie. S'il y avait la moindre difficulté, je le dirais aux Français en toute transparence"
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« Si la difficulté n’était qu’entre la France et l’Allemagne, je vous dirais : tant mieux. Nous avons bien travaillé et nous travaillons bien avec mon homologue ministre des Finances allemands », a tenté de relativiser Bruno Le Maire. Reste que pour l’heure, l’Allemagne rejette le mécanisme d’Eurobonds, soit la mutualisation de dettes européennes soutenue par la France et privilégie un système d’obligations à la charge de chaque Etat.
L’économie française au ralenti, à 50% de sa capacité
En attendant le résultat des négociations, l’impact de la lutte contre le Covid-19 touchera l’économie réelle de chaque pays. La France devrait le payer de 3 points de PIB par mois de confinement. « C’est l’évaluation de l’INSEE. Je pense que c’est une bonne évaluation. Un mois de confinement, trois mois de production en moins. Donc, la durée du confinement aura un impact direct sur la perte de croissance pour 2020″. Alors que le Conseil scientifique, mis à pied d’oeuvre par le gouvernement qui s’est toujours employé à suivre ses recommandations, tablait sur un prolongement de confinement de quatre semaines, l’exécutif a préféré opter pour une prolongation de deux semaines renouvelable.
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Une période de confinement, qui pourrait être limitée par l’usage massif de masques pour amoindrir la contagion du virus. « On va par exemple passer la production de masques de 15 millions à 40 millions au niveau mensuel, en avril », a assuré Bruno Le Maire, qui s’est réjoui de « l’immense succès » des prêts garantis par l’Etat ; outil d’aide aux entreprises en manque de trésorerie. Elles sont actuellement nombreuses, alors que l’économie « tourne au ralenti », « à 50% de notre capacité, quand on mêle à la fois l’industrie et les services ».
Prêts garantis : déjà 3,8 milliards d'euros demandés par les entreprises https://t.co/C6SrJlx6Pn
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21.000 sociétés ont fait une demande de prêts, garantis par l’Etat à hauteur de 300 milliards d’euros, pour un montant moyen de 180.000 euros par entreprise. « A l’heure où je vous parle, nous avons déjà 3,8 milliards d’euros de demandes de prêts ».
Le plancher du fond de solidarité abaissé à 50% de pertes du chiffre d’affaires
« C’est la preuve que nous avons touché juste, que le premier problème des entreprises françaises est un problème de trésorerie. Le dispositif va monter en puissance », a indiqué Bruno Le Maire, qui concède « quelques difficultés » rencontrées par des PME. « Quand on demande à un patron de PME de s’engager sur son patrimoine personnel pour faire un prêt, c’est inacceptable. (…) Nous allons régler ces problèmes ». Le recours au chômage partiel pour les employeurs dans l’incapacité de faire travailler leur personnel a été massif jusqu’à présent. « 2,2 millions de salariés » sont concernés, a indiqué le ministre ce matin au micro de Renaud Blanc.
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« C’est un nombre qui va fortement augmenter. Mais c’est un investissement qui nous empêche d’avoir un chômage de masse. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, vous avez en une semaine trois millions de personnes qui ont perdu leur emploi. Nous, grâce à ce dispositif, nous gardons les compétences, les savoir-faire ; le bien le plus précieux pour redémarrer l’économie française ». Bruno Le Maire a confirmé que le fond de solidarité, acté par les ordonnances du 25 mars et qui devrait bientôt pouvoir être abondé par les particuliers et entreprises, va être amplifié.
Coronavirus : Gérald Darmanin lance un appel aux dons pour les entreprises https://t.co/pM6PGk9O2D
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« Nous allons passer le niveau de pertes de chiffre d’affaires, qui vous permet de rentrer dans le champs de solidarité, à 50% », contre 70% aujourd’hui, à compter du mois d’avril. Un plancher de 50%, qui pourrait s’appliquer au mois de mars : « On va poursuivre les discussions avec les parlementaires, les représentants des indépendants… Une évolution est possible. Nous allons trancher cela dans la journée ».
Des nationalisations « si nécessaires, en dernier recours, de manière temporaire », a prévenu Bruno Le Maire
Bars, restaurants, théâtres, cinémas, coiffeurs… Toutes les entreprises forcées de baisser le rideau sont éligibles à ce fond, qui octroie « une prime forfaitaire de 1.500 euros, qui est automatique pour les entreprises qui rentrent dans les critères indiqués ». « Pour le 2e volet à 2.000 euros, nous allons voir si on ne peut pas l’augmenter, pour encore mieux soutenir les entreprises menacées de faillites ». Aux chefs d’entreprises qui s’inquiètent pour leurs exportations, mises à mal par la chute de l’activité et le retour de certaines frontières, Bruno Le Maire assure de « la mobilisation de la Banque publique d’investissement » sur le sujet ; « une préoccupation quotidienne » pour éviter la « destruction de pans entier de notre économie », a affirmé le ministre.
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La nationalisation est un des outils « sur la table » du gouvernement pour parvenir à cet objectif. Mais Bruno Le Maire veut être prudent sur cette question et évoque aussi des seules « prises de participations » et « des montées au capital ». « Cela peut être des nationalisations, mais je veux être très clair sur ce sujet. Il ne s’agit pas de nationaliser ad vitam æternam. Il s’agit de nationaliser si nécessaire, en dernier recours, de manière temporaire, pour éviter qu’une industrie stratégique soit rachetée par une puissance étrangère. » Le ministre a en même temps indiqué que l’Etat devra accroître son rôle dans l’économie, en définissant des secteurs stratégiques et en les protégeant afin de réduire notre dépendance vis-à-vis de l’étranger.
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« Il faudra sur le long terme tirer toutes les conséquences de cette crise sanitaire, réaffirmer à notre souveraineté industrielle, technologique, en construisant des filières qui nous permettent, comme dans les médicaments, les respirateurs, les principes actifs des médicaments, d’être totalement indépendants ».
Nicolas Gomont