PERLMAN Itzhak

(1945- ) Violoniste

Itzhak Perlman subjugue. Le violoniste allie une virtuosité époustouflante à une expressivité incomparable, le tout servi par la sonorité lumineuse de son Stradivarius. Charismatique, le détenteur de quinze Grammy Awards l’est assurément. Mais derrière le virtuose, on aperçoit un musicien généreux, tant avec le public qu’avec ses élèves. Un homme qui a su vaincre le handicap, et qui nous rappelle qu’au-delà des apparences, le plus important reste le partage de la musique.

Itzhak Perlman en 8 dates :

  • 1945 : Naissance à Tel-Aviv (Israël)
  • 1949 : La poliomyélite affecte l’usage de ses jambes
  • 1958 : Entre à la Juilliard School de New York
  • 1963 : Débuts au Carnegie Hall
  • 1967 : Premier concert avec l’Orchestre philharmonique d’Israël
  • 1994 : Interprète la BO de John Williams pour le film La Liste de Schindler de Steven Spielberg
  • 1995 : Fonde avec son épouse le Perlman Music Program
  • 2009 : Se produit lors de l’investiture de Barack Obama, avec Yo-Yo Ma et Gabriela Montero

D’Israël à la Juillard School, le violoniste a su dépasser son handicap

Itzhak Perlman naît à Tel-Aviv en 1945. Sa mère russe et son père polonais ont émigré en Israël dans les années 30. Dès 5 ans, le garçon apprend le violon à l’Académie de musique avec Rivkah Golgart, formée à l’école russe. Elle développe la virtuosité de sa main gauche et, à 10 ans, Perlman joue devant Isaac Stern. Impressionné, le violoniste lui conseille d’aller étudier aux Etats-Unis.
La famille Perlman déménage donc à New York. Itzhak a 13 ans et entre à la Juilliard School, dans la classe d’Ivan Galamian. Il y rencontre Pinchas Zukerman, de trois ans son cadet, qui devient l’un de ses meilleurs amis. Mais le professeur ne croit pas à l’avenir de Perlman malgré son immense talent : atteint de la poliomyélite à 4 ans, il se déplace difficilement avec des béquilles, et ne peut jouer du violon qu’assis. « On m’a dit, tu vas voir, les avions, les voyages, les répétitions, ça ne va pas être facile. Et alors ! J’ai volé, voyagé, répété ! » s’exclame-t-il en 2007 à Marie-Aude Roux pour Le Monde.

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En 1978, Perlman révèle dans un documentaire réalisé par Christopher Nupen, combien ses parents ont été déterminants pour surmonter son handicap. « On peut rendre facilement une anormalité normale. Cela dépend de comment on est traité, et de ce dont on est capable de faire. Pour moi, cela n’a jamais été un problème. » Une femme va croire en lui à la Juilliard School : Dorothy DeLay, l’assistante de Galamian. Dans une interview vidéo menée par Dmitri Berlinsky en 2021, Perlman compare le style de ses deux professeurs : « Galamian disait de jouer comme ça, alors que DeLay posait des questions et me faisait réfléchir. » Au travail technique de la main droite, elle joint celui de la personnalité. Elle lui donne confiance en lui, sur scène et dans la vie, l’encourageant à être plus sociable sans craindre le regard des autres.

 

Le public le découvre à la télévision et au Carnegie Hall

Les débuts à New York ne sont pas simples pour les Perlman. Pour aider ses parents financièrement, l’adolescent joue parfois dans des hôtels. Puis il est invité à la télévision dans le Ed Sullivan show, l’une des émissions les plus regardées avec près de 60 millions de téléspectateurs. La reconnaissance du milieu musical vient avec ses débuts au Carnegie Hall à 18 ans, mais surtout avec le 1er Prix du Concours Leventritt l’année suivante. Il retrouve Isaac Stern dans le jury, à côté des chefs d’orchestre George Szell et William Steinberg. Une carrière internationale s’ouvre à lui, menée par l’agent américain Sol Hurok. La même année, Perlman enregistre son 1er disque : le Concerto pour violon de Tchaïkovsky dirigé par Alfred Wallenstein.

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Avec Daniel Barenboim et Pinchas Zukerman, il forge de solides amitiés qui s’illustreront au disque

Perlman s’est fait de nombreux amis. Parmi eux, le couple Daniel Barenboim et Jacqueline DuPré, avec il interprète une mémorable Truite de Schubert, filmée en 1969 par Christopher Nupen, avec l’ami Pinchas Zukerman à l’alto et Zubin Mehta à la contrebasse. A la même époque, Perlman rencontre Vladimir Ashkenazy, avec qui il enregistre en 1975 l’intégrale des Sonates pour violon et piano de Beethoven chez Decca, puis les Trios avec Lynn Harrell. Après le décès de Jacqueline DuPré, Perlman continue de jouer avec Barenboim, et enregistre avec lui les concertos pour violon de Bach et de Beethoven en 1989, des Sonates de Mozart en 1991, ou encore le Triple concerto de Beethoven avec Yo-Yo Ma au violoncelle en 1995.

