La grande soprano australienne, surnommée « La Stupenda » (La Magnifique), a souvent réservé ses débuts et prises de rôle au Covent Garden de Londres (Royal Opera House), de Lucia di Lammermoor à La Fille du régiment de Donizetti, jusqu’à y faire ses adieux le 31 décembre 1990. Sa voix de colorature atteignait des aigus improbables qui électrisaient les foules avides de performance vocale mais les enregistrements laissent aussi des témoignages de subtiles modulations dans tous les registres dont cette voix souvent qualifiée « d’énorme » était capable.
Joan Sutherland en 10 dates :
- 1926 : Naissance à Sydney
- 1944 : Études au Conservatoire de Sydney
- 1952 : Début au Covent Garden de Londres dans La Flûte enchantée
- 1954 : Mariage avec Richard Bonynge
- 1959 : Début dans le bel canto avec Lucia di Lammermoor au Covent Garden
- 1970 : Les Contes d’Hoffmann au Met
- 1976 : La Veuve joyeuse à Vancouver
- 1983 : Adriana Lecouvreur à San Diego
- 1990 : Dernière apparition publique au Covent Garden
- 2010 : Mort en Suisse
Sa mère chanteuse lui donne le goût du chant. Son engagement à Covent Garden lance sa carrière à 36 ans
Enfant, elle imite les trilles de sa mère, une mezzo qui lui donne ses premières leçons. Elle est scolarisée à Waverley, un quartier de Sydney, puis rejoint le conservatoire. A l’issue de ses études, elle gagne un concours qui lui offre une bourse pour se perfectionner à Londres.
Arrivée dans la capitale anglaise à l’été 1951, elle est rapidement engagée dans la troupe du Covent Garden et chante pour son premier rôle la Première Dame de La Flûte enchantée. Elle se voit ensuite confier des rôles plus importants, comme la Comtesse des Noces de Figaro, et participe à la création de l’opéra de Britten Gloriana en 1953 pour le couronnement de la reine Elizabeth.
Le pianiste Richard Bonynge l’oriente vers le bel canto… et l’épouse
Son compatriote australien Richard Bonynge, déjà installé à Londres, la fait travailler différemment de ses précédents professeurs et la pousse au-delà des limites vocales qu’elle croyait avoir, la préparant ainsi à chanter les opéras de Donizetti. Ce sera réussi avec Lucia di Lammermoor, qui lance sa carrière de belcantiste. Bonynge, devenu son mari en 1954, dirigera en tant que chef d’orchestre la plupart de ses représentations et de ses enregistrements jusqu’à la fin de sa carrière. Elle chantera à peu près tous les grands rôles du Bel canto italien, de Rossini à Verdi.
Pavarotti et La Fille du régiment lui donnent les clés du succès populaire
En 1965 sa rencontre avec le jeune Pavarotti dans Lucia à Miami lui donne un partenaire idéal, avec lequel elle se produira souvent avec succès. La Fille du régiment devient son opéra fétiche, car elle aime jouer la comédie et s’amuser, comme elle pourra aussi le montrer dans La Veuve joyeuse. Sa nature n’a rien d’une diva prétentieuse, elle aime chanter et se divertir en interprétant les rôles les plus divers. Derrière sa haute stature, impressionnante au côté de Pavarotti, Joan Sutherland cache une personnalité simple et attachante, rigoureuse et humble, consciente de son talent vocal mais aussi du travail à accomplir.
Avec Luciano Pavarotti dans « Parigi o cara » de La Traviata de Verdi
Elle chante les quatre rôles des Contes d’Hoffmann au Met de New York
L’un de ses faits d’arme qui marquent l’histoire est son interprétation le même soir au Met de tous les rôles des Contes d’Hoffmann d’Offenbach, exploit rarement réalisé par les sopranos. Les années 1970 et 1980 la voient chanter surtout aux Etats-Unis, notamment à San Francisco, au Canada, à Vancouver, et en Australie où son mari est nommé directeur musical de l’opéra. Elle se produit moins souvent en Europe, mais les enregistrements nombreux (y compris d’œuvres qu’elle ne chante pas sur scène comme Turandot de Puccini) et parfois les récitals entretiennent sa notoriété. Son dernier enregistrement d’un opéra complet est Adriana Lecouvreur, après l’avoir chanté la première fois à San Diego.
Elle choisit de faire ses adieux en 1990, à 64 ans
Son dernier opéra sur scène est pour sa ville natale de Sydney, avec Les Huguenots de Meyerbeer. Puis elle fait ses adieux à Londres le 31 décembre, où elle chante un dernier duo avec Pavarotti et un autre avec Marilyn Horne. Sa carrière est finie. Elle vivra encore vingt ans dans le chalet suisse acquis avec son mari, près de Montreux. Couverte d’honneurs décernés par la Reine (comme Janet Baker ou Felicity Lott, elle est Dame commandeur de l’Empire britannique), mais restée discrète, elle participe à des œuvres de charité et à quelques jurys de concours. Mais elle préfère avant tout jardiner et écouter des comédies musicales, qu’elle a souvent dit beaucoup apprécier pour se divertir. Elle s’éteint en octobre 2010.
Philippe Hussenot