La migration face au réchauffement climatique concerne déjà les populations humaines mais aussi les espèces animales et végétales, qui tentent d’échapper à la hausse des températures. Dans cette course à la fraîcheur, les espèces marines prennent de l’avance.
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Les espèces terrestres se déplacent en altitude, vers les sommets des montagnes, d’après l’étude du CNRS
Des chercheurs du CNRS ont analysé 30.000 observations de déplacements de plus de 12.000 espèces animales et végétales. Résultat : les espèces marines migrent à une vitesse de 6 kilomètres par an en moyenne et vers les pôles, pôle Sud et pôle Nord, à la recherche d’un peu de fraîcheur. En suivant en tout cas les isothermes, ces lignes imaginaires où la température est constante.
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« Une des façons de s’adapter et de répondre au changement climatique est de migrer pour pouvoir retrouver des isothermes identiques à son habitat favorable, explique Jonathan Lenoir, coauteur de cette étude et chercheur à l’unité écologie et dynamique des systèmes anthropisés de l’université de Picardie. On remarque que ces espèces marines ont tendance à suivre la vitesse à laquelle les isothermes se déplacent ».
#Communiqué ?️ | Ce sont les espèces marines qui font la course en tête, se déplaçant jusqu’à 6 fois plus vite vers les pôles que leurs congénères terrestres, selon les tout derniers résultats d’une étude franco-américaine.
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— Centre national de la recherche scientifique ? (@CNRS) May 26, 2020
Les espèces terrestres, elles, se meuvent en altitude, vers les sommets des montagnes, à une vitesse de 2 mètres par an, mais aussi vers les pôles.
Le réseau routier et les activités agricoles ralentissent la migration des espèces terrestres
Seulement, elles le font beaucoup plus lentement que les espèces marines, à 1 kilomètre par an en moyenne. Cela s’explique par le fait que les espèces marines sont de manière générale plus sensibles aux fluctuations de températures. Mais il y a aussi une différence de milieu, car l’environnement terrestre est beaucoup plus fragmenté. « Le développement du réseau urbain, routier, les activités agricoles, la sylviculture en forêt fait que cela va rendre l’habitat naturel de plus en plus petit et morcelé. Cela va entraver les déplacements des espèces terrestres vers un habitat plus favorable ».
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Le milieu marin, plus continu et fluide, permet ainsi plus de déplacements. Cette adaptation des espèces animales aux changements climatiques est plutôt une bonne nouvelle. Les scientifiques le reconnaissent également. Seulement, les espèces sont majoritairement en retard sur le réchauffement climatique, qui est plus intense que ce qu’elles sont capables de compenser par leurs déplacements.
L’étude du CNRS a suivi le parcours de 12.000 espèces, soit seulement 0,6% de celles recensées dans le monde
Et puis, il arrivera un moment où les migrations vers les pôles ou en altitude ne seront plus possibles. « La course vers le nord et vers les pôles a une fin, tranche Romain Bertrand, coauteur de l’étude et chercheur au laboratoire évolution et diversité biologique de l’université de Toulouse. Par exemple en montagne, plus on se rapproche du sommet, moins la surface disponible pour ces espèces est importante. Toutes les espèces ne pourront pas coloniser ces habitats et toutes survivre ».
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« De plus, toutes les espèces ne migrent pas au même rythme. Donc, certaines vont arriver dans des communautés déjà existantes et peut-être chasser d’autres espèces et les faire disparaître localement », avertit le chercheur, qui rappelle par ailleurs que le travail scientifique sur le déplacement des espèces est encore colossal. 12.000 espèces étudiées dans cette étude, c’est beaucoup, mais cela ne représente que 0,6% des espèces recensées dans le monde. Et cela, faute de données disponibles…
Baptiste Gaborit