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La discographie de Perlman est gigantesque, à la mesure de sa curiosité musicale. Outre les grands concertos, il en enregistre d’autres alors délaissés, comme ceux de Korngold, Walton ou Vieutemps. Il aime aussi jouer les pièces de concert du début du XXème siècle, à l’image de son idole Jascha Heifetz. C’est en entendant le violoniste à la radio qu’il avait décidé de jouer du violon. A la virtuosité, Perlman allie un panache digne de Paganini, dont il enregistre d’ailleurs les 24 caprices pour EMI en 1972, avec un brio phénoménal.

 

Violoniste juif, il part en tournée avec l’Orchestre Philharmonique d’Israël et joue la musique Kletzmer

« Quand on joue, notre personnalité ne doit pas passer avant la musique, mais elle doit quand-même transparaître. J’aime aller à la rencontre du public. Il s’agit de donner et de recevoir. Il faut établir un contact. Je ne crois pas que, sans l’adrénaline, on joue aussi bien. » Ces propos, confiés à Christopher Nupen en 1978, résument bien le violoniste. La générosité de Perlman sur scène, autant que son talent, a toujours électrisé le public. Mais la musique est aussi parfois l’occasion d’affirmer des convictions et une identité.
En 1967, il entame une fructueuse collaboration avec l’Orchestre Philharmonique d’Israël, souvent illustrée au disque. Il sera le premier à se produire avec cet orchestre dans le bloc soviétique (Varsovie et Budapest en 1987, puis à Moscou et Leningrad peu de temps après la chute du mur). En 1994 il réalise, toujours avec l’Orchestre philharmonique d’Israël, une tournée en Chine et en Inde, alors également sensibles politiquement. Perlman tâte aussi de la musique kletzmer, notamment avec le clarinettiste David Krakauer. Un hommage à ses racines juives d’Europe centrale. Le virtuose accepte d’autre part d’interpréter la BO de John Williams pour La Liste de Schindler de Spielberg, qui remporte un Oscar en 1994. Il renouvelle sa collaboration avec le compositeur en 2005 pour Mémoires d’une Geisha, aux côtés de son complice Yo-Yo Ma. Le cinéma n’est cependant pas toujours synonyme de tragédie pour le violoniste, qui joue son propre rôle dans Tout le monde dit « I love you » de Woody Allen en 1997.

BO du film La Liste de Schindler (Itzhak Perlman au violon, avec John Williams à la baguette)

 

 

Également chef d’orchestre et enseignant, il est unanimement salué jusqu’à la Maison Blanche

Le violoniste aime aussi tenir la baguette. Premier chef invité de l’Orchestre de Detroit de 2001 à 2005, il est conseiller musical de l’Orchestre de Saint Louis à partir de 2002, et directeur artistique du Westchester Philharmonic à Purchase entre 2008 et 2011.
Le virtuose au grand cœur et à l’humour ravageur, est aussi un excellent pédagogue. Il enseigne au Brooklyn College à partir de 1975, puis à la Juilliard School où il succède en 1999 à son ancienne professeure Dorothy DeLay. En 1995, débute le Perlman Music Program, qui accueille chaque été des musiciens prometteurs à partir de 12 ans pour des cours et des concerts pendant six semaines. C’est avec sa femme Toby que Perlman a créé cette institution. Violoniste et elle-même élève de Dorothy DeLay, Perlman l’a rencontrée en 1963, lors d’une académie d’été justement. Le couple s’est marié trois ans plus tard, et a eu 5 enfants.
Si son handicap a parfois compliqué son quotidien, le talent de Perlman a en revanche toujours été reconnu, et ce jusqu’à la Maison Blanche. Déjà invité en 1970 par Nixon, il y revient pendant les mandats de Carter, Reagan, Bush père et fils, Bill Clinton, et Barack Obama, lequel lui remet en 2015 la Médaille présidentielle de la Liberté. En 2003, il reçoit en outre une récompense du John F. Kennedy Center for the Performing Arts « pour ses succès et ses contributions à la vie culturelle et éducative de la Nation ». Aujourd’hui, Itzhak Perlman ne fait pas que jouer du violon : le virtuose en fauteuil roulant signale régulièrement les problèmes d’accès pour les handicapés, notamment dans les salles de concert et les hôtels. Mettre sa notoriété au service des autres, voilà bien Itzhak Perlman.

 

Sixtine de Gournay

 

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