La Ballade n°1 de Chopin, un écho nostalgique de sa Pologne natale

Chez Chopin, le piano est l’instrument de la solitude et de l’exil, le confident de l’âme. On y découvre des carnets d’esquisses, un journal musical dont les pages sont tenues au jour le jour. Le musicien imagine un monde sonore clos et personnel, sous le signe d’une continuité douloureuse. Une telle somme révèle les liens affectifs qui ne seront jamais brisés avec sa terre natale, la Pologne.

Une écriture nostalgique mais sans tristesse, évocatrice, sensuelle et parfois désincarnée, qui n’a rien perdu de son pouvoir envoûtant.

Une telle œuvre est également source de ruptures. Grâce au piano moderne, mutation heureuse du pianoforte, Chopin bénéficie d’un instrument révolutionnaire avec lequel il crée un nouveau langage et un nouveau répertoire. Celui-ci ne repose plus seulement sur les legs de Beethoven ou de Schubert. La ligne mélodique si reconnaissable chez Chopin s’exprime avec transparence, quelle que soit la complexité de la polyphonie. Loin de l’image faussée d’une passion romantique qui ne serait que désordre, il affirme au contraire sa vocation de maître de l’équilibre et de la mesure. Chaque matin, ne jouait-il pas avant tout autre pièce, un prélude et une fugue, extraits du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach ?

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Mais, la pureté élégante et la sobriété du chant n’excluent pas non plus le plaisir de la virtuosité. Elle est présente aussi bien dans les sonates, les études, les scherzos que les ballades…

 

Quatre Ballades, quatre romans en musique, presque, qui révolutionnent l’écriture romantique.

Les quatre Ballades ouvrent la voie à l’impressionnisme de Claude Debussy (1862-1918) et de Maurice Ravel (1875-1937), aux univers d’Alexandre Scriabine (1872-1915), voire aux couleurs d’Olivier Messiaen (1908-1992).

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Chopin se passionnait pour la littérature et tout particulièrement celle des romanciers et poètes polonais. Le titre de “ballade” lui serait venu en lisant les écrits de Niemcewicz et Mickiewicz. La Ballade est modelée par l’insertion de motifs issus du folklore polonais. Ils ne sont jamais cités, mais recréés de toutes pièces. Son piano est proche du poème symphonique, c’est-à-dire qu’il fait appel à un instrument dynamique, puissant, capable d’inventer de nouvelles couleurs.

 

Krystian Zimerman interprète la Ballade n°1 de Chopin

 

En commentant la Ballade, l’écrivain André Gide fit allusion à Charles Baudelaire : « A sa hardiesse incantatoire, à quelque surprenant raccourci du poète des Fleurs du Mal ».

La composition de la Première ballade en sol mineur op.23 débuta à Vienne en 1831 et la partition fut achevée à Paris en 1835. Dans cette page novatrice dans l’histoire du piano, le compositeur transcrit les atmosphères des textes fantastiques tout en s’inspirant de la construction de la sonate traditionnelle. Il transgresse le cadre formel et se tourne vers la fantaisie dont il emprunte l’originalité à Schubert. Le compositeur viennois concevait en effet celle-ci comme une improvisation couchée directement sur le papier.

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Les deux thèmes de la Ballade se rejoignent avec une violence tragique qui met en valeur la virtuosité de l’interprète.

 

Stéphane Friédérich

 

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