PIRES Maria Joao – biographie

(1944- ) Pianiste

Dès que Maria Joao Pires se met au piano, c’est tout un monde poétique qui s’ouvre. Ses petites mains ne la prédestinaient pas à un métier de pianiste, et la carrière n’a jamais été pour elle une fin en soi. Elle est pourtant devenue une interprète incontournable. Inlassable chercheuse du son, elle n’a pas voulu transmettre uniquement son art aux jeunes, sinon une philosophie de vie.

Maria-Joao Pires en 8 dates :

  • 1944 : Naissance à Lisbonne
  • 1970 : Remporte le Concours Beethoven de Bruxelles
  • 1073 : Signe avec Erato. La collaboration dure jusqu’en 1987.
  • 1990 : Débuts à Salzbourg, avec le Philharmonique de Vienne dirigé par Claudio Abbado
    Enregistre l’intégrale des Sonates pour piano seul de Mozart (DG)
  • 1999 : Ouvre le Centre artistique Belgais (Portugal)
  • 2006 : S’installe au Brésil pour aider un projet inspiré d’El Sistema
  • 2012 : Résidence de masterclass à la Chapelle Royale Reine Elisabeth (Belgique)
    Crée le projet « Partitura »
  • 2022 : Concerts à la Philharmonie de Paris et au Festival de Saint Denis, dans le cadre de l’année France-Portugal

Le piano la fascine dès l’enfance pour sa diversité d’expressions sonores

Maria Joao Pires grandit à Lisbonne, petite dernière de 4 enfants. Elle est vite attirée par le piano de la maison. « Je jouais la même note pendant des heures, en cherchant différentes sonorités », raconte-t-elle souvent en interview, en associant ce souvenir à l’absence de son père, décédé deux semaines avant sa naissance. Elle apprend le piano au Conservatoire de Lisbonne avec Campos Coelho, la composition et l’histoire de la musique avec Francine Benoît. Puis à 16 ans, elle obtient une bourse pour aller étudier à la Musikakademie de Munich avec Rosl Schmid. Mais quatre ans plus tard elle doute d’elle-même, au point d’envisager de changer de métier. Elle travaille alors avec Karl Engel à Hanovre pendant deux ans. Avec lui, elle retrouve la liberté d’interprétation, et découvre le plaisir du lied avec des chanteurs. Rudolf Serkin lui transmet ensuite l’héritage de l’école allemande, et Wilhelm Kempff lui fait approfondir Bach. Elle écoute aussi beaucoup de disques de Samson François, Alfred Cortot et Dinu Lipatti. Ce dernier l’a beaucoup influencée dans ses interprétations de Chopin. « Chopin est un poète. C’est une musique très intérieure et très profonde. Je ne crois pas du tout que ce soit du show, » explique-t-elle à la radio de Philadelphie WRTI en 2012.

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Le concours Beethoven lance sa carrière, alors qu’elle déteste les concours

La pianiste n’a jamais aimé la compétition. Elle remporte néanmoins le Concours Beethoven de Bruxelles en 1970, qui lance sa carrière. En 1987, elle participe à la tournée inaugurale de l’Orchestre des Jeunes Gustav Mahler dirigé par Claudio Abbado. C’est aussi avec lui qu’elle fait ses débuts à Salzbourg en 1990, avec le Philharmonique de Vienne. Elle préfère la musique de chambre, ou le concerto, au récital. « Ne pas partager la scène est très dur pour moi. Quand vous devenez différent, spécial, vous êtes seul, » confie-t-elle à la radio de Philadelphie WRTI en 2012. En 1999, elle joue à Carnegie Hall avec l’Orchestre de Philadelphie, à la place de Pollini. « J’aime remplacer les collègues, je me sens utile » dit-elle en 2012 au Arts Journal Blog. C’est une de ses rares apparitions aux Etats-Unis, où elle reste peu connue alors qu’elle est une figure de référence en Europe et au Japon.

