Plus de 20.000 tonnes d’hydrocarbures d’une centrale thermique se sont déversées il y a 10 jours dans une rivière de l’Arctique russe. Les autorités pensaient avoir stoppé la pollution, mais ce n’est pas le cas. Cet accident pourrait être le premier d’une longue liste, car le dégel du permafrost met en danger les fondations des installations pétrolières et gazières russes.
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« Un drame écologique sans précédents dans l’arctique russe, au moins depuis le milieu des années 1990 »
On a appris hier que le carburant issu de la fuite d’une centrale thermique a atteint un lac d’eau douce, le Piassino, dont les eaux s’écoulent ensuite dans le fleuve du même nom et qui se jette lui dans la mer Arctique de Kara. Les autorités russes reconnaissent que les barrages flottants installés la semaine dernière n’ont pas été efficaces. « La pollution n’a pas été stoppée, comme il a été dit dans les premiers jours après l’incident », assure Mikaa Mered, spécialiste de l’Arctique et professeur de géopolitique à l’Institut libre d’études des relations internationales.
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« Il y a du diesel qui s’infiltre dans l’eau sous forme de particules légères. On sait déjà que ces particules se sont dispersées tout le long du système fluvial jusqu’à la mer de Kara. C’est un drame écologique sans précédents dans l’arctique russe, au moins depuis le milieu des années 1990″.
Le dégel du permafrost serait la cause de l’effondrement du réservoir de diesel
Les effets de cette pollution pourraient se prolonger pendant plus de 10 ans. Cela a entraîné la colère du président russe Vladimir Poutine, qui accuse les responsables locaux d’avoir tardé à réagir et les responsables du groupe Norilsk Nickel de négligence.
Le président russe décrète l'état d'urgence national. En cause ? Le rejet de 20 000 tonnes d'hydrocarbures dans une rivière. https://t.co/r5hwKU0zlC
— Le Point (@LePoint) June 5, 2020
« Sur le réservoir qui a fuité, il y a eu des inspections menées par des auditeurs et le ministère russe de l’Environnement en 2014, en 2017, en 2018. Il y a des violations de sécurité qui ont été signifiées et qui ont débouché sur rien. On peut dire que la société Norilsk Nickel n’a effectivement pas suivi des faits les différentes demandes de réparations par le gouvernement russe ». L’entreprise de son côté dément aujourd’hui la pollution du lac d’eau douce. Elle assure avoir déjà pompé plusieurs centaines de tonnes de diesel.
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C’est le dégel du permafrost qui apparaît comme une cause possible de cette catastrophe. Le permafrost, le pergélisol en français, c’est ce qui qualifie cette couche de terre gelée en permanence, du fait des températures négatives et qui peut atteindre 1.500 m de profondeur. Les piliers qui soutenaient le réservoir de carburant auraient cédé sous l’effet du dégel du pergélisol. Un dégel, qui s’accélère à cause du réchauffement climatique.
Les installations pétrolières et gazières russes seraient en danger à cause du réchauffement des sols gelés
Les autorités russes viennent d’ordonner une vérification complète de toutes les infrastructures à risques bâties sur le permafrost. Elles sont nombreuses, puisqu’en Russie, 80% des sites d’extraction gazière et 15% des sites pétroliers sont situés sur du pergélisol. « Toutes les projections climatiques, surtout dans l’Arctique, sont soumises à de très grosses marges d’incertitudes », explique Florent Dominé, directeur de recherche au CNRS et chercheur à l’université Laval à Québec spécialisé dans le changement climatique dans l’Arctique.
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« Mais d’ici 2100, ce qui est sûr, c’est qu’il y a une fraction considérable du pergélisol, entre 20% et 30%, qui risque de disparaître. Quand vous voyez qu’il y a environ 15 millions de kilomètres carrés de pergélisol dans l’Arctique nord, cela fait plusieurs millions de kilomètres carrés », alerte-t-il.
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« Soit 10 fois la surface de la France de pergélisol qui va disparaître ». Selon une étude publiée en 2018, jusqu’à 70% des infrastructures en Arctique sont menacées par le dégel du pergélisol d’ici à 2050.
Baptiste Gaborit