Les députés votent aujourd’hui le projet de loi sur la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d’abeilles. Il s’agit d’accorder une dérogation accordée aux betteraviers jusqu’en 2023. D’ici là, l’Etat promet un effort de recherche sans précédent pour trouver des solutions.
Amener plus de biodiversité dans les paysages agricoles
Les chercheurs travaillent sur 3 axes. D’abord sur la génétique végétale, les chercheurs se demandent comment rendre la betterave plus résistante au virus transmis par les pucerons. Ensuite, le second axe recherche comment bloquer le développement du virus via des molécules. Enfin, le 3e axe, le plus important peut-être, est d’amener plus de biodiversité dans les paysages agricoles pour réguler les populations de pucerons. Christian Huyghe est directeur scientifique agriculture à l’INRAE, l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture l’Alimentation et l’Environnement et parle de cet effondrement de la biodiversité : « Il y a eu au cours des dernières décennies en France et plus largement en Europe un effondrement de la biodiversité et en particulier de la biodiversité des insectes. On a gardé les pucerons et on a perdu les auxiliaires qui les mangent. Il faut trouver des bandes ou il y a des formes de refuge pour les pucerons parce qu’on sait que sur ces bandes on trouvera des auxiliaires qui vont s’alimenter des pucerons et des équilibres que l’on a plus aujourd’hui se créeront. »
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Les auxiliaires, ce sont les larves de coccinelles, les syrphes, les chrysopes. Cela passera par mettre autour des parcelles de betteraves, des bandes enherbées, avec de la végétation herbacée, des espèces différentes, des bosquets, des haies, des arbustes. La difficulté est qu’il ne faut pas que les champs de betterave soient trop grands, sinon les auxiliaires ne peuvent pas y aller. « Aujourd’hui vous avez des grandes parcelles de betterave et il n’y a rien d’autre autour. C’est une des difficultés que l’on rencontre aujourd’hui. Alors quelles sont les solutions ? Il faudrait plutôt travailler avec des parcelles très allongées en ayant des bandes enherbées à côté. Mais la bande enherbée ne peut pas faire 50 centimètres de large. Donc la vraie question sur laquelle on doit travailler c’est de dire quel pourcentage on doit dédier à ces surfaces pour la biologie de la conservation. » nous explique Christian Huygue.
50% de perte pour les agriculteurs qui font de la betterave bio
Ces surfaces de conservation, Michel Denize l’a tenté. Il est agriculteur dans l’Essonne et fait des betteraves bio depuis 2 ans. Il nous raconte sa situation : « Quand on désherbait manuellement on a constaté qu’on avait des coccinelles mais quand vous avez une forte pression maladie ça limite peut-être un petit peu l’impact de la maladie mais ça pas ça ne fait tout. Ça ne suffit pas à conserver une rentabilité à la culture. On est au minimum à 50 % de perte. Je vais encore continuer l’année prochaine mais s’il n’y a pas d’alternative ça sera fini. »
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Ce n’est donc pas suffisant. Il faudra de toute façon sans doute combiner les trois solutions pour arriver à des résultats. Le gouvernement promet des dérogations jusqu’à 2023, pas après. Les alternatives seront-elles prêtes ? Caroline Faraldo est la responsable agriculture à la fondation Nicolas Hulot et elle en doute : « Il y a une grosse crainte puisque la loi biodiversité date de 2016. Normalement, la filière et les acteurs publics auraient du mettre en place un plan pour sortir des néonicotinoïdes, ce qui n’a pas été fait. On ne voit pas pourquoi ça sera mieux fait d’ici 2023. D’ici là, on risque surtout d’avoir les mêmes discussions qu’aujourd’hui ». La FNH milite depuis des semaines pour des alternatives politiques, c’est à dire indemniser les producteurs plutôt que d’autoriser à nouveau les néonicotinoïdes. La FNH comme toutes les autres associations environnementales parlent aujourd’hui de recul majeur pour la biodiversité.
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