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Sa discographie s’étale sur 15 ans chez Erato et plus de 20 ans chez Deutsche Grammophon

Maria Joao Pires enregistre l’intégrale des sonates de Mozart chez Denon, avant que Michel Garcin lui propose de signer chez Erato en 1973. Elle grave alors pour le label 13 concertos de Mozart en quatre ans, une nouvelle intégrale des sonates, des concertos de Bach dirigés par Michel Corboz, des Préludes et des Valse de Chopin ainsi que les concertos, et des sonates de Schubert.
Au milieu de tout cela, Maria Joao Pires a fait une pause pendant quatre ans. Sans piano. Une dystonie à la main est apparue à la fin des années 70. Elle décide alors de tout arrêter, vend son instrument et s’installe à la campagne avec ses quatre enfants. Mais le besoin d’argent finit par se faire sentir, et elle revient sur scène.

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En 1989, elle passe chez Deutsche Grammophon et réenregistre une troisième fois l’intégrale des sonates de Mozart. Suivent Schumann (Scènes de la forêt et le Carnaval de Vienne), Bach, à nouveau Schubert et Chopin. Des concertos, comme le Deuxième de Beethoven et le Triple avec le Symphonique de Londres dirigé par Haitink. Elle grave aussi beaucoup de musique de chambre (Brahms, Beethoven, Grieg, Franck, etc.), notamment avec Augustin Dumay – qui fut son compagnon pendant quelques années – et le violoncelliste Jian Wang. Pour ses 70 ans, les deux labels rééditent ses enregistrements : un coffret 17 CD chez Erato, et trois coffrets (solo 20 CD, concerto 5 CD et musique de chambre 12 CD) chez DG. Un magnifique leg discographique !

 

Maria Joao Pires cherche toujours à adoucir la sonorité du piano.

Le jeu de Maria Joao Pires est le reflet de sa sensibilité, sa douceur, et sa recherche continuelle sur le son. Elle avoue dans une vidéo pour Debraguess Image trouver le piano « trop percussif, trop matériel ». Dans ses masterclass, à la Chapelle Reine Elisabeth à partir de 2012, ou dans sa ferme de Belgais au Portugal, elle insiste sur l’importance de « se rapprocher de la source intime de la musique », plutôt que d’exprimer ses propres émotions ou de chercher à reproduire un style arbitraire. Elle encourage aussi à écouter son corps, au lieu de lutter contre. La clé de l’acceptation, elle l’a trouvée après 40 ans grâce au bouddhisme, que pratiquait déjà son grand-père. En sus de ses quatre enfants elle a adopté deux garçons, démontrant une fois de plus sa générosité. Plusieurs fois dans sa carrière, elle a annoncé se retirer de la scène, mais finalement y revient toujours. Pour le plus grand bonheur du public.

Largo du Concerto No. 5 BWV 1056 de Bach (Maria Joao Pires, Orchestre de Paris, dir. Riccardo Chailly. Salle Playel, 2012)

 

 

La pianiste est convaincue que c’est aux artistes de changer la société.

En 1999, Maria Joao Pires crée un centre interdisciplinaire dans sa maison de campagne à Belgais, à 250 km de Lisbonne, où on pratique l’agriculture biologique. Elles accueille des artistes, des scientifiques, et monte des chorales éducatives pour des enfants des environs. En 2002, l’Unesco lui décerne son Prix international de la musique. Mais en 2006 elle doit abandonner le projet, par manque de soutiens. Elle part alors au Brésil pour aider son ami le pianiste Ricardo Castro, engagé dans un projet inspiré du Sistema vénézuélien. « J’ai un souci de l’humain, de la planète, un souci très profond de la souffrance humaine. […] A travers la musique, je n’ai cessé de chercher une vérité. J’ai fait de mon mieux pour ne pas agir de façon superficielle et ne jamais attenter à la dignité de la musique, » déclare-t-elle à Classica en 2018. « On nous faire croire que divertir est une condition pour sauver la musique ou la démocratiser. […] Mais l’avenir de la musique classique dépend surtout de personnes qui sont prêtes à se dédier à l’art. »
Toujours enthousiaste, et forte de ses échecs, elle lance encore un nouveau projet en 2012 : Partitura. « Je me contente de rassembler des musiciens motivés autour d’un projet musical et humain, qui comporte un volet social. […] ça ne sert à rien de combattre le système ; on peut l’accepter, tout en créant notre propre modèle à l’intérieur. » En 2010, Shani Diluka témoigne dans Classica : « Maria Joao Pires, c’est aussi le paradoxe entre l’instant et l’éternel. C’est un inestimable secret qu’elle nous transmet, où finalement être interprète devient philosophique. »

 

Sixtine de Gournay

 

Crédit photo : Félix Broede / DG

 

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