Les Gymnopédies d’Erik Satie, l’insondable mystère de la simplicité

Qui ne s’est s’est pas amusé un jour à pianoter l’une des Gymnopédies de Satie, ces trois danses poétiques dont la divine simplicité cache un insondable mystère ?

Quand il écrit ses Gymnopédies, Satie a 22 ans. Le fait qu’il soit né en 1866 et qu’elles soient publiées en 1888 (ah ! ces doubles chiffres) participent à la magie.

Les gymnopédies ne sont pas un mot inventé par Satie. On le trouve chez Plutarque et Xénophon. Il s’agit de danses en l’honneur d’Apollon et de Bacchus qui étaient exécutées à Sparte par des hommes et des enfants nus pour célébrer les morts à la guerre. Les gymnopédies avaient lieu au milieu de l’été et elles attiraient beaucoup d’étrangers. D’après les textes, elles requéraient force, grâce et beauté.

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D’une simplicité « enfantine », d’une « nudité » revendiquée et d’une grâce « hellénique », ces trois pièces sont à jouer avec une pudique noblesse. Le caractère spécifié par « Esoterik Satie » (Alphonse Allais) est sans ambiguïté : Lent et douloureux pour la première, Lent et triste pour la deuxième, Lent et grave pour la troisième. En revanche, la tonalité est équivoque. Satie s’est inspiré de modes de la Grèce antique : mixolydien (première) ou éolien (troisième).

 

Le futur compositeur de Socrate reprend à son compte le fameux « Je sais que je ne sais rien » du philosophe athénien en suggérant que l’essentiel est entre les notes.

La magie des Gymnopédies d’Erik Satie provient de leur mystérieuse vibration. Satie invente la musique du silence. Derrière une apparente immobilité, c’est un mouvement d’une grande pureté qui se détache. Impossible d’analyser ces pièces dont la désolation infinie n’a d’égale que leur sublime perfection.

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On a peine à croire que ces pièces ne rencontrèrent aucun écho à leur création. Pour aider son ami à se faire connaître, Debussy orchestrera la première et la troisième. C’est Roland-Manuel qui se chargera de la deuxième. Curieusement, l’instrumentation n’apporte rien et dissout même l’équilibre poétique.

 

Si les pianistes amateurs les plus modestes y trouvent de quoi émerveiller leur entourage sans peine, les plus grands virtuoses hésitent au seuil de ces temples mystérieux. Comme l’a écrit justement François-Joël Thiollier : « Pour bien jouer les Gymnopédies de Satie, il faut bien jouer la Berceuse de Chopin. »

On pourrait aussi rappeler à leur propos la fameuse formule de Schnabel sur Mozart : trop simple pour des enfants et trop difficile pour des adultes.

 

Olivier Bellamy

 

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