C’est un nouveau programme passionnant que vous propose Demandez le programme. Chaque jeudi, nous illustrerons en musique la vie d’un célèbre compositeur. Voici la vie en musique de Gustav Mahler, l’auteur de l’Adagietto de la fameuse 5ème symphonie qui illustra Mort à Venise, le film de Visconti.
Mahler rejoint le Conservatoire de Vienne à l’âge de 17 ans et compose son premier quatuor à 20 ans
Gustav Mahler est né en 1860 en Bohême, du temps de l’Empire austro-hongrois. Fils de tanneur, 2ème enfant d’une famille juive pauvre, Gustav étudie tôt le piano et le violon avec son père puis à l’école de musique locale. De ses origines juives – même s’il se convertit au catholicisme pour obtenir un poste – le compositeur dira ceci : « Je suis trois fois étranger sur la Terre ! Comme natif de Bohême en Autriche, comme Autrichien en Allemagne, comme juif dans le monde entier ». Mahler rejoint le Conservatoire de Vienne à l’âge de 17 ans et compose son premier quatuor à 20 ans. En 1876, il est encore un étudiant. Proche des quatuors de Brahms et Schumann, cette œuvre de jeunesse annonce un musicien innovant, révélant déjà son style personnel et sa tendance à explorer les thèmes mélancoliques et la nature.
Mahler n’a pas 30 ans quand il compose sa première symphonie Titan. Il vient d’être nommé directeur de l’opéra de Hambourg et obtient un succès critique mais pas public. Brahms est admiratif. La symphonie cite le thème de « Frère Jacques ». A cette date, Mahler est déjà un musicien reconnu, il a occupé différents poste à l’opéra de Prague, de Budapest puis de Hambourg. Il se convertit au catholicisme pour être nommé directeur de l’Opéra de Vienne.
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Nommé directeur de l’Opéra de Vienne, Mahler se révèle en chef exigeant, sachant obtenir le meilleur de ses musiciens, imposant au public d’assister aux représentation sans sortir. C’est aussi à cette époque qu’il rencontre Alma, qui devient Madame Mahler en 1901. Avec elle, il fréquente des artistes, l’Avant-garde, il aura deux filles, en perdra une. C’est à cette époque qu’il compose le Lied « Ablösung im Sommer » inspiré par ses vacances dans les Alpes.
Mahler crée sa 4ème symphonie en novembre 1901 à Munich, il a pris des vacances et l’achève l’été qui précède son mariage avec Alma. Mahler avait une obsession : il voulait que chacune de ses symphonies soit aussi réussie que la 9ème de Beethoven. Mais son art n’est pas du goût des Français qui le trouvent pompeux. Debussy dira même « Ouvrons l’œil (et fermons l’oreille). Le goût français n’admettra jamais ces géants pneumatiques à d’autre honneur que de servir de réclame à Bibendum ». Paradoxalement certains voient chez Mahler un héritier de Berlioz dont il connaissait parfaitement le travail.
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Si les Français n’aiment pas Mahler, c’est l’Italien Luchino Visconti qui dans les années 60 va leur faire entendre raison. Dans son film Mort à Venise, le cinéaste italien choisit l’Adagietto de la 5ème symphonie pour accompagner l’arrivée à Venise du héros de son film. Mahler aborde en même temps le grand public et accoste la postérité en vaporetto.
A New York, Mahler doit gérer l’envahissant Arturo Toscanini
C’est un épisode peu connu de la vie de Mahler. Il subit l’antisémitisme qui monte à Vienne avant même la Première guerre mondiale. Cosima Wagner s’est opposée à sa nomination à l’Opéra de Vienne. Celui qui pourtant admire Wagner quitte la ville de guerre lasse. En 1908, il s’exile aux Etats-Unis pour devenir directeur musical de l’Opéra de New York. Il y achève Le Chant de la Terre, considéré comme l’une de ses œuvres les plus importantes.
Wagner est malade et son couple aussi. Sa femme lui reproche de ne pas faire son devoir d’époux et prend un amant, le jeune architecte Walter Gropius. Mahler rencontre Freud avec lequel il aura une discussion de 4 heures. Il écrit à sa femme : « Je suis joyeux, conversation intéressante ». Le couple se rabiboche et Alma ne le quittera plus jusqu’à la fin de vie. Alors qu’il travaille sur sa 10ème Symphonie, Mahler, qui doit gérer l’envahissant Toscanini à l’opéra de New York, tombe malade. Il part se faire soigner à Paris, rentre à Vienne ou il meurt le 18 mai 1911 à 50 ans. C’est son ami Derick Cooke qui achève sa 10ème Symphonie parmi les nombreuses œuvres que Gustav n’a pas pu terminer.
Mahler est un des compositeur les plus importants du XX e siècle, il s’est beaucoup confié à Natalie Bauer-Lechnerson, une amie qui en a tiré un recueil de souvenir. C’est à elle qu’il confie ceci, parmi tant d’autres réflexions sur l’art et la musique : « Le plus important dans la composition est la clarté de la ligne ; que chaque voix soit chantante, comme dans le quatuor vocal, qui est la pierre de touche, la balance à peser de l’or. Dans un ensemble de cordes, cette transparence joue encore. Plus l’orchestre est grand, moins c’est évident, mais la règle reste valable. De la même façon que les formes les plus parfaites de la plante, la floraison et les milliers de branches d’un arbre se développent à partir du modèle d’une simple feuille ; de même que la tête humaine n’est rien d’autre qu’une vertèbre ; de même les lois de la polyphonie vocale doivent être observées dans la pureté de leurs lignes jusque dans le tissu orchestral le plus complexe ». Mahler dira aussi : « Je m’en aperçois de plus en plus, on ne compose pas, on est composé ».
David Abiker